Brésil



Joao Fontes, Heloisa Helena, Luciana Genro, Baba


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Congrès constitutif du Parti du Socialisme et de la Liberté

Elidio A. Marques *

Des centaines de militant·e·s venu·e·s de quelque 22 Etats du Brésil se sont réunis dans la capitale Brasilia les 5 et 6 juin 2004. Beaucoup ont voyagé 18, 30 et jusqu’à 50 heures pour participer à cette première rencontre nationale. Diversité est peut-être le terme le plus exact pour traduire le vaste éventail de mouvements sociaux de secteurs populaires et de sensibilités socialistes et libertaires qui étaient représentés à cette rencontre.

Le nom choisi, par vote des militant·e·s, fut Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL). Ce nom traduit un sentiment général: la volonté de créer quelque chose de nouveau qui ne s’autoproclame pas «représentant et guide infaillible» du prolétariat. Au contraire, la dénomination du parti traduit la volonté de construire collectivement un chemin permettant de dépasser l’exploitation et l’oppression, dépassement qui devra être porté par la lutte d’acteurs sociaux représentés, entre autres, dans cette réunion.

Les principales figures présentes lors de cette rencontre étaient les quatre élus expulsés du PT à la fin de l’année 2003: la sénatrice Heloisa Helena (de l’Etat d’Alagoas dans le Nordeste), la députée fédérale Luciana Genro (de l’Etat de Rio Grande do Sùl), João Baptista dit Babá (de l'Etat de Pará) et Joao Fontes (de l’Etat de Sergipe). En outre, des représentants de l’intelligentsia brésilienne, ayant une audience nationale, siégeaient à la tribune lors de l’ouverture de cette rencontre nationale. Il s’agit de Carlos Nelson Coutinho, Chico de Oliviera, Paolo Arantes et de l’ancien député Milton Temer. Des centaines de militant·e·s ont commencé de discuter le projet de programme provisoire et les statuts. Le débat se fit dans des groupes de travail qui présentèrent des synthèses durant la séance plénière du dimanche. Les ateliers s'organisèrent autour des thèmes suivants: travail syndical, question paysanne, mobilisation de la jeunesse, environnement, antiracisme [qui renvoie à la question noire et aux racines esclavagistes de la formation sociale brésilienne], féminisme et droit des homosexuels. Le débat programmatique recoupait aussi les problèmes d'organisation dans ces différents secteurs de lutte.

Cette première rencontre nationale du PSOL a été marquée par la confluence de diverses expériences de la gauche brésilienne. Beaucoup de participant·e·s sont d'anciens membres ou sympathisants du PT (Parti des Travailleurs) ou proviennent d'autres partis de la gauche. Une grande partie d'entre eux a retrouvé la volonté et la motivation d'un engagement militant dans le contexte brésilien actuel, à partir de cette perspective de construction d'un nouveau parti. La participation tout à fait significative de syndicalistes, de jeunes, de militants du secteur paysan, représentés avant tout par le Mouvement Terre, Travail et Liberté (MTL), reflète la dimension sociale du projet politique qui en est à son tout début.

Le nom du parti - Parti du Socialisme et de la Liberté - fut choisi parmi des dizaines d'options qui ont été présentées au vote des militant·e·s, après une "bataille" très animée dans les couloirs. Une fois le résultat connu, toutes et tous ont assumé ce nom et ont exprimé leur adhésion avec des chansons "cri de guerre". De même furent approuvés des statuts et un programme provisoire dont les axes essentiels fondamentaux sont les suivants: défense d'un socialisme démocratique, de l'anti-impérialisme, de l'indépendance politique des travailleuses et travailleurs et d'un internationalisme actif. Des mots d'ordre immédiats tel que la rupture avec le FMI et le non-paiement de la dette extérieure se sont ajoutés aux revendications sociales les plus ressenties.

Construire un parti intégrateur

Le grand défi qui se présente au nouveau parti pour les prochains mois est le suivant: consolider son fonctionnement comme parti intégrant l'ensemble des membres. La convergence politique existant entre les parlementaires (les quatre exclus) et les courants organisés qui ont initié le processus du nouveau parti a été fondamentale pour cette étape. Elle continuera à être très importante pour la construction de ce projet. Toutefois, si nous voulons proposer une alternative crédible pour les travailleuses et travailleurs, nous devons dépasser cette phase d'accords entre les parlementaires et les courants organisés, un dépassement qui est déterminant pour la vie effective, interne et externe, du PSOL.

Il s'agit donc de commencer une nouvelle étape au cours de laquelle les noyaux militants et les instances démocratiquement élues deviennent la colonne vertébrale de la vie du nouveau parti. Notre objectif consiste à aller bien au-delà de l'accord positif entre les courants nationaux organisés [c'est-à-dire des courants tels que le MES dont la figure la plus connue est Luciana Genro; la CST représentée par Baba; le MRA issu de Démocratie socialiste; Socialisme et liberté issu du PSTU; Liberté Rouge, fraction publique de la tendance de Démocratie socialiste du PT, dont l'un des membres, Miguel Rossetto, participe, en tant que ministre de la réforme agraire, au gouvernement Lula, etc.].

Cet objectif doit se concrétiser par la création d'espaces organisés pour que chaque militant puisse décider concrètement de la politique, du programme, de la stratégie du nouveau parti et, cela, non pas à partir des liens entretenus avec les courants qui intègrent le nouveau parti.

Ce défi sera d'autant plus grand au cours des prochains mois qu'il sera lié à une autre tâche d'ampleur: réunir les 438'000 signatures nécessaires pour légaliser le parti. De toute manière, les aspects les plus positifs des luttes des masses laborieuses au Brésil ont toujours démontré qu'il n'existe pas une séparation entre action et réflexion, débat et organisation. Au contraire, une facette renforce l'autre. Le travail de constitution des noyaux militants, par exemple, doit être lié à l'organisation des militants qui visent à organiser des secteurs plus larges.

Dans la période initiale, marquée par cette rencontre nationale, la caractéristique de mouvement reste dominante par rapport à celle d'un parti. Durant toute une période, les décisions à prendre vont être marquées par la nécessité d'un consensus. En même temps, cela ne doit pas devenir un obstacle à la mise en place d'initiatives concrètes, combatives et, dans la mesure du possible, unitaires, particulièrement dans les luttes sociales qui marqueront certainement la prochaine période d'affrontements face au programme néolibéral du gouvernement Lula.

Le parti qui est né à Brasilia ces 5 et 6 juin ne procure certainement pas un remède contre les erreurs et les insuffisances de la gauche brésilienne au cours des dernières années. Mais nous devons tout faire pour qu'il soit un instrument très important, afin d'impulser la lutte à partir des anciennes et des nouvelles formes d'autorganisation dans la perspective d'une société libre, d'une société socialiste au Brésil et ailleurs.

*Militant du nouveau Parti du socialisme et de la liberté. Membre du Conseil de rédaction de Marxismo Revolutionnario Atual.

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