Brésil



Le PT au pouvoir: la gauche brésilienne et le social-libéralisme   

 

Par Alvaro Bianchi, professeur à l'Université Méthodiste de São Paulo et secrétaire de rédaction de la Revue Outubro*, et Ruy Braga, professeur à l'Université de São Paulo et secrétaire de rédaction de la Revue Outubro 

  

"Nous allons vers un système libéral socialiste. Nous devons être libéraux dans l'économie et sociaux dans les priorités. Je défends cela depuis plus de dix années, par conséquent, personne ne peut m'accuser d'avoir cette idée parce que je suis dans le gouvernement maintenant ".Cristóvam Buarque, ministre de l'Éducation du gouvernement Lula, dans O Estado de S. Paulo, 8 fev. 2003.   
Cristóvam Buarque
 
Ministre de l'Éducation du gouvernement Lula, dans O Estado de S. Paulo, 8 fev. 2003.
   

L'article que nous publions ci-dessous met en perspective les évolutions politico-idéologiques du Parti des Travailleurs (PT). Ce point de vue nous semble utile pour une réflexion. Nous nous efforcerons dans les mois à venir de mettre à disposition des personnes visitant notre site ou lisant A l'encontre un matériel d'actualité sur les développements au Brésil. Cela d'autant plus lorsque la presse dite économique - comme L'Expansion (juillet-août 2003) - écrit: «Le réalisme de la gauche éloigne le PT de ses promesses de campagne [électorale], mais a forcé le respect des milieux financiers.» -réd.

1. Introduction

La victoire électorale de Luís Inácio Lula de Silva et du PT, lors des élections présidentielles, condense plus de deux décennies de transformations sociales et politiques au Brésil. De grandes transformations. Deux décennies dans lesquelles le temps historique a été accéléré, fragmenté, bouleversé et cassé, créant un pays difficilement reconnaissable par rapport à ce qu'il était avant, du temps où sa formation sociale était encore marquée par des continuités séculières. Cette accélération du temps social n'a pas été vécue seulement dans les grandes métropoles, comme on pourrait s'y attendre, mais aussi en milieu rural où le temps lent des cycles naturels, avec ses saisons, ses jours et ses nuits, a été affecté par l'irruption de la politique avec ses rythmes propres.  

Ce temps historique s'est accéléré y compris du fait d'événements qui ont commencé par l'arrêter. Ainsi le 12 mai 1978, les ouvriers de l'usine de camions Saab-Scania, dans la région ABC de São Paulo[1] , ont  décidé d'arrêter les machines et de croiser les bras. Revendiquant une augmentation de salaire de 20%, les deux mille métallurgistes de cette entreprise ont  commencé une grève qui marquerait  histoire. Ils ont brisé le rythme cadencé du chronomètre, arrêté le temps de la production et avec cela ils se sont approprié le temps de la politique. 

Le mouvement des ouvriers de la Saab-Scania a agi comme détonateur pour un puissant mouvement de  revendication qui allait s'étendre à la région entière et au delà. Tout au  long de l'année 1978, presque 500 000 d'ouvriers ont menés des grèves et pendant l'année suivante le nombre de grévistes a atteint 3.241.500. Tel a été le point de départ d'un long cycle d'affrontement  syndical et d'organisation de la classe ouvrière qui s'est poursuivi, sans interruptions, jusqu'à 1989.    

Les mouvements qui ont eu lieu dans l'ABC de São Paulo, à partir de la fin des années 1970, ont ouvert la voie à une vaste lutte contre la surexploitation du travail aussi bien que contre la législation politique répressive qui attelait le mouvement syndical à l'État et restreignait les formes de la représentation ouvrière.[2]   Marqués par la spontanéité et par leur caractère offensif, ces mouvements ont inauguré une nouvelle pratique syndicale et politique. Rejetant la collaboration de classe, les pactes sociaux et l'immobilisme qui avaient caractérisé une bonne partie de la gauche brésilienne jusqu'à alors, les grèves d'ABC ont créé un mouvement social fondé sur la confrontation sociale et l'indépendance de classe.    

D'une «logique de la différence» à une logique étatiste

La naissance du PT est attachée de forme inséparable à ce mouvement gréviste. Déjà au milieu de 1978, le journal Versus a commencé à rendre publique le projet de création d'un parti ouvrier sans patrons, capable de défier la dictature militaire. Le projet a trouvé une première expression avec les thèses que l'Union des Métallurgistes de San André a présentées au 9e Congrès des Travailleurs Métallurgistes de l'Etat de São Paulo, réunie dans la ville de Lins, en janvier de 1979. [3]  

Le 1° mai 1979 une Lettre de Principes du Parti des Travailleurs a été diffusée où le projet a été réaffirmé: " Repoussant toute forme de manipulation politique des masses exploitées, y compris surtout les manipulations du régime militaire, le PT refuse d'accepter dans ses rangs les représentants des classes exploiteuses. Ce qui veut dire que le Parti des Travailleurs  est un parti sans patrons ". [4]

Les définitions stratégiques du projet politique du PT ont été marquées néanmoins dès les premières années par un caractère d'extrême généralité et d'ambiguïté. Le Programme du Parti, approuvé dans la Réunion Nationale de Fondation, en octobre de 1980,  a proposé de construire, dans sa lutte contre le régime répressif, " une alternative de pouvoir économique et politique, de démantèlement de la machine répressive et de garantie des libertés les plus larges pour les ouvriers et les opprimés, qui s'appuie sur la mobilisation et l'organisation du mouvement populaire et qui soit  l'expression de son droit et de sa volonté de décider de l'avenir du Pays ". Le Programme de 1980 définissait ce pouvoir alternatif comme constitutif  d'une société sans exploité ni exploiteurs et affirmait  que sa construction serait accomplie  contre les intérêts du grand capital national et international, mais il avait peu à dire sur les formes pour y aboutir. [5]

Ce qui faisait la force du PT dans ses premières années n'était pas son projet stratégique, mais sa force sociale. Ce qui attirait les militants du mouvement syndical et de la jeunesse était la possibilité d'agir de façon effective à travers la participation politique dans un parti qui ne portait pas la lourde marque de l'immobilisme et de la bureaucratisation qui avait ravagé la gauche brésilienne avant le coup militaire de 1964. Dans ce sens-là, le PT a cristallisé un processus de reconfiguration sociale et politique de la classe ouvrière brésilienne qui avait eu lieu dans la décennie 1970, moyennant une multiplicité de mouvements sociaux qui contestait les vieilles formes d'institutionnalisation politique des classes opprimées[6] .  Ce qui faisait du nouveau parti un parti prometteur, était sa «logique de la différence».[7]    

La construction du PT avait ainsi comme fondement un réflexe de classe et de lutte de classe[8] à l'état pratique, une traduction politico-organisationnelle des mouvements spontanés de grèves qui avaient secoué la dictature militaire dans la fin des années 1970 et  qui ont profondément changé les formes d'exercice de la politique au Brésil[9] .  Les marques de ce classisme pratique étaient son rejet quasi instinctif des politiques de collaboration, de  concertation et d'alliances avec la bourgeoisie, ainsi que la déclaration, dans son acte de naissance, d'une vocation  anti-capitaliste et d'une foi dans le pouvoir thaumaturgique des  "bases du parti". Cette dimension pratique, spontanée, a été ce qui a donné au PT une vigueur et une force d'impulsion qui se sont montrées capables de renouveler la forme d'exercice de la politique par la classe ouvrière et en réaction, celle des classes dominantes elles mêmes. C'était l'affirmation politique d'une force inimaginable et inattendue jusqu'à son apparition.    

Les pratiques spontanées de ce classismese sont bientôt transformées en spontanéisme théorique. L'absence des définitions stratégiques plus précises a été attribuée à la plasticité du mouvement et a été présentée comme la plus grande vertu du PT. De là, l'insistance avec laquelle on a commencé à dire que le PT n'était pas né " prêt et finit " et que son programme naîtrait à partir " des pratiques politiques de ses bases sociales " et  serait défini " par la pratique politique des ouvriers ". [10]     

Dans le discours de Lula à la 1° Convention Nationale du Parti, en 1981, cette négation de la théorie est explicitée. Faisant référence à ceux qui s'interrogeaient sur l'idéologie et la conception du socialisme du PT, Lula répond que " ces sujets ne servent qu'à exprimer  la méfiance quant à la capacité politique des ouvriers brésiliens de définir leur propre voie".Un peu plus loin dans le même discours, il présente ce qui serait sa propre conception: " Le socialisme que nous voulons sera défini par le peuple tout entier, comme exigence concrète des luttes populaires comme une réponse politique et économique globale à toutes les aspirations concrètes que le PT sera capable d'assumer. Ce serait très facile, ici  assis confortablement, dans l'enceinte du Sénat de la République, de nous décider pour une définition ou pour autre. Ce serait très facile et complètement faux. Le socialisme que nous voulons ne naîtra pas d'un décret, ni le nôtre, ni celui de personne. Le socialisme que nous voulons sera défini dans les luttes quotidiennes, de la même façon comme nous sommes en train de  construire le PT ". [11]     

La constitution d'un nouveau projet societal était ainsi réduite au mouvement spontané. Dans le conflit des rationalités qui s'affronte dans la lutte de classes concrète, ce que le PT avait à offrir était uniquement son propre esprit de lutte, sa capacité de combat. Cet absentéisme théorique dans le conflit des rationalités a seulement contribué à créer une subordination passive du parti sur le terrain idéologique, tout en nourrissant un éclectisme théorique de plus en plus fort. Sans pouvoir constituer une conception alternative du monde, le Parti a emprisonné les énergies qui se sont tournées vers lui dans un horizon économico-corporatif, bien loin d'un projet societal capable d'affirmer un nouvel ordre social. L'identité politique construite par le PT s'est trouvée limitée d'autant. Elle n'a pas été traduite dans une identité théorique qui aurait pu envelopper, d'une  façon innovatrice et radicale, les problèmes posés par une réalité brésilienne et latino-américaine complexe. Le parti s'est limité à une phraséologie vague et à la reproduction d'un sens théorique banal. Il n'a pas produit des nouveaux savoirs, il a reproduit de vieilles vérités. 

Le spontanéisme théorique tirait sa force de l'énergie sociale née du cycle de grèves qui avait commencé en 1978 et s'est limité à elle. De surcroît le classisme pratique qui a nourri et animé la réorganisation du mouvement  politique et syndical des classes opprimées a eu une vie courte. Il n'a pas supporté le poids des victoires électorales du PT. Le parti qui avait eu seulement deux maires élus dans la première élection à laquelle il a participé en 1982, a par contre 2.485 conseilleurs  municipaux et 187 maires élus à celle de 2000,  parmi eux,  les maires de six métropoles, sièges d'Etats dont la ville de São Paulo, la plus grande et plus importante du pays. La croissance de la représentativité dans les scrutins nationaux a aussi été impressionnante: 8 députés au niveau fédéral en 1982 ; 16 en 1986 ; 35 en 1990 ; 49 en 1994 ; 58 en 1998 et finalement 91 en 2002.

La montée à l'intérieur de l'appareil d'Etat à ses différents niveaux s'est  accompagnée de la consolidation d'une  bureaucratie du parti de plus en plus éloignée de la base.  Déjà vers la moitié des années 1980, les noyaux qui auraient dû organiser les militants à la base a donné des signes très clairs d'atrophie. Au début des années 1990, ils n'existaient tout simplement plus, étant  substitués par les comités électoraux des candidats et reproduisant ainsi la  personnalisation  caractéristique de la vie politique brésilienne, dont les mécanismes sont façonnés par le vote nominal et non partisan.  

Cette transformation du parti est illustrée par la présence croissante de fonctionnaires politiques et pour la baisse constante du nombre de syndicalistes lors des réunions du PT. Dans la Onzième Rencontre Nationale qui s'est tenue en 1997, 60% des délégués étaient des professionnels de la politique: 18% étaient parlementaires; 13% assesseurs de ceux-ci; 9% étaient des militants des mouvements sociaux; 8% occupaient des fonctions de confiance dans des gouvernements provinciaux ou municipaux; 6% étaient des cadres salariés du PT; 2% étaient des fonctionnaires payés par des tendances internes au Parti;  1% était maires et gouverneurs. Au total seulement, 31% des délégués n'étaient pas des professionnels de la  politique. [12]   

L'espace de plus en plus important occupé à l'intérieur du parti par ce corps de politiques et employés de l'Etat, a eu un prix lourd. Peu à peu le classisme pratique a perdu ses repères sociaux, ne retenant que sa dimension pragmatique. [13]   L'horizon économico-corporatif a subi une modification ; il a été vidé de son contenu social. La «logique de la différence» qui avait orienté les débuts du parti a cédé la place, peu à peu, à une «logique de l'État», soutenue par ce grand nombre de parlementaires, maires, gouverneurs et leur entourage de conseillers. Une telle logique repose sur  la conception d'un État ambivalent, soi-disant étranger aux déterminations de classe, porteur d'une grande capacité d'adaptation aux nouveaux contenus (idées, théories, pratiques) apportés par ses dirigeants ou reçus par eux d'autres sources. [14]   

Ne rencontrant pas d'opposition idéologique ou théorique, le pragmatisme cru de la realpolitik a inondé la vie du parti, imprégnant les résolutions de ses rencontres et de ses congrès et, surtout, la pratique et les politiques de ses dirigeants. L'adhésion à une logique de l'État n'était pas, cependant, un processus simple et mécanique. Des grands conflits ont eu lieu, avec l'expulsion du moins d'un courant important, très précisément celui qui, a travers le journal Versus, avait proposé la création du PT. On a assisté à l'institution de mécanismes réglementaires qui ont restreint l'expression publique des divergences et à la mise en place d'une censure des courants de la gauche du PT. Il y a eu des résistances, mais au bout de quelques années, la logique de l'Etat est devenue largement prépondérante.   

Quand le PT a annoncé le début d'une discussion stratégique, dans son 1° Congrès, réuni en 1991, celle-ci ne pouvait plus être la traduction du classisme pratique. La défaite de la candidature Lula en 1989, les défaites des grèves des fonctionnaires contre Collor en 1990 et les premiers pas vers la mise en place d'un modèle néolibéral avaient dissipé l'énergie du mouvement social et ouvert la voie à la consolidation d'une logique étatiste de la gestion politique à l'intérieur du parti.  

Dans les débats  préparatoires au 1° Congrès, la consolidation de cette logique a été affirmée avec une force et une clarté inhabituelles dans la tradition du PT. Le secrétaire aux Affaires Internationales du PT de ce temps, Marco Aurélio Garcia, a présenté ses conséquences dans un chemin cristallin: " La démocratie politique ne peut pas être comprise seulement comme un moyen d'arriver à la démocratie sociale, ou une meilleure façon  de lutter  pour elle. La démocratie politique est une fin en soi. Une valeur stratégique et permanente. Si cette thèse est social-démocrate, je dis patience: soyons  social-démocrate ". [15]

La résolution finale du Congrès, intitulée simplement Socialisme, a été marquée par un certain nombre d'amendements présentés par les tendances de gauche, mais elle n'a  pas perdu son caractère fondamental: la démocratie sans phrase a été définie comme une valeur universelle ; le socialisme a été conçu comme une combinaison entre la " planification étatique et un marché encadré socialement "; et, finalement, le pouvoir des thaumaturges a cessé celui de la "base" devenant celui d'un " État [qui] exerce une action  régulatrice de l'économie, à travers ses propres entreprises et des mécanismes de contrôle du système financier, de politiques fiscales, de prix, de crédit, d'une législation antimonopoliste et de protection des consommateurs, des salariés et des petits propriétaires ". [16]      

Le thème a été revisité récemment à l'occasion d'une série de débats au sujet du socialisme, que le PT a organisé.  Dans une intervention qui résume, dans une grande mesure, la vision de la majorité du parti, l'économiste Paul Singer a développé le projet d'un socialisme de marché: " La fonction du marché socialiste est de rendre possible la liberté d'initiative de gens ou de groupes avec de nouvelles idées ou de nouveaux projets. Ils devraient être encouragés à offrir leurs produits sans contrainte et sans être obligé d'obtenir l'autorisation d'une quelconque instance planificatrice. (...) La compétition dans ces cas devrait durer jusqu'à ce que lesconsommateurs aient décidés d'adopter les nouveaux produits ou de maintenir les vieux" . [17]     

Dans son développement, l'argumentation  n'éclaire pas pourquoi la compétition devrait être arrêtée, ni pourquoi elle ne produirait des rapports d'exploration. Radicalisant l'argumentation de Paul Singer, Lula a vu la contradiction: " L'être humain est éminemment compétitif. Et dans la mesure que la capacité compétitive des êtres humains est bloquée et que tous les ouvriers commencent à gagner le même salaire dans une usine, les possibilités de succès de cette usine sont entravées. Les gens seront donc nivelés par en bas et non par en haut. Le socialisme n'a pu pas résoudre cette question [18]

Évidemment, il n'existe pas de programme en l'absence d'un sujet capable de l'accomplir. Pour cette raison, au cúur du projet du PT, on retrouve à côté du marché, l'État. La solution présentée au problème par Lula, reprend, ainsi, le thème du protagonisme étatique.   " Le marché ne fonctionne s'il y a un État très fort, réglementant ce marché et l'obligeant à respecter certaines clauses sociales . Le marché tout seul ne résoudre pas la question. Rendre compatible le marché avec un l'État régulateur, capable de garantir les besoins des gens, serait l'idéal. Comme faire réussir cette idée est le défi posé au PT ". [19]

Des arguments comme ceux-là font penser à Proudhon. La concurrence, et pourtant le marché, est présentée comme le seul mécanisme capable de conjuguer l'égalité et le développement social. Cependant, il y a le côté mauvais de la concurrence, dont l'effet le plus vraisemblable sera de se retourner contre ceux qui y participent. La solution de Proudhon est semblable à celle du dirigeant du PT. Le philosophe français écrivait: " ici ça ne serait pas le cas de détruire la concurrence, chose aussi impossible autant que détruire la liberté; il faut  trouver la balance - je dirais, de bon gré: la police ". [20]      

Un marché naturalisé ainsi qu'une essence humaine (la compétition) immuables, sont la base sur laquelle devrait être construit le socialisme. Celui-ci serait au mieux que l'exorcisation du marché au moyen de l'État, en gardant ce qui aurait en lui de potentiellement positif, la possibilité d'autoriser des choix de consommation basé sur des préférences. Le marché est le lieu de la liberté. L'État policier proudhonien, son gardien.    

Ainsi défini, le socialisme du PT devient une base solide pour un programme de gouvernement capitaliste qui a pour objectif d'adoucir les effets de la crise du modèle néolibéral. Il n'est pas question de construire l'avenir, mais de gérer le présent, enlevant à celui-ci tout qu'il peut avoir de mauvais ou d'indésirable. Un gouvernement du PT mettrait à jour cette exorcisation du mal et mettrait en valeur tout ce que le marché a de bon ; il l'humaniserait. Guido Mantega, nouveau ministre du Plan  et un des conseillers plus proche de Lula, a ainsi résumé pendant la campagne ce qu'il attendait d'un gouvernement Lula:   "Je dirais que le PT est un parti de gauche moderne, semblable au Parti Socialiste Français, au Labour Party en Angleterre, semblable à la gauche italienne. Je  les placerai dans cette liste de partis qui  visent, qui  désirent une société capitaliste - parce que le socialisme est quelque chose totalement d'indéfini aujourd'hui, quelque chose qui n'existe plus. Nous cherchons un capitalisme plus efficace, donc plus humanisé ".  [21]   

De même que chez Proudhon, la dialectique est mutilée ici. La contradiction immanente est externalisée ; elle devient quelque chose qui peut être éliminé par la gestion de l'Etat. Par là, la dialectique est réduite à un simple jeu d' opposition - le bon côté contre le mauvais côté - qui est susceptible d'être éliminé par la suppression d'un de ses pôles. Or, la suppression du jeu (au lieu de son dépassement dialectique) à travers l'annulation politique du côté mauvais, permettrait une recréation de la réalité sur des bases nouvelles. Le résultat de cette opération est une reproduction constante de l'existant au moyen d'un processus de l'amélioration et d'harmonisation de la réalité.  

N'oublions pas ce que  disait Gramsci concernant la "dialectique" proudhoniènne:  Il y a  dans Proudhon une mutilation de l' hégélianisme et de la  dialectique, de même que chez nos modérés italiens ; par conséquent, la critique à cette conception politique-historiographique est la même, toujours vivante et actuelle, faite dans Misère de la Philosophie. (...) L'erreur philosophique (d'origine pratique!) de cette conception consiste dans le fait quedans le processus dialectique on postule ‘mécaniquement' que la thèse devrait être‘conservée' dans l'antithèse, afin de ne pas détruire le processus lui même, qui est donc ‘prévu' sous la forme d'une répétition infinie, mécanique, arbitrairement pré-établie..."  [22]   

Si comme méthode nous avons la dialectique - mutilée - comme programme politique nous avons la révolution passive. C'est cela, et pas autre chose, le contenu du programme du PT: la modernisation graduelle de la structure économique du capitalisme au moyen des transitions consécutives commandées par l'État, tout en évitant l'intervention active des classes dominées dans ce processus. La modernisation, et non pas le dépassement du capitalisme, comme le ministre Mantega le précise dans sa déclaration. Cette stratégie reproduit, avec de nouveaux dirigeants politiques, l'histoire même du développement capitaliste brésilien, marquée par des transformations passives successives qui ont été menées pour un État-guide. Bien loin d'accomplir l'espoir d'un Brésil  " pays du futur ", des tels processus n'ont fait que recréer le passé à travers la gestion du présent.    

Le social-libéralisme comme programme   

La perspective de révolution passive ébauchée plus haut est celle qui oriente le Programme de Gouvernement de la coalition Lula Président 2002. Privé de toute référence au socialisme (le mot n'existe pas dans les 88 pages du document), le Programme du PT pour sortir de la crise du neo-liberalisme  repose, surtout, dans un projet plus compréhensif de mise en úuvre d'un "nouveau contrat social" sous la tutelle d'un l'État proudhonien de type social-libéral. Dans le futur gouvernement, l'État social-libéral prendrait le rôle d'une troisième instance, capable d'assurer la médiation entre les impératifs du marché et les demandes sociales, les intérêts dominants et subordonnés, à travers d'un nouveau contrat social: " Le nouveau modèle ne pourra pas être le produit des décisions unilatérales du gouvernement, comme cela se passe aujourd'hui. Il ne sera pas non plus rendu effectif par décret, de façon volontariste. Il sera le fruit d'une négociation nationale large qui doit aboutir à une alliance authentique pour le pays, à un nouveau contrat social capable d'assurer la croissance économique dans la stabilité. La prémisse de cette transition sera, naturellement, le respect des contrats et des obligations du pays. [23]       

Du fait de cet Etat modérateur des conflits, force motrice de  "l'espoir " et de la mise en úuvre de politiques publiques capables de stimuler le développement, l'économie cesse d'être conçue comme une instance autonome. Tout en essayant d'intégrer la classe ouvrière de manière pacifique, l'État social-libéral encadrerait l'univers du fétichisme marchand, au moyen d'initiatives régulatrices sur les prix, les salaires, l'investissement, les subventions, etc. Sur la forme présentée par le Programme de Gouvernement 2002:  " la tâche immense de créer une alternative économique capable d'affronter et gagner le défi historique de l'exclusion sociale, demande la présence active et régulatrice de l'action de l'État sur le marché, évitant les comportements prédateurs des monopoles et oligopoles ". [24]

Tout en stabilisant les contradictions par l'intégration des classes dominées au sein de son appareil, l'État social-libéral serait capable de construire une correspondance entre objectifs économiques et objectifs politiques et de garantir l'interactivité des politique publiques qui reposeraient sur l'économique pour promouvoir le social et seraient capables de résoudre les difficultés de l'économie par l'expansion du marché interne. L'autorité de l'État serait enracinée dans l'économie et s'exprimerait par la gestion de la demande globale, de sorte que les contraintes du marché seraient contenues à l'intérieur de l'État social-libéral: "L'État ne peut pas limiter ses actions à une gestion à court terme et la solution des questions urgentes, mais doit être dirigé par une vision stratégique de longue période, toujours articulant des intérêts contradictoires et coordonnant les investissements publics et privés pour obtenir une croissance soutenue. Cela implique le rétablissement de la planification économique, seule capable d'assurer un horizon plus long pour les investissements ". [25]

À travers la planification économique, la cosmologie du PT cherche a combattre les "irrationalismes instantanés"  d'une histoire déchirée par les luttes sociales. " Il est seulement possible de prévoir la lutte", dirait Gramsci . Pas plus. " Il estseulement possible de prévoir le consentement", dit le programme du PT. Sous la devise, "croissance dans la stabilité ", il n'est plus question d'établir par la force, ici et maintenant, un monde meilleur, mais de préparer des transitions passives qui, progressivement, permettront qu'y on arrive. Cette représentation de l'histoire est indissociable du fétichisme d'État. Il faut un "acteur central"pour conduire des telles stratégies, forcer les partenaires à accepter "des objectifs raisonnables", garantir le "respect des contrats", promouvoir le transformisme de ses chefs, garantir, en un mot, le nouveau contrat social.  

Le gouvernement du PT se présente comme une alternative "réaliste" entre ceux qui recherchent la passivité de la classe ouvrière face à l'exploitation - le bloc de pouvoir coordonné par Fernando Henrique Cardoso - d'un côté, et les partisans de la lutte de classes - le MST (Mouvement des Sans Terres) et les composants des courants du PT et non PT de gauche - de l'autre. Symétriques dans leur refus de la négociation, les néolibéraux et "gauchistes"  seraient  prisonniers  d'une compréhension étroite des possibilités ouvertes à la croissance avec stabilité obtenue par le compromis social au moment de la fin d'une période historique dont l'expression est la crise du "consensus de Washington" (le premier «consensus», celui de la fin des années 1980, puisqu'un nouveau semble se dessiner).   

En pleine crise du projet néolibéral, les accords fondés sur l'institutionnalisation du contenu luttes sociales garantiraient l'espace pour une nouvelle approche de "l'exclusion sociale". Les conflits ne seraient plus résolus par la "gestion monétaire" des suppôts des marchés, mais la société ne serait pas subvertie par la radicalisation des luttes. Négocier un nouveau contrat social capable de surmonter l'exclusion sociale, permettrait d'éviter l'extrémisme  des «partisans» de la  violence de classe: " Seulement un nouveau contrat social qui favorise la naissance d'une culture politique de défense des libertés civiles, des droits humains et de la construction d'un pays plus juste au plan économique et social permettra d'approfondir la démocratisation de la société, combattant l'autoritarisme, l'inégalité et le clientélisme " [26] .

La vielle problématique réformiste relative à l'intégration des classes dans le «destin commun» d'un projet de développement national émerge avec force dans le discours du PT. Son interprétation du rôle de l'État social-libéral placé au-dessus des groupes aux intérêts antagonistes, traduirait la spécificité des modes d'action d'une forme d'Etat qui gère les conflits, en même temps qu'il les pacifient. Dit d'un autre manière, la politique du gouvernement Lula est caractérisée par la mobilisation, mais dans les limites des contraintes budgétaires, d'une partie des ressources de la nation dans la tentative d'en assurer le contrôle et les diriger vers une plus grande cohésion  interne: " Le renforcement  de l'économie nationale est le deuxième axe de développement proposé. En plus d'un rôle plus actif dans l'atteinte des objectifs relatifs à la distribution de revenu, de l'appui aux coopératives du crédit et de travail, aux petites et moyennes entreprises, l'État devrait jouer un rôle stratégique dans les activités d'infrastructure, financement et science et technologie qui sont fondamentales pour augmenter l'efficacité de n'importe quel système économique. L'État a aussi la responsabilité centrale dans la coordination des politiques qui servent à l'augmentation de la capacité compétitive et des exportations du Pays ". [27]     

Le nouveau contrat social défendu par Lula tend à radicaliser l'extériorité gestionnaire apparente d'un État qui fondrait sa légitimité sur un certain renouvellement du projet neodéveloppementiste - c'est-à-dire, capable d'orienter l'investissement productif dans la direction de la croissance économique et du progrès matériel en principe accessible "à tous". Ce n'est pas une grande nouveauté. Il faut rappeler que, pendant la campagne électorale, les quatre candidats avec de vraies chances de victoire, y compris le candidat du gouvernement, José Serra, ce sont déclarés en faveur de changements dans l'orientation de la  politique économique et la reprise du chemin du développement.  

Ce n'est pas difficile de remarquer que l'idéologie du neodeveloppementisme par le contrat social adopté par le PT attribue à la  politique de gestion de la crise une " autonomie" vis-à-vis des classes sociales, qui était très critiquée par le PT autrefois. L'État social-libéral planifie le futur autant qu'il gère les conflits présents, mais il ne met pas en question les exigences du marché, parce qu'il reprend à son compte l'orthodoxie monétariste: " Notre gouvernement créera une atmosphère de stabilité, avec un contrôle de l'inflation et des fondements macroéconomiques solides, afin que l'épargne national soit orientée et stimulée, à travers de taux d'intérêts civilisés, vers l'investissement productif et la croissance." [28]

Ou encore: «Le comportement budgétaire responsable et la stabilité des comptes publics marqueront la politique de notre gouvernement. Une situation avec de solides fondements macroéconomiques et une inflation contrôlée contribuera à la chute graduelle du taux d'intérêts et la réorientation des énergies du pays vers l'investissement productif et la croissance de l' économie» [29] .

La place donnée, pendant pratiquement toute la campagne électorale, à un certain discours en faveur du développement par rapport aux traditionnelles conceptions néolibérales ont certainement une raison. Quoiqu'il en soit, comme le démontre très bien le programme du gouvernement pétiste, de telles positions ne deviennent valables qu'à condition de les lier à l'idée d'un nouveau contrat social qui s'oriente vers une alternative «progressiste» à la crise du néolibéralisme latino-américain et brésilien, alternative qui place au premier plan le débat sur la reprise des investissements publics , la gestion démocratique des appareils d'hégémonie de l'Etat et les interventions régulatrices dans le domaine des mécanismes du marché. Un contrat qui réorganise les interventions et les initiatives de l'Etat Brésilien  vers  la croissance économique sur des bases efficaces et équitables: «La mise en place d' un modèle de développement alternatif ,qui ait la question sociale comme axe, ne pourra avoir de succès que si elle est accompagnée de la démocratisation de l'Etat et des relations sociales, de la diminution de la dépendance externe,ainsi que d'un nouvel équilibre entre l'Union,les Etats et les municipalités.» [30]

L'argumentaire programmatique reste un peu elliptique: au moment même où l'Etat néolibéral paraît irrémédiablement malade, l'alternative doit être cherchée ... dans l'Etat ! Capable de décentraliser ses «pratiques démocratiques» et de garantir la viabilité d'une issue progressiste pour la crise, 'Etat social- libéral proposé par le PT permettrait de préfigurer les voies de transition de la crise néolibérale vers la rénovation du projet «développementiste distributif»: «le nouveau gouvernement aura au centre de ses préoccupations la construction et la mise en úuvre de stratégies qui améliorent la distribution des revenus et renforcent la préservation de la diversité de l'environnement,la pluralité et la singularité de nos différentes cultures.» [31] Le terrain privilégié se trouvera consolidé par la diffusion chaque fois plus grande des valeurs démocratiques.

Entre la Bourse et les politiques compensatoires

Comme nous l'avons déjà souligné, la proposition de nouveau contrat social est orientée fondamentalement vers la modernisation des engagements institutionnels capables de concilier les exigences du marché avec les demandes sociales. Dans ces termes, le programme de gouvernement de Lula réserve un rôle essentiel à l'idée da la rénovation et du renforcement du marché brésilien d'actions par l'intermédiaire de l'instrumentalisation des fonds salariaux et des fonds de pension: «Les fonds de pension se sont constitués comme un mécanisme de mobilisation de l'épargne des salariés toujours plus important. Cela donnerait aussi l'opportunité d'orienter des ressources additionnelles pour les institutions spéciales de crédit, renforçant leurs fonds prêtables.» [32]

Se fixer comme but que le marché brésilien des actions se transforme en un efficace instrument de mobilisation des investissements productifs illustre, dans une grande mesure, la préoccupation centrale du programme de Lula avec la participation ordonnée des travailleurs brésiliens pour qu'ils aident au «renforcement du marché intérieur futur». La proposition du PT de financiarisation des garanties salariales propose l'engagement des fonds de pension - particulièrement les ressources provenant des fonds salariaux (comme le Fond de Garantie pour Temps de Service) ,mais pas seulement - dans des investissements en actions avec une participation supposée des travailleurs dans la gestion des ressources  réellement mobilisées ou potentiellement utilisables.

Il n'est pas inutile de rappeler que le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso a été pionnier dans l'utilisation des fonds salariaux d'entreprises d'Etat comme la  Petrobràs ou d'entreprises privées comme la « Compagnie Vale do Rio Doce.». Plus récemment, l'emploi de ressources du Fond de garantie pour Temps de Service fut autorisé pour l'achat d'actions de la Banco do Brasil. C'est-à-dire que le renforcement du marché de capitaux brésilien pour l'utilisation de ressources des fonds salariaux ou des fonds de pension s'inscrit dans un mouvement déjà initié par le gouvernement antérieur, et ne représente pas une grande nouveauté en termes conceptuels.

La nouveauté politique néanmoins, découle de la proposition de financiarisation des fonds salariaux par le programme de gouvernement d'un parti de gauche dans le but de viabiliser une contre-réforme des retraites. En vérité, la thèse du nouveau contrat social selon laquelle la collaboration de classes garantit la prospérité commune, est emblématique de la politique du PT qui veut favoriser les intérêts du marché et ceux des travailleurs sur un terrain soit disant commun, celui du «développement national.» D'un côté, le marché de capitaux aurait accès à des ressources de l'ordre de 27 milliards de R$, et de l'autre côté, les travailleurs pourraient espérer, toujours en hypothèse, de meilleures retraites.

Comme l'explique le Programme de Gouvernement de la coalition Lula Président 2002: «Quand au troisième pilier de l'actuel système des retraites, la retraite complémentaire, qui peut être exercée à travers des fonds de pension créés par des entreprises ou institués par des syndicats(conformément à la Loi complémentaire 109) au bénéfice des  travailleurs qui veulent un revenu additionnel au-delà de celui  garanti par les régimes de base,elle doit être entendue aussi comme un puissant instrument de renforcement du marché intérieur futur et une source puissante d'épargne à long terme pour le développement du pays. Le développement et le renforcement de cette institution par le moyen de mécanismes d'incitation est nécessaire» [33]

Il n'y a pas de doutes que le message du PT est assez clair: il ne sera possible d'humaniser le capital qu'avec astuce et résignation. Sans précipitation ou événements spectaculaires, la politique finit par se transformer en une technique de négociation. La financiarisation de garanties salariales sur la base de la gestion des fonds de pension synthétise l'initiative du PT de tenter de réconcilier les intérêts des épargnants et ceux des travailleurs. Les syndicats brésiliens, par exemple , trouveraient dans les fonds salariaux ou dans les fonds de pension des médiations décisives et capables d'influencer les normes de fixation des retraites .

Rationalité, réalisme, modernité et progrès: à côté d'un rendement maximum à court terme, les travailleurs «bénéficieraient» d'un taux de rentabilité garanti à long terme, en contrepartie d'une stabilité du contrôle de propriété . Devant un appel si clair à la collaboration de classes,il est salutaire de rappeler les mots de François Chesnais à propos d'une version française de cette proposition: «A croire nos gouvernants et leurs conseillers,ce sont pourtant les placements en actions qui représenteraient maintenant la solution miracle au «problème des retraites» et la Bourse le lieu magique où se produirait de façon indolore une forme moderne de ‘multiplication des petits pains'. Pure supercherie qu'aucun syndicaliste ne peut appuyer ou couvrir sans se déjuger complètement. Avant d'être distribuée sous forme de dividendes,la valeur ou la richesse doit être produite. Par qui ? Par des salariés nationaux ou étrangers,travaillant dans des entreprises qui mettront tout en úuvre pour baisser les salaires et imposer le maximum de flexibilité du travail. C'est ainsi que les Bourses sont devenues le cheval de Troie de toutes les forces qui voudraient détruire le système des retraites par répartition et réaliser, avec une petite fraction privilégiée des salariés ,le vieux rêve capitaliste de l'association capital- travail,ou encore une nouvelle mouture de la participation des salariés à la gestion capitaliste des plus grosses entreprises» [34] .

Pour démocratiser l'Etat et assurer la croissance avec stabilité, le programme de gouvernement de Lula répand sans vergogne le vieux rêve capitaliste de collaboration de classes entre les travailleurs et la bourgeoisie. C'est le grand objectif de la réalisation d'un nouveau contrat social négocié entre entreprises et syndicats, que ce soit autour de la proposition du nouveau modèle de développement avec croissance, de la financiarisation des fonds salariaux, de la restauration de la compétitivité nationale ou toute autre mystification .

De plus, le nouveau contrat social doit se montrer capable de conserver le travail comme valeur primordiale d'intégration dans la société. Donc, la principale bataille du nouveau modèle de développement sera menée sur le terrain de la lutte contre l'exclusion. Il s'agirait de définir et puis de diffuser des principes équitables dans la répartition des revenus, de façon que le partage de la valeur ajoutée globale ne soit plus aussi défavorable aux classes dominées. Ici l'Etat social-libéral doit assumer «le rôle d'inducteur de projets capables de stimuler le développement  de politiques d'inclusion et la protection des segments sociaux fragilisés»,selon les mots du ministre des finances, Antonio Palloci [35] .

C'est-à-dire que pratiquement toute la radicalité du programme de gouvernement de Lula doit être mesurée à sa capacité de distribuer des revenus aux «segments sociaux fragilisés». Construire les moyens économiques aptes à soutenir les droits inconditionnels du citoyen, en évitant que le «mauvais côté»du marché ne l'emporte sur le «bon». A la base du projet d'inclusion sociale du PT, brillent de tout leur éclat les politiques sociales compensatoires comme le programme Faim Zéro, présenté par l'équipe de «transition» avec le statut de la politique publique principale de la première année du nouveau gouvernement. Il s'agit, pour le PT, d'une initiative accordée sur l'air des temps nouveaux, car elle dot être capable de combiner les exigences du marché et celles des demandes sociales, dans la tentative de corriger les brutales inégalités de la formation sociale brésilienne, comme c'est le cas du fléau de la faim qui touche, approximativement dix millions de familles. Selon les propos de Frei Betto, coordinateur de la mobilisation sociale du programme Faim Zéro: «Le programme Faim Zéro, qui doit être créé par le gouvernement Lula, prétend réduire de façon significative l'exclusion sociale qui fait du Brésil un des trois pays les plus injustes du monde» [36]

Après l'annonce faite par Lula, la première en sa condition de président élu, que la priorité de son gouvernement serait le combat contre la faim, le programme Faim Zéro joue un rôle vedette, parmi les nombreux programmes présentés le long de la campagne présidentielle. Il fait les gros titres des journaux brésiliens et reçoit une ample couverture des moyens de communication de masses. Le débat relatif à la faim est ainsi (ré)installé au Brésil. Rapidement, un grand consensus national et international, est établi. Malgré certaines critiques, les appuis provenant des secteurs les plus divers de la société brésilienne et des structures du pouvoir transnational arrivent en abondance

Dans une visite à l'Etat du Parà,  par exemple, James Wolfensohn, président de la Banque mondiale, a déclaré être enthousiasmé par l'effort du gouvernement élu pour combattre la faim au Brésil. Il a fait des éloges du programme Faim Zéro et affirmé qu'il entend «appuyer le gouvernement Lula et apprendre de lui. Nous ( la Banque Mondiale) voulons jouer un rôle meilleur pour le pays, si le gouvernement le désire. Le projet Faim zéro est urgent, il est possible et il est pratique à mettre en úuvre» est allé jusqu'à dire Wolfensohn [37] . Evidemment, l'approbation du président de l'un des principaux instruments de la mondialisation impérialiste représente beaucoup en termes de ressources et de crédibilité internationale. Il contribue à sceller le consensus autour du PT au pouvoir.

Bien que l'objectif du programme corresponde , effectivement à un dramatique problème pour les classes subalternes brésiliennes, une analyse un peu plus détaillée de sa structure et de son mode de fonctionnement indique des problèmes très clairs .En premier lieu ,étant donné les limitations budgétaires reconnues et acceptées par le gouvernement,le mode de  financement de Faim Zéro correspond sans beaucoup d'altérations, à la logique néolibérale qui consiste à  «rationaliser»les ressources pour assurer la «normalité» budgétaire. Pour l'essentiel, l'argent viendra de sources déjà existantes et entrera en concurrence avec les anciennes politiques sociales compensatoires établies par l'ancien gouvernement.

Si nous considérons le réajustement du salaire minimum brésilien, les projets de réforme des retraites et de la réforme des impôts, il ne fait pas de doute qu'il manquera des ressources pour le projet PT. Dans ce sens, le programme Faim Zéro ne va pas beaucoup plus loin des mesures compensatoires déjà existantes ou déjà décidées. Largement insuffisantes, donc pour résoudre le problème brésilien de la faim. C'est-à-dire que ,en plus du discours relatif à la «moralisation» dans l'usage de l'argent public,la mobilisation des ressources ne va guère au-delà de ce qui existe déjà ou qui se trouve à la disposition du gouvernement. Le changement viendrait d'une altération dans le «ciblage» des politiques compensatoires. Le combat contre le fléau de la faim se transforme en «priorité» de la politique sociale du PT les autres programmes auront à s'y soumettre.

En vérité, devant la crise politique et la certitude d'un début de mandat centré sur l'administration de la crise économique, le programme Faim Zéro joue un rôle essentiel: créer dans les classes dominées brésiliennes un «rideau de fumée» pendant la première année du gouvernement Lula. Dans ce sens, le projet Faim Zéro diffère des politiques compensatoires du gouvernement Cardoso: il correspond à un marketing politique beaucoup plus efficace. Le programme est capable de permettre à la logique néolibérale de gestion de la  crise sociale de gagner un certain appui populaire, outre la tentative d'intégrer le MST et d'en transformer le caractère, moyennant la réactivation de l'agriculture familiale, la dépolitisation d'une partie de ses objectifs, dans une claire tentative de freiner la lutte à la campagne. Ce n'est pas un hasard que les campements des sans-terre et l'appui aux petits agriculteurs se trouvent parmi les priorités du programme Faim Zéro pour cette année.

En somme, le programme Faim Zéro représente un instrument assez ingénieux de diminution des conflits potentiels du PT avec les classes dominées. La déception populaire envers un gouvernement de gauche pourrait être réellement minimisée avec la propagande provenant de l'implantation du programme. L'effort de contre-réforme du gouvernement en sortirait aussi fortifié. Maintenant qu'il est en place, les réformes du code du travail et des impôts, mais surtout la réforme des retraites, toutes laissées inachevées par l'ancien gouvernement, occupent une place «sociale» assez visible. Ainsi le  combat contre la faim sera réalisé sur la base de l'élimination des droits et des garanties sociales conquis, surtout dans le cas des fonctionnaires publics, au long de décades de luttes des classes exploitées brésiliennes.

Considérations finales

Viabiliser ce projet d'humanisation du capitalisme par le moyen d'une révolution passive à la brésilienne peut être beaucoup plus risqué de ce qui est imaginé par la direction du Parti des Travailleurs. Le mouvement moléculaire des transitions graduelles requiert du temps et c'est ce que le nouveau gouvernement est en train de demander. Cependant, passés plus de trois mois  de gouvernement, le PT au pouvoir démontre qu'il entend avancer sur le chemin ouvert par le gouvernement antérieur. Fernando Henrique Cardoso termina son mandat  avec une situation économique dans une situation critique, avec le retour de l'inflation ,des niveaux d'endettement externe et interne alarmants, la fuite des réserves de change,la destruction d'une partie importante parc productif national et près de 1,8 million de chômeurs à peine dans la région du Grand Sao Paulo.

Le début du gouvernement du PT a servi à  pacifier les affrontements entre les classes qui découlent de la crise brésilienne [38] , en même temps qu'il a cherché , jusqu'ici avec un relatif succès, à garantir «les conditions économiques»nécessaires pour attirer le capital financier spéculatif. Les récentes baisses du taux de change avec le dollar indiquent que l'économie brésilienne a retrouvé une certaine «crédibilité» auprès des marchés financiers internationaux. La reprise de l'entrée de capitaux à court terme et la diminution du risque- pays (qui implique des taux d'intérêt plus élevés pour tous les emprunts sur les marchés financiers), qui tendent à trouver les niveaux antérieurs à la période électorale, traduisent l'acceptation du gouvernement Lula par le système impérialiste.

Le PT au pouvoir contribue activement, en accord avec l'idéologie dominante et les besoins de crise à un projet de rénovation en deux temps: celle du projet néo libéral national prépare de façon pionnière la rénovation du «consensus de Washington» comme tel. C'est-à-dire, «l'orthodoxie» économique avec plus d'attention portée au «social». Comprenons-nous bien, il s'agit de l'aggravation des mesures de rigueur avec des politiques compensatoires plus «actives» et «ciblées» ). Voici les paroles prononcées par Palloci en personne pendant la cérémonie de transmission de charge de ministre des Finances:  «Le gouvernement qui a  fini son mandat hier a eu comme mérite un équilibre bien que partiel, des comptes publics brésiliens. Le traitement transparent et objectif des dettes de notre passé permet aujourd'hui de faire face clairement à nos défis. Le sérieux et la responsabilité dans la gestion de la chose publique sont des éléments d'un héritage inégalable de la conduite de la politique économique du Ministre Pedro Malan et de son équipe. Notre administration se différencie de celle qui nous précède dans le projet national, exprimé tant par notre calendrier de réformes que par la forme par laquelle nous les mettrons en route le pacte social. La différence entre nos gouvernements ne peut cependant pas cacher le sérieux et la moralité avec laquelle le Ministre Malan a géré la chose publique dans le cadre du calendrier de son gouvernement. Et nous aurons la satisfaction de préserver cet héritage et de le transmettre encore plus consolidé dans le futur» [39] .

Une mesure de l'intégration active du gouvernement Lula aux exigences d'un «Consensus de Washington» rénové sous l'effet de la crise latino-américaine, est sans aucun doute donnée par le document du ministère des Finances intitulé Politique économique et réformes structurelles. En fait, ce document publié le 10 avril s'inspire clairement d'un autre texte, élaboré en 2002 sous la coordination de l'actuel secrétaire à la Politique économique, Marcos Lisboa, intitulé «Agenda manquant». Il n'est pas inintéressant de noter que cet actuel idéologue du ministre Antônio Palocci est membre du conseil d'administration de l'IETS, Institut d'études sur le travail et la société, une ONG localisée à Rio de Janeiro et financée par des organismes tels que la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, et qui a pour autre principale source de financement, le ministère du Travail [40] .

L'importance de ce document est évidente: il synthétise les lignes directrices sur lesquelles toute l'action du gouvernement Lula doit s'ordonner, dans la mesure où le rapport de forces actuel sera maintenu. La défense d'un néolibéralisme mitigé (social-libéralisme) y est élaborée tant au niveau du diagnostic de la crise brésilienne que des politiques qui devront être mises en úuvre afin de s'y «affronter». Efficacité économique, mais avec justice distributive: la politique économique du gouvernement part de l'idée centrale qu'une transition sera nécessaire entre la situation actuelle et un «nouveau cycle dans lequel le Brésil retrouvera et développera toutes ses potentialités de croissance économique». La reprise de la croissance est cependant subordonnée au rétablissement de «l'équilibre à long terme des comptes publics», nécessaire afin de garantir les conditions pour la «reprise de l'investissement privé et une plus grande efficacité dans l'utilisation des ressources publiques» [41] . Du point de vue du diagnostic sur la crise, le document ne laisse aucun doute quant à ce qui nous attend dans cette période de transition: un très fort ajustement des comptes publics. Une partie de l'explication de la crise recourt même à l'idée selon laquelle le gouvernement FHC avait beaucoup trop dépensé et avait manqué de rigueur en matière fiscale ! «La politique de stabilisation dans la période qui a suivi le Plan Real, ancrée dans des politiques monétaires et de change, mais ayant accordé peu d'attention aux objectifs fiscaux, a été en partie responsable de la crise de 1999. Entre 1994 et 1998, le taux moyen de croissance des dépenses primaires réelles du gouvernement a été d'environ 5 % par an, bien supérieur au taux de croissance réel du PIB, de 3,2 % en moyenne annuelle au cours de la même période» [42] .

Une autre partie de l'explication fait appel au refrain traditionnel du second gouvernement de Fernando Henrique Cardoso: la conjoncture internationale défavorable, avec une insistance particulière sur le caractère incertain des perspectives économiques à court terme. C'est en partant de la combinaison entre ce cadre de crise externe et les effets de la générosité budgétaire de Coardoso que le gouvernement Lula situe stratégiquement sa «nouvelle» politique économique. Vu la nature de l'argument, il est peu étonnant que le nouveau gouvernement présente comme premier engagement de sa politique économique la «résolution des graves problèmes fiscaux qui ont caractérisé notre histoire économique, à savoir l'engagement de procéder à un ajustement définitif des comptes publics» [43] .

Les conceptions présidant à ce type de raisonnement laissent quand même quelque place à des préoccupations d'ordre «social». Vu les restrictions budgétaires de l'Etat, affirme ce document, plus large sera l'espace pour des actions encourageant la croissance, meilleures seront les conditions pour le déclenchement d'un «cycle vertueux», débouchant sur une amélioration des comptes publics, de l'emploi et des revenus. Tout cela, bien évidemment, sur la base d'un ajustement fiscal à hauteur de 4,25 % du PIB. Les marchés financiers offrant comme contrepartie une baisse du risque-pays jusqu'aux niveaux de l'avant-campagne électorale...

Parallèlement à cet engagement «vertueux» du cycle d'accumulation du capital, les politiques sociales compensatoires devront être progressivement «rationalisées», à travers un arrangement institutionnel garantissant une «allocation efficace des ressources publiques» et la «viabilisation de l'accès aux services des secteurs de moindre revenu à travers des aides et des politiques sociales bien ciblées» [44] . Autrement dit, cette«inclusion» sociale dont le gouvernement pétiste se rengorge se réalisera sur la base du démantèlement de ce qu'il reste des politiques publiques universelles. Et finalement, dans un cadre d'ajustement renforcé combiné à des restrictions fiscales et à une croissance faible, la «rationalisation» des ressources publiques consacrées aux dépenses sociales se fera sans transfert équivalent de ces mêmes ressources vers les politiques plus «ciblées», comme cela a déjà été évoqué en ce qui concerne le plan «Faim Zéro».

L'étendue des questions traitées dans le document du ministère des Finances exigerait un examen spécifique. Nous n'avons pas parlé de ce qui y concerne la réforme des retraites, la réforme fiscale, ou encore la thèse - longuement argumentée dans ce texte - de l'autonomie de la Banque centrale. Ni de la décision de demeurer dans le cadre de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques (ALCA selon son sigle en portugais et en espagnol), de la politique au regard du salaire minimum, du «réajustement» de 1 % pour les fonctionnaires, ou encore de l'accord avec le FMI. Ce qui nous intéressait ici était de mettre en évidence ce qui s'est vérifié concernant gouvernement pétiste en tant que totalité: son incorporation au camp hégémonisé par le «Nouveau Consensus de Washington». Un néolibéralisme plus mitigé dans son affirmation, plus préoccupé de politiques compensatoires, mais qui reste néanmoins néolibéralisme. La période transitoire dont le PT au pouvoir fait tant de cas signifie précisément cela: une transition passive à l'intérieur de l'ordre néo-libéral.

Il est clair que ce processus provoque et provoquera encore certains conflits. L'épisode des sanctions contre certains députés «radicaux» du PT est assez révélateur des tensions existant entre le néolibéralisme actuel et les illusions sur un possible «gauchissement» du gouvernement, dans un futur par ailleurs indéterminé. Comme nous l'avons souligné, les résultats électoraux de 2002 ont exprimé un profond désir de changements sociaux et un nouveau rapport de forces sociales. Ce désir de changements est incompatible avec la continuité des politiques économiques néo-libérales.

* Cette revue semestrielle est publiée par l'Instituto de Estudos Socialistasde São Paulo. Cette publication a produit de nombreuses analyses sur le Brésil et traduit des articles de Michel Husson, Michael Löwy, François Chesnais, Robert Brenner, Ricardo Antunes.

Cet article a été traduit par François Chesnais pour la revue Carré Rouge.


[1] Région Métropolitaine Sud  de l'Etat de São Paulo, où se sont établies les grandes multinationelles de la branche automobile.

[2] Antunes, Ricardo. A rebeldia do trabalho. O confronto operário no ABC paulista - 1978-1979.Campinas: Unicamp, 1992.

[3] PT. Partido dos Trabalhadores. Resoluções de Encontros e Congressos. 1979-1998. São Paulo: Fundação Perseu Abramo, 1998, p. 47-48.

[4] Idem, p. 53.

[5] Idem, p. 68-69.

[6] Voir, par exemple, Sader, Eder. Quando novos personagens entram em cena. Experiências e lutas dos trabalhadores da Grande São Paulo (1970-1980). 2 ed. São Paulo: Paz e Terra, 1995.

[7] Keck, Margaret. PT: a lógica da diferença. São Paulo: Ática, 1997.

[8] Le texte original utilise le terme " classisme», qu'on trouve aussi en espagnol et en italien.

[9] Bianchi, Alvaro. Do PCB ao PT: continuidades e rupturas na esquerda brasileira. Marxismo Vivo, n. 4, p. 106-116. dez. 2001.

[10] PT. Partido dos Trabalhadores. Resoluções de Encontros e Congressos. Op. cit., p. 70-71.

[11] Idem, p. 114.

[12] Garcia, Cyro. O PT das origens não existe mais. Marxismo Vivo, n. 4, p. 93-105, dez. 2001.

[13] Pour une critique du praticisme polítique au  Brasil, voir, les informations de:  Lessa, Sérgio. Crítica ao praticismo "revolucionário". Praxis, n. 4, p. 35-64, jul. 1995.

[14] Pour une critique à lÉtat  ambivalente, voir le cap. V de: Braga, Ruy. A nostalgia do fordismo. Modernização e crise na teoria da sociedade salarial. São Paulo: Xamã, 2003.

[15] Garcia, Marco Aurélio. Terceira via: a social-democracia e o PT. Teoria & Debate, n. 12, out-dez. 1990.

[16] PT. Partido dos Trabalhadores. Resoluções de Encontros e Congressos. Op. cit., p. 502.

[17] Singer, Paul et alli. Economia socialista. São Paulo: Fundação Perseu Abramo, 2000.

[18] Idem, p. 72.

[19] Idem, p. 73.

[20] Citée pour: Marx, Karl. Miséria da filosofia. Resposta à Filosofia da Miséria do Sr. Proudhon. São Paulo: Ciências Humanas, 1982, p. 136.

[21] Mantega, Guido. O que esperar do governo Lula na política e no social? Exame, 21 nov. 2002.

[22] Gramsci, Antonio. Quaderni del carcere. Edizione critica dell'Istituto Gramsci. A cura di Valentino Gerratana. Turim: Giulio Einaudi, 1977, p. 1220-1221.

[23] Lula da Silva, Luís Inácio. Carta ao povo brasileiro. Brasília: Coligação Lula Presidente, 2002.

[24] PT. Programa de governo 2002. Op. cit., p. 8.

[25] Idem, p. 42.

[26] Idem, p. 8.

[27] Idem, p. 42.

[28] Idem, p. 17.

[29] Idem, page 48.

[30] Idem, page 8.

[31] Idem, page 68

[32] Idem, page 43-44.

[33] Idem, page 37.

[34] Chesnais François, Tobin or not Tobin, une taxe internationale sur le capital, L'esprit Frappeur,Paris,1998, page 12.

[35] Palocci, Antonio. Crescimento, emprego e inclusão. Interview réalisée par Ricardo de Azevedo e Rose Spina. Teoria & Debate,n°51, juillet-août 2002. Disponible sur: http://www.fpabramo.org.br/td/nova_td/ td51/td51_lula.htm.

[36] Betto, Frei, Fome Zero, Folha de Sao Paulo, 11 décembre 2002.

[37] Folha de Sao Paulo, 27 novembre 2002.

[38] Il faut noter que même avec l'augementation du chômage mois après mois, le gouvernement continue à bénficier de sondages très favorables, avec des taux de soutien dans les classes populaires encore de 70%.

[39] Palocci,Antonio, Pronunciamento do ministro da Fazenda, na cerimônia  de transmissao do cargo. Disponible à: http//www.fazenda.gov.br/portugues/documentos/pronunci2.asp ; 27 avril 2003.

[40] Folha de Sao Paulo, 25 avril 2003.

[41] Voir, Polìtica econômica e reformas estruturais. Brasilia, Ministerio da Fazenda, 2002.

[42] Idem, page 6.

[43] Idem, page 7.

[44] Idem, page 11.

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