Brésil


Stédile affirme qu'une partie du gouvernement est néolibérale
et que la politique agricole est "bête
"

Luiz André Ferreira*

Cette prise de position du dirigeant du MST éclaire la tension accrue entre la politique du gouvernement Lula et, en particulier, le mouvement des paysans sans-terre et des couches paupérisées de la société brésilienne. Jusqu'à maintenant, Stédile avait adopté une position plus réservée, bien qu'insistant sur l'autonomie du MST face au gouvernement. -Réd.

Le coordinateur général du MST (Mouvement des travailleurs ruraux sans terre), João Pedro Stédile, a critiqué le gouvernement en affirmant qu'une partie de celui-ci peut être considérée comme néolibérale, et en qualifiant de «bête» la politique agricole. Il a ajouté également que les batailles menées par le gouvernement au sein de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) sont des certificats d'«ignorance».

Dans son évaluation, le responsable du MST a avancé que le pays nécessite une politique qui donne la priorité au marché interne en direction des masses populaires, et une politique qui vise la redistribution de la richesse créée et l'inclusion sociale. Il a ajouté qu'aucun pays au monde ne peut se développer en se basant uniquement sur l'exportation de matières premières.

«Nous devons également adapter les prix des produits agricoles à la nouvelle réalité économique et non aux cotations internationales qui visent le marché externe. Les entreprises agro-industrielles ont toutes été privatisées. Ainsi, l'Etat a perdu le contrôle sur les prix, sur le développement technologique et sur presque toute la recherche agroalimentaire», a-t-il affirmé.

Stédile considère que, malgré le vote à gauche des Brésiliens lors des dernières élections présidentielles, ils n'ont toujours pas réussi à battre le néolibéralisme. D'après lui, des éléments au sein même du gouvernement défendent ce modèle économique en étant favorables à l'adhésion à l'ALCA (Zone de libre commerce des Amériques), en suivant à la lettre les règles imposées par le FMI (Fonds monétaire international) et en se soumettant aux règles de l'OMC.

Selon le leader des sans-terre, d'autres courants à l'intérieur du gouvernement défendent l'idée qu'il faut recycler le modèle néolibéral, en mettant sur pied des mesures qu'il juge inefficaces comme les petites baisses des taux d'intérêt ou les politiques compensatoires par rapport à la fiscalité.

«Nous vivons encore actullement les conséquences de 12 années de néolibéralisme qui a donné une totale liberté au Capital. Le nouveau gouvernement, même s'il a été élu par une population qui a manifesté la volonté d'un changement, a reçu dans le domaine de l'agriculture une maison en ruine. Pour cette raison, le ministre de l'agriculture, Roberto Rodrigues, s'offre le luxe de faire plus de politique politicienne que de politique agricole», a-t-il ajouté.

Pour Stédile, le président Lula, tout seul, ne sera pas capable de mettre sur pied les changements que la société a demandés lors de son élection. Ce responsable du MST défend la nécessité d'un large débat qui ait lieu au sein de tous les secteurs de la population.

«Nous avons besoin d'un projet populaire qui rétablisse la souveraineté nationale et une politique d'autonomie interne au niveau de la consommation. Tout le monde doit être entendu, des organisations de base de l'Eglise jusqu'aux centrales syndicales, afin de faire vivre le débat au sein de la population brésilienne, qui doit, dans son ensemble, décider quel projet social doit être adopté. Ce dernier ne dépend pas du président, des gouverneurs ou des présidents des communes, mais de la population. Nous ne pouvons pas laisser les salons tapissés décider de notre politique car, de cette manière, la population sera une nouvelle fois battue», a-t-il affirmé. - 22 septembre 2003

* Cet article a été publié dans la Folha Online. L'auteur est correspondant de la Folha de Sao Paulo à Brasília.

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