Brésil


Le Mouvement des sans-terre (MST) cherche à entrer dans
le ministère de l'agriculture, défendu par la Police militaire.

Un économiste désenchanté: Joao Sayad

Léo Lince*

Aujourd'hui, des économistes les plus modérés, qui manifestaient des sympathies pour le gouvernement du PT et la présidence de Lula, clament leur désenchantement. C'est le cas de Joao Sayad.
Evidemment, il ne s'agit pas seulement d'orientation économique. Il s'agit, plus concrètement, d'une politique choisie par le noyau central du PT (Parti des travailleurs) de s'allier avec des secteurs déterminants de la grande bourgeoisie brésilienne.
Les répercussions de ces choix sont vécues, au quotidien, par la majorité de la population déshéritée du Brésil.
Le risque d'un désenchantement, qui outrepasse les cercles d'intellectuels militants, est grand. Cela met encore plus en relief la responsabilité de ceux et celles qui soutiennent (plus ou moins) aveuglement le «noyau dur» du gouvernement Lula et participe à cette politique en ayant intégré les rangs gouvernementaux. Nous l'avions souligné dès le mois de janvier 2003.CA. Udry.

L'économiste João Sayad, que l'on ne peut pas suspecter de radicalisme doctrinaire, a écrit un article (Folha de São Paulo, 27.10.2003) remarquable et déconcertant sur l'évolution du gouvernement Lula. Le mot «dot» [le bien apporté lors d'un mariage] figurant dans titre de l'article («La dot s'est transformée en héritage maudit à cause de la peur exagérée du fiancé»), apparaît comme une clé de lecture à ce que l'on peut considérer le choix d'une fausse route par le gouvernement.

Il commence par affirmer que «la politique économique du gouvernement actuel est identique à celle du gouvernement antérieur». Cet économiste parle, de manière simple et directe, de politique identique. Et cela est en train de devenir, malheureusement, une interprétation consensuelle. Il ne la conteste pas. Au contraire, il applaudit la tactique qu'il appelle «la démonstration du conservatisme»qui a marqué les premiers pas du gouvernement. Pour cet économiste, la prudence initiale était une tactique absolument correcte.

Pourtant, la suite des agissements du gouvernement amène Sayad à reconsidérer son évaluation initiale. En partant d'une logique manichéenne («ensemble satanique»contre «solution adoptée»), le gouvernement Lula a perdu, au moment des difficultés initiales, l' «opportunité idéale» d'initier le cycle vertueux du changement de modèle.

Le gouvernement a loupé le bon moment pour nous débarrasser, sans conséquences majeures pour l'économie réelle, des huit années [du houvernement de Fernado Henrique Cardoso] de survalorisation des taux de change et de taux d'intérêt trop élevés. Selon cet économiste, l'héritage maudit, s'il avait été soumis à une stratégie solide et courageuse, aurait pu se transformer dans une dot merveilleuse.

Dans son style habituel, toujours élégant et délicat, Sayad affirme que le gouvernement a eu peur: il a jeté l'opportunité d'inaugurer un nouveau modèle de croissance, caractérisé par d'autres taux de change et des taux d'intérêt réels plus bas. Voici ses propres mots: «Le gouvernement a été rendu vaniteux par les applaudissements de la communauté financière internationale».

Lorsque la prudence initiale devient un pas en arrière définitif, la «démonstration du conservatisme»cesse d'être une tactique et devient une stratégie. D'où le désenchantement de l'économiste Sayad et la conclusion tragique de son article: «la dot s'est transformée en héritage maudit à cause de la peur exagérée du fiancé».

L'idée selon laquelle nous avons perdu une opportunité historique et que l'avenir du nouveau gouvernement est définitivement compromis est désormais défendue très fréquemment par des secteurs les plus inattendus. Des gens sérieux, qui ont aidé à construire la proposition de changement et qui désirent que cette idée retrouve son cours original. Nous suggérons au gouvernement de mettre les mains à la pâte et de montrer, rapidement, qu'il peut encore retourner dans le bon chemin. Comme l'a constaté le chef de cabinet de Lula, José, Dirceu  le temps est en train de jouer contre le gouvernement.

Il ne faut pas tergiverser car la solution au problème se trouve dans le modèle économique. Tant que le noyau du gouvernement sera occupé par des personnes qui défendent la continuité avec la politique économique du gouvernement précédent, cela ne sert à rien de faire des comparaisons avec Ferdando Henrique (président entre 1994 et 2002).

La gigantesque vague des taux d'intérêt qui est en train de nous noyer servira à ceux qui ont applaudit à la «solution adoptée» pour surfeur dessus. Personne ne mérite une telle alternative, si bien exposée dans le désenchantement de l'économiste Sayad.

* Sociologue et militant actif au sein du Parti des Travailleurs, de mouvements et organisations sociales. Collabore au Correio da Cidadania.

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