Brésil

Manque de volonté politique*

Selon les classiques, les révolutions explosent lorsque les conditions objectives pour la transformation sociale épousent les conditions subjectives. Le «nouveau» [dans le sens de nouvelles configurations pour une autre société] naît et croît à l'intérieur de l'«ancien» [régime, société]. Le moment arrive alors où le premier est prêt à substituer le deuxième. Et il commence à se faire entendre. A ce moment, cela signifie que les conditions objectives pour la transformation sociale sont établies.

Toutefois, il n'y a pas d'accouchement sans sage-femme. C'est dans ce sens que Marx nomme les forces révolutionnaires les «sages-femmes de l'histoire». Plus précisément, il leur incombe trois tâches essentielles: détecter les signes du nouveau ; identifier le niveau de maturation du nouveau ; agir avec détermination et courage afin que le nouveau naisse.

Le nouveau qui est en gestation depuis quelque temps au Brésil s'appelle Etat national, indépendant, démocratique, gouverné par la majorité, tourné vers le développement autonome et vers l'égalité sociale. Son existence potentielle apparaît évidente. Ce qui n'est pas encore clair c'est le degré de sa maturation - à savoir le moment où il commencera à se faire entendre afin de briser l'ancien et de s'affirmer comme la nouvelle réalité.

Les signes de ce renouveau sont à la fois ambigus et contradictoires. Ils se manifestent souvent, mais sont plus souvent négatifs que positifs. L'occupation des propriétés rurales non productives constitue sans doute un signe positif. Par contre, la domination des bidonvilles et de périphéries des villes par le crime organisé constitue un signe négatif. Mais les deux vont à l'encontre de l'ancien et affirment la nécessité d'un renouveau.

Quant à l'élection de Lula aux présidentielles, il s'agit d'un signe ambigu. En effet, les 55 millions de personnes qui l'ont élu, ont-elles voté pour le «Lulinha, paix et amour», personnage et slogan fabriqués par le consultant en image et en marketing Duda Mendonça; ou ont-elles voté pour l'ouvrier de la métallurgie, qui a affronté la dictature,  créé un parti et parcouru le pays, pendant plus de vingt ans, en parlant de la rupture avec le FMI, de la réforme agraire, de justice sociale ?

Actuellement, des conditions subjectives font défaut. Il s'agit de celles permettant de faire une lecture correcte de ces signes et d'établir une stratégie pour remplir les espaces existant (limités mais effectifs).

En effet, il s'agit là d'une tâche de la volonté politique qui souhaite transformer la réalité. Aussi bien les partis de gauche que les mouvements sociaux et syndicaux semblent inattentifs au moment particulier que le pays est en train de traverser et très peu disposés à occuper les espaces ouverts à cette volonté.

Il leur manque la vision et l'audace - des ingrédients sans lesquelles l'Histoire n'avance pas. Rassembler celles et ceux qui peuvent voir les brèches et celles et ceux qui sont disposé-e-s à oser, voilà la tâche politique du moment.

*Editorial du bulletin brésilienCorreio da Cidadaniade Plinio Arruda Sampaio qui a été à la base du plan initiale de réforme agraire adopté par le Parti des travailleurs - PT (1ère semaine de décembre 2003)

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