Brésil

Palocci, le ministre PT de l'économie symbole du social-libéralisme


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Prise de position de Liberté Rouge

Fraction publique de Démocratie socialiste (DS), tendance interne du PT


Nous publions ci-dessous la déclaration, écrite fin mars et publiée fin avril, de la fraction publique du courant Démocratie socialiste, courant interne au PT et affilié à la IVe Internationale Secrétariat unifié. Cette fraction a à sa tête l'un des créateurs du courant Démocratie socialiste Joao Machado et la sénatrice de l'Etat d'Alagoas (Nord-Est) Heloisa Helena. Cette dernière est la principale figure du mouvement pour un nouveau parti socialiste et démocratique qui tiendra sa réunion constitutive les 5 et 6 juin 2004 à Brasilia.

La démarche de la fraction publique de la DS, Liberté Rouge, doit être mise en relation avec la participation à un poste éminemment sensible, celui de la réforme agraire, d'un membre de la DS: Miguel Rossetto. Ce dernier a jusqu'à maintenant reçu l'appui complet et entier de la tendance Démocratie socialiste, quand bien même le processus de réforme agraire du gouvernement Lula non seulement n'a strictement rien à voir avec le plan initial proposé par la commission placée sous la direction de Plinio Arruda Sampaio, mais avec les objectifs restreints annoncés par le gouvernement Lula lors de son entrée en fonctions. De plus, toute la politique agraire se trouve soumise aux lignes directrices imposées par le ministre de l'Agriculture et l'orientation générale de stimuler l'agro-exportation comme principale source de devises pour faire face aux échéances du service de la dette.

Cette déclaration de la fraction Liberté Rouge de la DS acquiert aussi son importance lorsqu'on la place dans une perspective à moyen terme. Ainsi, en 2000, dans un ouvrage collectif intitulé «Le siècle des communismes», ouvrage réédité en janvier 2003 en livre de poche, coll. Point, Le Seuil, Michaël Löwy écrivait: «La tendance Démocratie socialiste du PT brésilien - liée à la IVe Internationale - exerce une réelle influence, avec plusieurs députés, sénateurs et maires. On observe dans certains documents du PT - comme celui sur le socialisme, approuvé en 1990 - une certaine influence des idées du courant trotskiste» (p. 686, éd. 2004).

Il est possible que cette influence ait existé dans un texte. Il est certain que le courant Démocratie socialiste a disposé de plus en plus de positions institutionnelles, à tel point que l'essentiel de ses membres avaient des responsabilités soit dans l'appareil du PT, soit dans les diverses administrations municipales et étatiques, et depuis 2002 au niveau de l'Etat fédéral et du gouvernement. Toutefois, il est encore plus évident que dès 1994, suite à la défaite électorale du PT, qui alors était dirigé par une coalition de gauche, un processus d'institutionnalisation et de droitisation du PT est allé s'accélérant. Dès avant l'élection de Lula, divers organismes avaient été mis en place - par exemple, l'Institut de la citoyenneté - pour prendre le contrôle de la campagne électorale de Lula afin de distiller une ligne s'imposant de fait au PT (ligne qui ressortait bien dans le document de Lula intitulé «Lettre aux Brésiliens»), pour tisser des alliances avec la droite avant même les élections de 2002. La participation d'un membre de la DS dans le gouvernement Lula avait pour fonction, prioritaire, de freiner les oppositions au sein du PT. En ce sens, comme le fait Emir Sader, il n'est pas erroné d'affirmer: «Les tendances de gauche du PT ont facilité la tâche de neutralisation du parti [par le PT gouvernemental] en les intégrant pratiquement toutes à des postes dans le gouvernement et, dans ces conditions, en les rendant complices silencieuses des actions du gouvernement. Pratiquement aucune tendance ne s'est refusée à participer au gouvernement... Elles se sont rendues ainsi incapables d'être des expressions politiques du mécontentement d'une grande partie des militants et du mouvement social organisé.» («Le PT et le gouvernement Lula, 2 mai 2004)

Certaines analogies rapides ont été faites entre ce tournant du PT et l'institutionnalisation de la social-démocratie après sa première phase historique. César Benjamin - un des créateurs du PT, sorti en 1995 et animateur de divers mouvements sociaux - ne manque pas de souligner l'inadéquation de cette analogie: «A diverses reprises, des personnes comparent le PT avec la social-démocratie, dans un sens péjoratif. Je considère injuste cette comparaison parce que la social-démocratie fut un mouvement sérieux ayant une base ouvrière importante et organisée, qui a mené de nombreuses luttes et obtenu des conquêtes pour sa base sociale. C'est dans ce contexte de gains obtenus qu'elle a négocié son maintien dans le système capitaliste. Le PT adhère au système sans rien obtenir pour la classe ouvrière. C'est un processus d'accommodement avec le système qui est différent et pire que celui de la social-démocratie, sans aucun pacte social clair qui le légitime. Le PT s'est transformé en un instrument d'ascension sociale pour sa propre bureaucratie. De très nombreuses personnes [membres du PT] ne conçoivent et n'imaginent pas revenir à leur bureau de travail, à leur entreprise, à leur lieu d'enseignement ou à l'hôpital. Ils ne savent plus ce que c'est faire les comptes à la fin du mois, ils ne savent plus ce qu'est la menace du chômage. Ce personnel [politique du PT] a commencé à vivre dans un autre monde. Lors du dernier congrès du PT, la vaste majorité des délégués était formée par des fonctionnaires du propre PT.» (As transformaçoes do PT e os rumos da esquerda no Brasil, coord. Felipe Demier, Ed. Bom Texto, 2003)

Dans de nombreuses études, des constats identiques existaient. Les faire après 17 mois de gouvernement Lula est un progrès. Les avoir faites avant et en avoir tiré les conséquences auraient permis certainement de faire face avec plus de forces à la politique du gouvernement Lula et du PT gouvernemental.

Aujourd'hui, nous sommes à la veille du congrès fondateur du nouveau parti. Le défi est énorme. S'il n'est pas relevé, le risque d'une expérience gouvernementale du PT qui se termine par une fragmentation de la gauche socialiste et révolutionnaire est grand. - cau

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1) Sur le caractère du gouvernement Lula

Si immédiatement après la prise de fonctions de Lula, il y avait des doutes sur le caractère que prendrait son gouvernement, ce caractère est aujourd’hui très clair.

Il est un fait que le gouvernement est traversé de nombreuses contradictions et connaît de vifs conflits internes, dont certains sont très importants (par exemple, en ce qui concerne les négociations de l’ALCA - initiales en portugais et espagnol de la ZLEA, Zone de libre-échange des Amériques - et la réalisation de la promesse de réforme agraire). Mais il y a une orientation générale claire - exprimée dans la politique économique et dans la politique d’alliances - et les caractéristiques conservatrices de l’une et de l’autre ont été largement renforcées. Le gouvernement Lula a une orientation générale néolibérale, ou social-libérale si l’on considère qu’il applique une politique néolibérale en s’appuyant sur un parti de tradition socialiste. C’est un gouvernement de collaboration de classes, qui subordonne les intérêts populaires à une alliance privilégiée avec la bourgeoisie, tant brésilienne qu’impérialiste.

Même si les secteurs critiques de l’ALCA à l’intérieur du gouvernement venaient à empêcher sa mise en application (en promouvant toutefois le projet dit de «ALCA light», au lieu de le rejeter), et même si les secteurs favorables à la réforme agraire parvenaient à concrétiser le PNRA (Plan national de réforme agraire) qui a été prévu (et qui représente beaucoup moins que ce que revendiquaient les mouvements paysanas), l’orientation générale de la politique économique ne sera pas altérée. Et cela ne sera pas non plus suffisant pour inverser la logique de subordination des intérêts populaires à l’alliance large constituée avec les secteurs bourgeois.

Les conflits à l’intérieur du noyau central du gouvernement ne remettent pas en cause la politique économique néolibérale, ni les larges alliances avec de nombreux secteurs bourgeois, qui garantissent que le gouvernement défend leurs intérêts historiques. Le noyau central du gouvernement est beaucoup plus proche des ministres conservateurs et bourgeois (Palocci [finances] – membre de ce même noyau – et son équipe, Rodrigues [agriculture], Furlan [industrie]) que de ministres tels que Miguel Rossetto [réforme agraire] ou Marina Silva [environnement]).

Le rôle de ces derniers est clairement limité et subordonné. Ils ont été choisis (et sont maintenus à leur poste) comme une concession à la base sociale traditionnelle du PT, afin d’éviter qu’elle ne passe en totalité dans l’opposition. Le fait qu’ils restent au gouvernement remplit une fonction de légitimation, face aux différents secteurs de la population, de l’orientation générale conservatrice du gouvernement; cela a aidé la politique générale du gouvernement consistant à démobiliser et à intégrer les mouvements sociaux.

En général, il est commun d’estimer que Itamary [allusion au palais du Ministère des affaires étrangères] est le ministère qui se rapproche le plus de la ligne défendue par le PT dans sa campagne électorale, et qui se différencie le plus de la ligne du gouvernement de F. H. Cardoso. Il nous est toutefois impossible de ne pas relever, à l’inverse, le fait qu’il soit en train de mener une politique conservatrice et inacceptable, de collaboration avec les Etats-Unis, à travers la participation [de troupes brésiliennes] à l’occupation militaire de Haïti.

Le gouvernement n’a pratiquement pas d’opposition sur sa droite parce qu’il met en pratique, pour l’essentiel, le programme de la droite. De fait, les initiatives politiques centrales du gouvernement de Lula perpétuent et approfondissent les projets antérieurs du gouvernement de F. H. Cardoso, suivent le modèle du FMI et de la Banque mondiale, et visent principalement à satisfaire les marchés financiers. Fabio Konder Comparato a attiré l’attention (en répondant au journaliste Elio Gaspari dans Folha de Sao Paulo) sur la «ruine morale» du gouvernement de Lula. Qu’il ait raison ne fait aucun doute. Le problème n’est pas tant dans ce qui renvoie aux diverses informations sur la mauvaise conduite de membres du gouvernement ou de gens qui se sont associés au PT au moment où il accédait au pouvoir, particulièrement depuis «l’affaire Waldomiro Diniz» [scandale de corruption avec les mafias du jeu illégal]. Mais le problème va, bien entendu, bien au-delà des révélations du caractère corrompu de cet ex-ami intime et conseiller du ministre Dirceu [responsable de la «Maison civile», établissant le lien direct entre la présidence et le gouvernement]. De fait, cela éclaire sur les méthodes utilisées par le gouvernement pour construire sa majorité parlementaire, et sur la nature de cette majorité [la pratique d'acheter des votes continue sous la présidence de Lula].

Mais le plus grave est le terrible spectacle électoral qu’offrent Lula et le gouvernement (avec le soutien de toute la direction du «camp majoritaire» du PT), et en même temps la trahison du programme historique du PT ainsi que des intérêts des travailleurs et du peuple. Autrement dit, il s'agit du changement de camp, dans la lutte de classes, de Lula et de ceux qui définissent avec lui la politique du gouvernement.

2) Sur le PT aujourd’hui

Depuis le début des années 1990, le PT a connu un processus de distanciation par rapport à certains des traits les plus importants qui le caractérisaient à ses débuts: il est devenu progressivement un parti institutionnel, fonctionnant presque totalement autour des batailles électorales, et a progressivement perdu son caractère de parti militant. De plus, une partie de sa direction montre, depuis, qu’elle s’est distanciée de la perspective socialiste.

Cependant, un conflit sur le cours du parti a existé pendant toutes ces dernières années. Une grande partie des militants du mouvement social qui ont constitué la base du parti a continué à s’identifier au socialisme. Dans les directions du PT, les secteurs de gauche ont toujours lutté contre le processus d’évolution régressive.

Avec la campagne électorale de 2002, et surtout les débuts du gouvernement de Lula, en même temps que les espaces de démocratie interne étaient radicalement réduits, la perte de substance du PT en tant que parti socialiste a connu un saut qualitatif et est devenue irréversible (ce qui est vérifié par l’affiliation au parti de personnalités clairement de droite, sans aucun lien avec la plus petite tradition progressiste).

Toute la gestion de la réforme de la Prévoyance vieillesse [contre-réforme des retraites] - comme d’autres questions -, dans une claire absence de respect des décisions des Rencontres [conférences nationales] du parti; le fait d’avoir imposé aux groupes parlementaires du PT un rôle de courroie de transmission des décisions du noyau central du gouvernement; et enfin l’expulsion des parlementaires rebelles [les quatre «radicaux» qui s’étaient opposés à la contre-réforme des retraites], tout cela constitue des manifestations de cette régression.

Le PT apporte un soutien inconditionnel à un gouvernement social-libéral. Il est évident que la prochaine Rencontre nationale du parti sera «gonflée», tant par l’afflux des nouveaux affiliés de droite que par la manipulation par le gouvernement de nombreux adhérents. Cette Rencontre ne sera pas démocratique. Même si dans les rangs du PT il y a de nombreux militant.e.s des mouvements sociaux et socialistes sincères, il n’existe pas de possibilité que le PT se constitue en un instrument de lutte capable de corriger le cours du gouvernement.

3) Sur l’impossibilité d’un changement de la nature de classe du gouvernement Lula

Les conflits à l’intérieur du gouvernement, de par leur nature telle qu’elle a été démontrée jusqu’à présent, et du fait des rapports de forces, ne peuvent pas mener à un changement fondamental d’orientation. Etant donné le processus de transformation que le PT a déjà connu et celui qu’il connaît encore aujourd’hui, ainsi que les rapports de force en son sein, il ne peut pas non plus constituer un instrument de lutte pour un changement de l’orientation générale du gouvernement.

Le mouvement social fait pression et cette pression tend à augmenter. Mais il n’a pas la capacité d’influer de façon décisive sur le cours du gouvernement. Ce dernier s’est montré capable de coopter une partie des mouvements sociaux et de neutraliser d’autres secteurs. La CUT [Centrale unique des travailleurs, la confédération syndicale majoritaire, créée par le PT], sans doute l’organisation la plus influente dans l’ensemble du mouvement social, a formulé des critiques envers certains aspects de la politique du gouvernement. Mais ce qui a prédominé dans sa direction (et à partir de là, dans la pratique de la centrale), c’est beaucoup plus la collaboration avec le gouvernement qu’une lutte intransigeante pour défendre les intérêts des travailleurs et travailleuses.

Seuls un développement explosif de l’insatisfaction et l’éclatement d’une crise grave pourraient provoquer un changement. Mais dans ce cas, il s’agirait d’un processus dirigé contre le gouvernement Lula et contre la direction du PT.

4) La nécessité pour la gauche socialiste de ne pas participer au gouvernement

Le gouvernement Lula mène globalement une politique néolibérale. Il n’existe pas de possibilités de changer qualitativement cette situation à partir des contradictions internes du gouvernement, ou bien d’une pression du PT, ou encore de celle des mouvements sociaux (du moins tant que cette dernière ne franchira pas un seuil qualitatif en se transformant en une mobilisation massive contre le gouvernement).

De plus, le gouvernement Lula ne cesse de demander à la population de prendre patience. Il tente de la désinformer et de la manipuler en usant des techniques les plus malhonnêtes de propagande et de son influence sur les chaînes de télévision et la grande presse, etc. Son objectif est ainsi de démobiliser. Ce gouvernement doit être caractérisé comme un adversaire des travailleurs et des mouvements populaires.

La participation au gouvernement Lula s’oppose de plus en plus frontalement à la défense des intérêts populaires et du socialisme. La gauche du PT (et d’autres partis) se trouve confrontée à la nécessité toujours plus aiguë de rompre avec ce gouvernement.

Les ministres qui veulent maintenir avec cohérence leur condition de militants de gauche, de socialistes, doivent quitter le gouvernement.

5) Sur la nécessité de construire une alternative

La seule alternative [constituée en parti] existant aujourd’hui à la gauche du PT – celle du PSTU [Parti socialiste des travailleurs unifié, organisation trotskiste] – n’a pas la capacité de s’ériger en alternative au PT pour se transformer en une référence suffisamment forte pour attirer les militants qui perdent leurs illusions dans le gouvernement Lula.

Il est donc nécessaire de construire un nouvel outil politique qui récupère la perspective militante et socialiste abandonnée par le PT ; qui puisse constituer une alternative pour les militants et les secteurs sociaux qui perdent leurs illusions dans le PT (et pour ceux des autres partis de gauche soutenant le gouvernement Lula) ; c’est-à-dire un parti qui ait pour vocation d’unifier toute la gauche socialiste.

Si un tel parti ne voyait pas le jour, tout le potentiel accumulé par la construction du PT pendant plus de vingt ans (de sa fondation jusqu’aux élections de 2002, malgré les problèmes qui ont été croissants lors des dernières années), serait perdu.

Ce parti ne pourra pas se limiter à répéter ce que le PT a fait durant ses premières années. Cette tradition sera une référence centrale, importante pour disputer l’héritage du PT. Mais il sera nécessaire de tirer le bilan de la trajectoire du PT, d’évaluer ce qui a été erroné, d’identifier les erreurs commises. Nous voulons apprendre des erreurs du PT, tout comme des acquis de son histoire, et aller au-delà.

Il faudra prendre en considération ce qui a changé dans le monde et au Brésil. Et sur cette base, reposer l’actualité du socialisme. Incorporer le nouvel internationalisme qui se développe dans la lutte contre la mondialisation néolibérale exigera une attention particulière.

Une échéance doit nécessairement être prise en compte pour la construction de cette alternative: celle des élections [présidentielles] de 2006. Si un parti socialiste ne doit pas centrer son activité sur les batailles électorales, il ne peut pas non plus les déserter. Aujourd’hui, la nature du gouvernement Lula et les décisions prises en vue de la campagne électorale de 2006 (notamment l’alliance du PT avec le PMDB - Parti du mouvement démocratique du Brésil, important parti bourgeois et le plus ancien dans le pays - et la quasi-totalité des partis de droite) font qu’il sera totalement impossible pour la gauche socialiste de soutenir une nouvelle fois la candidature de Lula.

Il sera dès lors essentiel pour la gauche socialiste de participer aux élections de 2006, afin de dénoncer la trahison des intérêts populaires par le gouvernement Lula et de montrer qu’il existe une alternative au néolibéralisme et au système capitaliste. Notre participation à la campagne électorale devra être cohérente avec notre défense du socialisme comme alternative politique et notre conviction qu’une société fondée sur l’égalité sociale, humainement différente et totalement libre, est possible. C’est pourquoi il sera nécessaire de créer les conditions afin de présenter une candidature propre.

Pour toutes ces raisons, nous participons à la construction d’un nouveau parti socialiste au Brésil, à travers le Mouvement de la gauche socialiste et démocratique, lancé le 19 janvier avec un document ayant pour titre: Mouvement pour un nouveau parti. Pour une gauche socialiste et démocratique .

A travers ce mouvement, en respectant les expériences et trajectoires très diverses existant en son sein, nous luttons pour la construction d’un parti démocratique et militant, mais surtout de classe, anticapitaliste, anti-impérialiste, socialiste et internationaliste, constitué par tous les secteurs de la classe des travailleurs. Pour un parti qui assume la lutte pour la libération des femmes, le combat contre toutes les formes de discrimination raciale, la fin de l’oppression des GLBT [gays-lesbiennes-bis-trans] et la lutte pour un environnement réellement soutenable (impossible dans le cadre du capitalisme), en tant que piliers sans lesquels nous ne parviendrons pas à nous opposer à la dynamique du système.

La gauche socialiste et démocratique est confrontée dans notre pays au défi consistant à construire un nouveau parti politique qui rejette une construction commune avec la bourgeoisie, un parti qui non seulement s’affronte aux politiques néolibérales mais remette en cause la légitimité du système capitaliste ; un parti qui défende les mobilisations sociales et l’auto-organisation démocratique des travailleurs.

6) Nous sommes des militants de la DS et de la Quatrième Internationale

Les résolutions de la Septième Conférence nationale de la DS, réalisée en novembre 2003, ont eu des limites, en ce sens qu’un choix global a été fait de restreindre la portée du débat afin de rechercher l’accord le plus large possible. Malgré ces limites, la conférence a tiré un bilan très critique des 11 premiers mois du gouvernement Lula et de la situation du PT à la fin 2003. Nous avions alors pointé le fait que l’orientation économique du gouvernement Lula était conservatrice et néolibérale, qu’elle conditionnait toute l’activité du gouvernement, et que la politique d’alliances stratégiques avec des partis bourgeois, tout comme l’entrée dans le PT de personnalités n’ayant rien à voir avec un parti de gauche, faisaient perdre au PT son caractère de parti socialiste et menaçaient gravement tout son projet historique. Nous avions en outre souligné la réduction drastique des espaces de démocratie au sein du PT, ainsi que sa transformation en courroie de transmission des décisions du gouvernement, en particulier les décisions les plus impopulaires.

Dans les mois qui ont suivi cette conférence, toutes les caractéristiques négatives du gouvernement et du PT se sont aggravées.

En premier lieu, l’expulsion annoncée des parlementaires rebelles, contre laquelle nous avons lutté et que la conférence a déclarée totalement inacceptable, est devenue effective. Cela, malgré un large mouvement de solidarité avec les parlementaires menacés, développé au Brésil et à l’échelle internationale, où dans ce dernier cas le mouvement a été impulsé par des camarades de la Quatrième Internationale.

Deuxièmement, l’alliance conservatrice avec des partis bourgeois, avec y compris les prémisses d’une alliance pour les élections de 2006, prévoyant le PMDB à la vice-présidence, s’est renforcée.

Troisièmement, la politique économique conservatrice et néolibérale - louée et citée en exemple par Anne Krueger, représentante de la ligne la plus dure du FMI et du gouvernement Bush, parmi de nombreux autres porte-parole de la droite la plus réactionnaire - a été consolidée et renforcée. Cette consolidation conservatrice se traduit maintenant par une nouvelle réduction brutale des ressources budgétaires. Ses conséquences anti-populaires deviennent encore plus évidentes que lors des premiers mois de 2004.

Quatrièmement, depuis le «scandale Waldomiro Diniz», les méthodes politiques consistant à former des majorités parlementaires au moyen de l’argent, d’autres avantages, de pots-de-vin, et en répondant à des intérêts distincts de l’intérêt public, sont devenues beaucoup plus évidentes. Face à l’expulsion d’une camarade de la DS, la sénatrice Heloísa Helena, un groupe de militants de la DS s’est désaffilié du PT puis a participé, avec la camarade, au lancement du mouvement pour un nouveau parti politique.

Nous estimons que dans la situation actuelle, la décision de participer au mouvement pour un nouveau parti politique ne place pas ceux qui l’ont prise en dehors du cadre programmatique de la DS et de la Quatrième Internationale.

Au contraire, cette participation est parfaitement cohérente avec ce cadre. Nous avons une tactique de construction différente de celle qui a été adoptée par la majorité des camarades de la DS. Cette existence de tactiques de construction différentes n’est, de façon générale, pas souhaitable ; il s’agit dans notre histoire d’une situation exceptionnelle. Nous y avons été contraints du fait des transformations brusques du cadre de la lutte de classes au Brésil, et tout particulièrement du changement de camp, dans cette lutte, décidé par la direction du PT qui s’est placée au service des intérêts du capital financier. Les militants de la DS qui participent au mouvement pour un nouveau parti ne peuvent pas répondre positivement à l’appel à ce qu’ils se ré-affilient au PT voté par la majorité de la direction de la DS.

La Septième Conférence nationale de la DS n’a pas décidé d’initier un mouvement pour un nouveau parti. Elle a cependant souligné la nécessité de renforcer la lutte contre les orientations néolibérales du gouvernement Lula et de la majorité de la direction du PT. Nous estimons que, vu l’accélération des événements provoquée par l’expulsion des camarades du PT, ainsi que le durcissement conservateur des positions du gouvernement Lula, notre position peut être comprise comme un dédoublement légitime des résolutions de la conférence.

7) Pour les camarades qui continuent la lutte à l’intérieur du PT

Nous ne pouvons pas ne pas remarquer que la majorité de la direction de la DS agit à contresens de la dispute sur les orientations [du gouvernement et du PT] décidée lors de la dernière conférence de la DS.

La position que la direction majoritaire de la DS a prise lors de l’épisode du «scandale Waldomiro», de défense des positions du gouvernement et de la direction du PT, en s’opposant à l’installation d’une commission parlementaire d’enquête et d’une commission parlementaire de suivi des investigations, ainsi que le fait de ne pas avoir soutenu le séminaire «Nous voulons un autre Brésil» [séminaire réunissant des membres dits critiques du PT] sont incompréhensibles.

De fait, la majorité de la direction de la DS n’a pas mené une lutte sur le cours du PT et du gouvernement en conformité avec ce qui a été décidé dans notre Septième Conférence. Plus qu’une lutte claire contre les positions du «camp majoritaire» du PT, ainsi que cela a été défini par les résolutions de la conférence, ce qui prévaut est une attitude de collaboration avec l’ensemble de la direction du PT, c’est-à-dire avec le «camp majoritaire».

Cette attitude de la majorité de la direction de la DS met sérieusement en danger notre tendance. Si la DS connaissait déjà de fortes tensions internes, au moins depuis l’expulsion du PT de la camarade Heloísa Helena, la nouvelle position assumée par la majorité de la direction de notre courant menace de conduire à un processus de déchirement similaire à celui qu’ont connu d’autres courants de la gauche du PT. Nous sommes favorables à la convergence de la gauche socialiste du PT [cette gauche qui s'est réunie lors du séminaire «Nous voulons un autre Brésil»] et du Mouvement de la Gauche socialiste et démocratique [qui est en voie de construire un nouveau parti].

Nous lutterons pour garantir qu’il y ait des relations fraternelles entre ces deux secteurs, entre lesquels se divise aujourd’hui la majeure partie de la gauche socialiste brésilienne – tout particulièrement parmi les militants de la DS qui se trouvent d’un côté et de l’autre.

Signataires: Ana Sílvia Laurindo Da Cruz, Anderson Mancuso, Bruno Velasco, Carlos Alberto Almeida, Daniel Velasco, Francisco Conte, Heloísa Helena, João Machado, Luciana Sá, Luciano Da Silva Barbosa, Luiz Delmiro Texeira, Luiz Felipe, Mário Agra, Nilo Aragão, Pérola Engelaum, Reginaldo Costa

 

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