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Troupe de Choc contre familles sans terre

Marcelo Netto Rodrigues et Eduardo Sales de Lima *

Avec une violence spectaculaire, des policiers font irruption dans un campement de Limeira, dans l’Etat de São Paulo, pour se livrer à une action d’évacuation et tirent des balles de caoutchouc contre des travailleurs. Voilà à l’œuvre la «démocratie» présidée par Lula et la traduction d’une «réforme agraire» qui est très éloignée de ses objectifs initiaux. Cela traduit, entre autres, l’alliance organique entre le gouvernement Lula et l’agro-business. Une manifestation du Mouvement des travailleurs sans-emploi (MTD), le 28 novembre 2007, se faisait aussi agresser violemment par la police à Porto Alegre (dans l’état de Rio Grande do Sul). Quelque 800 chômeuses, pour l’essentiel, exigeaient que Yeda Rorato Crusius, gouverneur, membre du PSDB (Parti social-démocrate du Brésil), tienne ses engagements dans le domaine de la politique de l’emploi. (Réd)

Des policiers militaires de la Troupe de Choc ont débarqué sans crier gare le jeudi 29 novembre à 9 heures 30 du matin dans un campement à Limeira et ont tiré des balles de caoutchouc contre des familles de sans-terre. Trois travailleurs ont été blessés, parmi eux Gilmar Mauro, dirigeant du Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST). Le camapement- occupation Elizabeth Teixeira [du nom d’une dirigeante historique du mouvement paysan qui participa à Liga Camponesa de Sapé , dans l’Etat du Paraíba] se trouve dans le Jardin botanique du nom de Tatu, qui se trouve lui-même sur la commune de Limeira, près de Campinas, dans l’Etat de São Paulo.

Il est difficile d’affirmer que les policiers aient essayé de cibler les dirigeants du mouvement eux-mêmes, mais le fait reste que trois d’entre eux ont été blessés. Gilmar, à l’oreille, Ari Albuquerque au pied et Sebastião Albuquerque à la tête. Et il y a suspicion que la balle qui a atteint Ari ne soit pas de caoutchouc. «Nous avons trouvé des projectiles de balles réelles sur le campement», affirme José Batista de Oliveira, membre de la coordination nationale du MST.

Gilmar Mauro a presque perdu un morceau de l’oreille, mais celle-ci a déjà pu être recousue et il se porte bien. «Ce fut une violence au-delà du commun, une odeur pestilentielle nous est tout à coup arrivée dessus. Après cette première bombe de gaz, nous avons reculé en n’imaginant  pas qu’ils continueraient  à avancer. D’abord, j’ai reçu une balle de caoutchouc dans le ventre, mais elle ne m’a pas perforé. Puis, alors que je courais, j’ai senti une chaleur à l’oreille, et quand j’y ai mis ma main,  je me suis rendu compte que j’étais en train de saigner».

Guilmar raconte que même une fois blessé, il a d’abord été retenu sur son propre coin de campement avant d’être conduit jusqu’à la voiture de police sous les insultes et les moqueries. «Ils m’ont fait cavaler jusqu’à la voiture et, après un téléphone, ils ont renoncé à me conduire au poste.»

Les policiers se livrent à une action d’évacuation contre les 250 familles installées sur ce campement. Les soldats sont arrivés en saccageant deux baraques et ont refusé de négocier avec les sans-terre. Il y a eu une confrontation et la police a tiré contre les familles. Même contre un handicapé physique dans une chaise roulante. Des poules et des porcs ont également été massacrés.

Selon Cláudia Praxedes, dirigeante régionale du mouvement qui était également présente, il faut ajouter qu’en plus de ne pas avoir dialogué avec les sans-terre, les policiers ont aussi ignoré les prêtres ainsi que les représentants des conseils tutélaires et de la Pastorale de l’Enfance. «Après avoir commis leurs violences, ils ont refusé d’apporter du secours aux personnes qu’ils avaient blessées», raconte Cláudia. Gilmar ajoute que les policiers n’ont pas cessé de tirer même lorsque de nombreux enfants se sont mis à hurler.

La rétrocession du titre de propriété sur cette parcelle a été concédée à la préfecture de Limeira, qui n’est d’alleurs pas propriétaire de cette terre puisque la parcelle appartient à aux pouvoirs publics [à un ensemble de ministères qui forme le MPU]. L’Institut national de colonisation et de réforme Agraire (Incra) a déjà promis aux familles qu’il négocierait afin  que l’évacuation ne se produise pas. Mais les sans-terre imputent la responsabilité de toute cette situation aussi bien à l’Incra  et à la préfecture de Limeira qu’au gouverneur de São Paulo, José Serra (PSDB – Parti social-démocrate du Brésil, qui représente la droite).

Le Secrétariat à la Sécurité Publique de l’Etat de São Paulo a indiqué que l’action avait été coordonnée par les policiers militaires de la région de Limeira et non par la troupe de choc. Mais, selon le MST, c’est bien la troupe de choc qui est responsable de l’évacuation.

Cet après-midi, les 250 familles participent à une assemblée sur le campement Elizabeth Teixeira et attendent la venue du haut responsable de l’Incra à São Paulo, Raimundo Pereira, ainsi que de parlementaires de l’Etat et de la région de Limeira.

Bref historique

Le campement Elizabeth Teixeira a été installé le 21 avril de cette année. Le Jardin Botanique Tatu, qui autrefois appartenait à la défunte Rede Ferroviaria Federal [l’entreprise étatique brésilienne de transport ferroviaire qui a récemment été démantelée et découpée en huit monopoles régionaux privés] appartient aujourd’hui au MPU. Cependant la préfecture de Limeira, qui n’a jamais été propriétaire de cette parcelle, utilise certains locaux du Jardin Botanique afin d’y développer des activités qui dégradent l’environnement. A l’intérieur du parc, il y a une décharge qui,  installée dans des conditions inadéquates, souille la rivière déjà polluée traversant la ville de Limeira. Cette rivière, nommée Tatu, se jette dans le fleuve Piracicaba.

Les familles ont organisé dans l’après-midi du mercredi 28 novembre une manifestation publique dans  le campement pour affirmer leur volonté de résister et de rester sur cette terre. Par une prise de position officielle, celles-ci exigent que cette terre soit immédiatement destinée à la Réforme Agraire. Les familles installées ont déjà commencé à cultiver des légumes et divers produits sur place. Environ 200 membres du MST ont bloqué l’autoroute Anhanguera à la hauteur du km 315 à Ribeirão Preto/SP. L’action est menée en protestation contre l’évacuation violente qui se déroule à Limeira. Voilà le combat quotidien pour la réforme agraire. (Traduction A l’Encontre)

* Marcelo Netto Rodrigues et Eduardo Sales de Lima sont journalistes. Ils travaillent pour l’hebdomadaire Brasil do Fato. Leur article a été publié le 29.11.2007.

(5 décembre 2007)

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