Egypte
Le mouvement de grève continue malgré les «ordres» des militaires
«La montée et l’affirmation du mouvement ouvrier est la principale garantie pour la réussite des objectifs de la révolution»
Mouvement du renouveau socialiste
Nous publions ci-dessous la déclaration du Mouvement du renouveau socialiste, datant du 15 février 2011. Elle met en relief les véritables enjeux de la phase actuelle de la révolution démocratique en Egypte.
Diverses forces allant du Conseil suprême de l’armée au comité en charge d’amender la Constitution, en passant par différentes personnalités aptes, peut-être, à rallier un secteur social significatif (la démission précipitée de Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe, laisse augurer de sa volonté de se profiler au plus vite pour l’élection présidentielle), mettent l’accent sur une «transition contrôlée».
Il est aussi significatif que pour l’heure le Ministère des affaires étrangères de l’Egypte n’a pas réclamé le gel des avoirs du clan Moubarak, à la différence des demandes concernant un certain nombre de personnalités telles que le ministre du Tourisme (Zuheir Garana), le ministre haï de l’Intérieur (Habib al-Adly) ou le ministre de l’Habitat (Ahmed al-Maghraby).
La pertinence de la déclaration du Mouvement du renouveau socialiste peut être vérifiée par les affrontements politiques que suscite l’essor du mouvement de grèves (voir les articles publiés sur ce site). (Rédaction)
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La décision prise par Moubarak de quitter le pouvoir [le 11 février] deux jours après le déclenchement du mouvement de grèves n’est pas le fait du hasard. La décision prise par le gouvernement de retourner au plus vite à la vie normale a provoqué des résultats opposés.
En effet, alors que le gouvernement croyait que cette décision aurait comme conséquence l’isolement des manifestants et grévistes sur la place Tahrir, puis un rejet croissant par la majorité de la population de ceux qui poursuivaient la mobilisation – puisque ces derniers seraient devenus un obstacle à la stabilité et empêcheraient donc les gens de mener une vie normale –, c’est effectivement le contraire qui s’est passé : les travailleurs, force sociale principale, ont rejoint collectivement le mouvement de protestation. Une partie d’entre eux participaient jusqu’alors à titre personnel bien qu’ils défendissent les intérêts du groupe social auquel ils appartenaient.
Dans cette situation, le régime s’est retrouvé devant une alternative: ou bien le départ de Moubarak, ou bien l’explosion sociale : les grèves dispersées prendraient la forme d’une grève générale aboutissant à la paralysie de tout le pays.
Mais le départ du roi de la répression a ouvert la porte à toutes les catégories sociales et particulièrement à la classe ouvrière. Elles ont réclamé leurs droits qui avaient toujours été ignorés et revendiquaient le départ de tous les corrompus du régime.
Actuellement, une grande partie du peuple estime que le moment n’est pas adéquat pour faire grève et manifester, car cela empêche la roue économique de tourner; il faudrait plutôt se concentrer sur les problèmes liés à la démocratie et donner au nouveau gouvernement une chance afin qu’il réponde aux attentes des diverses fractions de la société.
Cette position néglige plusieurs réalités sans lesquelles il n’est pas possible d’établir la vérité.
• Premièrement. Si la participation massive des ouvriers et des employés a poussé en fait le dictateur à démissionner, il serait injuste de leur dénier le droit à faire valoir leurs revendications. D’autant plus que l’expérience dans d’autres pays a démontré que de ne pas battre le fer quand il est chaud peut devenir un obstacle à un changement d’ensemble que la majorité du peuple attend et qu’on pourrait résumer par la seule formule : la volonté d’avoir une vie digne.
• Deuxièmement. La situation dans laquelle vit la majorité de la classe ouvrière est tellement précaire, misérable, qu’il n’est pas imaginable de les convaincre d’attendre encore. Comment demander à un salarié qui touche 300 livres [env. 50 francs suisses] seulement par mois depuis quinze ans d’attendre encore ?
• Troisièmement. Le plus important, c’est que l’obtention des revendications et aspirations démocratiques du peuple ne peut guère se concrétiser sans l’engagement de la classe ouvrière.
Jusqu’ici, il faut avoir à l’esprit que la révolution n’a atteint qu’un seul objectif, celui de faire tomber le dictateur. Par contre, rien n’a été obtenu pour ce qui a trait à l’état d’urgence, le couvre-feu, la liberté de créer des partis politiques ou des syndicats indépendants ainsi que la suppression de la police politique comme de l’actuelle Constitution dans sa totalité et son remplacement par une autre Constitution qui garantisse la liberté et la justice sociale. Pendant ce temps, la majorité des responsables de l’ancien régime sont toujours en place bien qu’ils soient impliqués dans des abus de tout ordre, ce que tout le monde sait.
Par ailleurs, des désaccords ont commencé à s’exprimer parmi ceux qui ont participé à la révolution. Une partie d’entre eux demandent l’arrêt des mouvements revendicatifs, des grèves à ce stade en prétendant que les changements à venir se réaliseront par eux-mêmes. Cette vision des choses ignore que l’ancien régime se battra pour se maintenir en place et faire le maximum pour empêcher un changement quelconque. C’est ce que nous montre l’exemple de la Tunisie. Donc la mise en œuvre des buts de la révolution démocratique ne pourra pas aboutir sans que s’exerce une forte pression qui ne donnera des résultats qu’avec la participation massive de la force des travailleurs. Car ce sont eux qui détiennent le pouvoir d’intervenir directement sur la vie économique du pays. Ce sont aussi eux qui ont le plus grand intérêt à ce que la révolution apporte ses fruits, car cela leur donnera une chance de faire valoir leurs droits de manière incomparable par rapport à ce qui est aujourd’hui possible.
Pour conclure, la continuité de la mobilisation populaire, du mouvement de grève, son unification et sa politisation sont les seules réelles garanties pour un succès de la révolution démocratique. (Traduction de l’arabe par A l’Encontre)
(17 février 2011)
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