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Témoignage: Gare du Nord, mardi 27 mars à 18h15

Fatima

C’est l’heure à laquelle je suis arrivée hier à la Gare du Nord pour prendre un train vers la banlieue. Mais j’ai été détournée de mon itinéraire par la présence policière, CRS et policiers, une centaine au moins, qui assiégeait littéralement la gare du Nord, sur ses trois niveaux.

En face, plusieurs centaines de voyageurs dont une partie tentait vainement de poursuivre son trajet (lignes 4 et 5 fermées), une autre observait et d’autres protestaient contre la présence policière et ce qui s’était produit à 16 h. D’après des témoignages de voyageurs, jeunes et moins jeunes, que j’ai pu entendre, un jeune homme noir âgé de 14 à 16 ans, s’est fait passer à tabac par des policiers parce qu’il n’avait pas de ticket.

Des voyageurs se seraient interposés en demandant à la police de cesser de frapper l’adolescent et en proposant de payer l’amende. La police aurait répondu en envoyant du gaz lacrymogène sur la foule.

Des jeunes qui avaient assisté à la scène auraient alors réagi à leur tour en cassant du matériel. Le jeune voyageur a été arrêté et aurait été blessé. Lorsque je suis arrivée à la gare du Nord, deux heures plus tard, j’ai vraiment eu le sentiment d’être dans un climat insurrectionnel tant la présence policière par son importance dégageait de violence. J’ai vu les jeunes casser un photomaton, des vitrines publicitaires, des distributeurs mais pas d’interpellations. Je les ai découvertes à la télévision et j’ai compris là à quoi servaient les bergers allemands avec lesquels les CRS arpentaient les couloirs de la gare de manière extrêmement menaçante. Ils ont lancé des bombes lacrymogènes à plusieurs reprises aux différents niveaux de la gare contre les personnes qui demandaient la libération du jeune.

Les jeunes et les personnes présent·e·s ont crié des slogans «police partout, justice nulle part» ou «Sarkozy,fils de pute». ça faisait très plaisir . La lassitude des gens et le raz le bol des jeunes étaient très perceptibles. Sentiment aussi qu’il suffit désormais d’un rien (ce qui n’était évidemment pas le cas ce jour à la gare du Nord puisqu’une personne a été passée à tabac ) pour que ça explose. Frappée aussi par l’absence de peur de ces jeunes de se frotter à la police et d’aller aux charbons. Intrigué par l’attitude de la police qui, me semble-t-il, aurait pu calmer le jeu en se retirant au lieu de quoi elle s’est déployée de façon pléthorique, violente et imposante. Même s’il s’agit d’un coup monté par les ennemis politiques de Sarkozy, il n’empêche que la situation sociale catastrophique contenue par des dispositifs sécuritaires pousse à ce type d’événements. Lorsque je suis arrivée à 18h, de nombreuses télés, radios et photographes étaient présents. Pourtant, j’ai entendu sur I-Tv et France intox pardon France Info, «que l’interpellation d’un jeune sans ticket aurait provoqué des incidents à la gare du Nord». Je ne sais pas ce qui s’est dit ailleurs.

Mais vu qu’aucun média n’était présent au moment du passage à tabac (qui a donc déclenché ces réactions), j’imagine que nous avons entendu, eux et moi, les mêmes témoignages.

On a d’ailleurs senti avec Khaled (journaliste) une certaine animosité vis à vis des médias et en même temps les jeunes n’ont pas hésité, pour certains, à se mettre en scène devant les caméras. Ce qui finalement montre à quel point les médias ne sont pas pris au sérieux par toute une catégorie de la population. Ça faisait en tout cas chaud au cœur d’apprendre que des gens (je ne sais pas dans quelle proportion) se sont opposés aux forces de l’ordre et plus largement à cette politique de la peur qui vise à réduire chacun au silence.

(29 mars 2007)

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