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La grève, les médias: petit exercice comparatif

Rédaction A l’Encontre

Il est évident que les grévistes sont des «excités». Du moins,selon Jean-Noël Cuénod, correspondant à Paris de 24 heures et Tribune de Genève (21.11. 2007). Libération du 21 novembre, en introduction à un entretien accordé par François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, écrit «“Chérèque trahison!”. “Chérèque-Sakozy”, même combat !”. “Oui à l’unité, non à la collaboration !”. Hier, dans le cortège parisien, François Chérèque, leader de la CFDT, a été conspué.».

Le correspondant de  24 Heures souligne, lui, que le dirigeant de la CFDT a été hué «et même pris à partie en plein cortège dit “unitaire”, [ce] qui ne relève pas de la péripétie, mais qui trahit, au contraire un profond malaise.

Pour Jean-Noël Cuénod, le décryptage du «malaise» est simple. Après avoir écrit que Chérèque «est conspué, bien plus que Sarkozy» et avoir reproduit trois slogans – “Chérèque collaboration”, “Chérèque démission” et “Chérèque traître” – il propose la source du «malaise»: «Un cordon tenu par des membres de la CFDT le protège des irascibles qui, d’après leur badges, appartiennent à Sud-Rail et à la CGT-Cheminots (de tendance “gros rouge qui tache”, d’après l’haleine de certains.» Et pour ne pas laisser planer le doute sur le souffle de la mobilisation, Cuénod rajoute: «D’autant plus qu’une partie des plus excités arboraient des badges de la CGT, le principal syndicat… Ce malaise est également perceptible dans les conversations à mi-voix [Cuénod est toujours très proche des syndicalistes qu’il inspecte] de certains militants de la CFDT durant le cortège parisien d’hier. Les pressions qu’exercent les “gros bras” de la CGT-Cheminots et de Sud-Rail sur les autres travailleurs des transports pour continuer la grève ne sont pas que propagande sarkozyste.» Encore moins si c’est Cuénod qui l’affirme.

Lui qui sait combien la Croix Bleue est révérée dans les rédactions de la presse helvétique. «Gros bras», «alcooliques» et «excité», voilà des termes qui ont toujours fait florès dans le discours patronal…

La grève en France peut susciter d’autres réflexions. Ainsi l’éditorialiste, Mark Steel, du quotidien The Independent (21 novembre 2007) souligne, avec ironie, que les grèves en France ont un tel effet, que de nombreux journalistes et commentateurs écrivent sur le ton:«Dans une économie moderne et mondialisée, le militantisme passéiste n’a pas de pouvoir. C’est ce que ces conducteurs de train doivent réaliser au moment où ils paralysent tout le pays et que leurs syndicats impuissants provoquent le naufrage de l’économie, non seulement celle de la France, mais celle de toute l’Europe et au-delà. Et maintenant, un tas d’autres travailleurs entrent aussi en grève ! N’ont-ils pas lu mon livre qui dit que cela ne peut plus se produire ?»

Puis Mark Steel indique que les arguments contre la grève sont vraiment éculés, car ils s’appuient: «sur l'idée que les grévistes défendent leurs privilèges, tel que le droit à la retraite après 30 ans de travail, ce qui ne peut plus être offert. Ainsi un exposé économique soutenant le gouvernement français affirmerait: “Une chose était d’avoir droit à de telles retraites dans les années 1960, quand on était beaucoup plus pauvre ; par contre, aujourd’hui, la société est beaucoup plus riche, ces retraites [privilèges] doivent être réduites. Parce que, comme chacun le sait, plus riche vous êtes et moins vous pouvez vous offrir quelque chose”. Et Steel de continuer:«Il est bien connu que lorsque la charrue a été inventée, tous les paysans se sont réunis et ont affirmé:“Cette petite merveille va faire le travail en moitié moins de temps. Et cela est extraordinnaire, car il en découle que, maintenant, nous tous devrons travailler cinq heures de plus chaque jour !”

Mark Steel poursuit de la sorte. Selon l’argument visant à liquider les «privilèges», il devrait en aller ainsi: «Probablement que le Français devrait ressembler beaucoup plus au Britanniques, parce que nous avons été assez visionnaires pour avoir un système de retraite bien pire et un temps de travail hebdomadaire de 2,63 heures de plus qu’en France. Ce qui nous place évidemment dans une position bien meilleure. Mais, toutefois, nous restons à la traîne des économies vraiment modernes, comme celle de la Birmanie, où là il n'y a pas de retraites et où les gens travaillent nuit et jour…»

Et de poursuivre: «…à voir combien le nouveau gouvernement est déterminé à éradiquer cette culture des privilèges immérités, on se dit que Nicolas Sarkozy est forcément au courant de ceux qui figurent au premier rang de la liste des Français les plus riches. Le premier de la liste suscite une surprise. Comme vous l’auriez imaginé, cette place aurait dû être occupée par un conducteur de train barbu de Lille, mais il s’avère que c'est Bernard Arnault, le PdG de Christian Dior [et donc le patron du groupe de luxe LVMH] dont le patrimoine personne est évalué à 21,5 milliards de dollars. Il doit être membre d’un syndicat vraiment passéiste.»

Peut-être que cette approche… met trop de questions sur la table pour être reprise par une presse qui se dit «bonne pour la tête», cela va de soi. (Réd)

(22 novembre 2007)

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