Appel

 

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Rosarno, Italie, Monde.
Soutien à la grève des migrants le 1er mars en Italie

 

Nous sommes des citoyens italiens résidents en France et des citoyens français en rapport avec l’Italie pour des raisons professionnelles. C’est pour cette raison que, face aux événements survenus a Rosarno, nous exprimons notre indignation (voir sur ce site l’article en date du 8 janvier 2010 et le texte distribué à Fribourg – Suisse – lors d'une action de solidarité devant la Coop le 14 janvier 2010).

Les immigrés de Rosarno, comme tous les migrants du monde, représentent une véritable expérimentation biopolitique pour les pouvoirs. Entassés dans des conditions épouvantables, exploités au travail, ils sont honteusement expulsés vers des destinations mystérieuses. À ces trois phases, ordinaires dans la vie d’un immigré, s’en ajoute souvent une quatrième, particulièrement dans la période récente. Les migrants sont l’objet d’une véritable chasse à l’homme: repérés, suivis, traqués, roués de coups, et finalement assassinés ou expulsés.

C’est ce qui se passe dans bien des endroits, de l’Espagne à la frontière mexicaine; c’est ce qui est arrivé, de nouveau, à Rosarno.

Pendant plusieurs jours, les habitants de cette petite ville de Calabre ont poursuivi, terrorisé, traqué, chassé à coups de fusil les travailleurs immigrés. La réaction du pouvoir d’État a été la même que d’habitude: pour apaiser les esprits des «braves gens», on a mis en œuvre le nettoyage ethnique en déportant les migrants.

L’histoire ici bégaye, et rejoue d’autres scènes, lorsque les victimes étaient justement les Italiens, dans les mines belges, dans les campagnes aux Etats Unis ou dans les salines françaises. [Voir le livre de Gérard Noiriel, Le massacre des italiens (Fayard, 2010) qui vient d’être publié sur les événements d’Aigues Mortes en 1893.]

Il nous faut dénoncer sans détour ces quatre phases, qui sont inextricablement liées. Pour le dire en termes plus clairs: cela n’a pas de sens de se dire indigné par la «chasse au nègre» si l’on n’affirme pas en même temps le principe de la régularisation des travailleurs immigrés; cela n’a pas de sens de s’apitoyer sur les conditions de vie des migrants si on ne s’oppose pas à l’exploitation qu’ils subissent en tant que travailleurs les plus fragiles, les plus précaires, et les moins protégés.

La plupart d’entre nous travaillent dans le monde de l’éducation. Il nous est impossible de ne pas relier ces événements tragiques à l’effacement de la mémoire historique. Les Italiens, «braves gens», démocrates, ont chassé de leurs souvenirs les aventures sanguinaires de la colonisation; et les enfants du «boom» économique ont tout fait pour oublier leur passé de «Hobos», de Macaronìs, de Degos avec la valise en carton.

Il ne nous est pas non plus possible de ne pas faire le lien entre ces explosions racistes et la question de l’éducation et des savoirs. Précisément pendant les jours qui ont vu se dérouler ces événements en Calabre, le ministre de l’éducation Gelmini prétendait limiter à 30% le taux d’élèves étrangers admis dans les classes italiennes. Proposition insensée et irresponsable, dont l’unique but propagandiste est de renforcer encore le sentiment d’insécurité et de peur. Cela s’appelle, chez nous, en France, débat sur l’identité nationale, «nettoyage» de la «jungle» de Calais, déploiement des centres de rétention, passage en force au régime de la loi LRU [loi sur l’autonomie des universités, loi Pécresse], car «Gelmini» [ministre de l’éducation en Italie] est aussi le nom italien d’un projet de réforme – non moins discriminant – qui partout en Europe vise à la destruction de l’université publique, conformément aux instructions du «processus de Bologne».

Il y a du racisme partout où il y a de l’ignorance. Et c’est aussi pour cela qu’en tant qu’enseignants – et pas seulement – menacés par les réformes en cours, nous sommes concernés par ce qui s’est passé à Rosarno.

Les migrants de Rosarno, avant d’être bannis, se sont révoltés. Que faire face à cet acte de résistance ?

Ne pas y prêter attention, signifierait s’enfoncer encore davantage dans l’intolérable, dans la bassesse, dans la vulgarité que secrètent nos démocraties-pour-le-marché. Y prêter attention cela ne signifie pas pourtant vouloir «aider» les migrants. Les migrants se sont aidés tout seuls. Ce sont eux qui nous réapprennent à dire non. Ils ne nous indiquent aucune voie, sinon celle de l’émancipation. Ils n’ont rien demandé, ils ont seulement exigé.

Reprendre et poursuivre leur geste signifie donc avant tout combattre l’exploitation. Se rebeller non pas contre l’esclavage en général, mais concrètement contre les injustices générées par le capitalisme, contre les tensions qu’un système convulsé par une crise qui lui est consubstantielle, reproduira avec toujours plus de violence.

Nous qui vivons et travaillons en France, nous nous associons à la journée de grève des migrants appelée pour le premier mars en Italie, en espérant qu’il s’agisse du premier acte qui mènera à une grève générale européenne de «tous» les travailleurs (migrants ou non, avec ou sans papiers) contre l’exploitation et contre le racisme, sa conséquence directe. Il y a urgence: il s’agit d’inventer, contre le faux et répugnant «universel» qu’incarne le capital, la pratique d’un nouveau sens du commun, avec les sans voix, des sans voix, de Rosarno au monde entier.

Signer la pétition en ligne

Premiers signataires:
Saverio Ansaldi, Université Montpellier 3
Carlo Arcuri, Université d’Amiens
Etienne Balibar, Université Paris X
Michèle Bompard-Porte, Université de Bretagne Occidentale
François Bouchard, Université de Tours
Marina Caruso
Leonardo Casalino, Université Grenoble III
Collectif Univers.Cité Lille 3
Alina Curioni
Marta Di Nuccio
Anne François
Christian Hartmann
Costanza Jori, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle
Frank La Brasca, Université de Tours
Enrica Lippolis
Luigi Magri, directeur de cinéma, Tremblay-en-France
Jean-Paul Manganaro, Université Lille 3
Christophe Mileschi, Université Paris 10
Sandra Millot, professeur d’italien, Saint-Denis
Aldo Pardi, Université Lille 3
Giorgio Passerone, Université Lille 3
Veronica Riva
Anne-Marie Saint Marc
Jean-Claude Saint Marc
Luca Salza, Université Lille 3
Italo Stellon, INCA CGIL
Jean-Marie Straub, réalisateur
Cristina Terrile, Université de Tours
André Tosel, Université de Nice
Jean-Charles Vegliante, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle

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