Palestine

Ismaïl Haniyeh (gauche) et Mahmoud Abbas (droite) lors de négociations, en 2007

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Contraintes et négociations

Abir Taleb

Les négociations qui se déroulent actuellement en Egypte entre l’OLP, le Hamas et d’autres forces palestiniennes sont placées sous une triple contrainte.

La première a trait au projet – qui est d’ailleurs mis en pratique sous une forme permanente, mais avec des rythmes différents – que le mouvement Peace Now (La Paix maintenant) a rendu public: le Ministère du logement de l’Etat hébreu prévoit de construire plus de 73’000 nouveaux appartements et unités de peuplement sur le territoire palestinien sous occupation. S’il était appliqué, ce plan – détaillé dans un rapport – impliquerait un doublement de la colonisation, tant par le nombre d’appartements qu’en termes de démographie coloniale. Or, cette population de «colons» compte déjà plus d’un demi-million de personnes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Il est plus que probable qu’un écart existe entre le flux migratoire (arrivée en Israël) et ces projets d’extension de la colonisation. Mais la question n’est pas quantitative. Elle exprime le contenu des politiques des gouvernants d’Israël. Pour preuve: diverses études indiquent que le taux de vacance des appartements dans diverses «implantations», en Cisjordanie, est à hauteur de 15% à 20%.

La seconde contrainte renvoie aux conditions de l’aide «internationale». Cette dernière vise, en priorité, a renforcé le poids de l’institution  – ladite Autorité Palestinienne (AP) – dirigée par Mahmoud Abbass (Abou Mazen) qui a pris la succession d’ Arafat en janvier 2005. Ce dernier n’est plus formellement président de l’AP depuis le début janvier 2009. L’AP a fait la démonstration, avec ses services de sécurité, qu’elle était prête, d’une part, à maintenir l’ordre face à toute résistance active de secteurs de la population palestinienne (y compris avec l’aide des services israéliens) et, d’autre part, qu’elle accepterait une «autonomie palestinienne» dont la forme et le contenu feraient concurrence au système des homelands mis en place par le régime d’apartheid en Afrique du Sud.

La troisième est celle exercée conjointement par les régimes arabes réactionnaires et les puissances impérialistes qui conditionnent «une aide à la reconstruction» à la «poursuite d’un processus de paix», dont le résultat n’est autre que celui que l’on connaît depuis des années.

L’Egypte de Moubarak – dont le régime répressif n’est plus à démontrer – joue le rôle de médiateur, au moment où la crise sociale et économique est de plus en plus profonde et ronge le pays. Si, l’Egypte était proposée comme «force d’interposition», son rôle consisterait a soutenir et légitimer l’AP de Mahmoud Abbass.

Nous publions, ici, une analyse des «négociations» en cours entre les différents courants représentés  en Egypte. On y trouve l’opinion exprimée par un journaliste d’Al Ahram, hebdomadaire égyptien s’inscrivant dans une certaine continuité avec le nassérisme. (Réd.)

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Les cinq groupes de travail mis en place le 26 février 2009 pour traiter des principaux sujets de désaccords entre le Fatah et le Hamas poursuivent toujours leurs discussions au Caire. Les cinq commissions qui travaillent à huis clos, sous le patronage de l’Egypte, portent sur la création d’un gouvernement d’entente, la réconciliation, la refonte des services de sécurité, la réorganisation de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et la préparation des élections présidentielles et législatives. Elles devraient soumettre les résultats de leurs discussions à l’arbitrage d’un comité directeur qui inclurait des responsables égyptiens. Elles doivent aboutir d’ici le 22 mars 2009, date prévue selon plusieurs négociateurs palestiniens au Caire pour la conclusion d’un document final sur cette réconciliation.

Des discussions qui traînent en longueur, malgré l’échéance de la fin du mois au maximum, sont le signe d’un climat relativement tendu et de négociations difficiles. En effet, on assiste tantôt à la naissance d’un brin d’espoir, tantôt à la disparition de cet espoir. Car les divergences sont profondes. Et touchent à de nombreuses questions épineuses. Pour l’heure, les progrès enregistrés concernent la réconciliation et les élections. «Mais des divergences subsistent sur la composition et le programme d’un gouvernement d’entente nationale», a dit lundi à l’AFP (Agence France Presse) Abdel-Rahim Mellouh, membre de l’exécutif de l’OLP.

Pour ce qui est des points d’accords, plusieurs participants, dont le député indépendant Moustapha Barghouthi, ont fait part de la conclusion d’un accord dimanche soir [15 mars] sur la tenue des législatives et de la présidentielle avant fin janvier 2010. Selon Wassil Abou-Youssef, secrétaire général du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) – dont les propos ont été repris par l’agence égyptienne Mena – les délégués ont fixé le 25 janvier 2010 comme date butoir. Le Hamas refuse jusqu’ici la tenue de nouvelles législatives avant la fin du mandat du Parlement actuel, qu’il domine, en janvier 2010. Il exige en revanche un scrutin présidentiel, faisant valoir que le mandat de M. Abbass à la tête de l’Autorité palestinienne s’achevait normalement le 8 janvier 2009, ce que le Fatah conteste.

En revanche, les divergences portent, selon M. Mellouh, sur les engagements que devrait prendre le gouvernement pour s’ouvrir à la communauté internationale et sur la composition du gouvernement. Deux questions de grande importance. Le Hamas est appelé dans ce contexte à reconnaître les accords conclus par l’OLP, qui a accepté la création d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat hébreu et a renoncé à la violence, en vue de sa participation à un gouvernement d’entente nationale.

Un tel engagement, exigé également par la communauté internationale, notamment les Etats-Unis et l’Europe, signifierait une reconnaissance, bien qu’indirecte, d’Israël par le Hamas. Le Fatah insiste pour que son rival islamiste «se conforme aux» accords déjà conclus avec Israël, mais le Hamas refuse de s’engager sur ce point. Ce dernier a proposé de modifier la formulation, en employant le verbe «respecter» au lieu de «se conformer à». Mais cette proposition ne satisfait ni les Etats-Unis, ni Israël, ni leurs alliés occidentaux. A cet effet, le porte-parole du mouvement islamiste palestinien, Fawzi Barhoum, a déclaré : «Le Fatah doit tirer les conclusions de plusieurs années de négociations avec Israël au cours desquelles ce mouvement a appliqué à la lettre ses engagements sans contrepartie de la part de l’Etat hébreu».

Divergences sur le gouvernement

Outre cette question essentielle non seulement pour la réconciliation nationale, mais aussi pour le conflit israélo-palestinien, les rivaux palestiniens sont aussi en désaccord sur la question cruciale de la formation d’un futur gouvernement d’entente nationale qui serait chargé notamment de préparer ces scrutins.

Les deux parties ne s’accordent pas pour décider si le futur gouvernement doit être composé de représentants des divers groupes politiques ou de technocrates non partisans, comme le souhaitent l’Egypte et les pays occidentaux. Ils ne sont pas parvenus non plus à s’entendre sur une loi électorale, que ce soit sur le mode de scrutin ou les circonscriptions, ont déclaré Abou-Youssef et Walid Al-Aouad, représentant du Parti communiste palestinien.

Walid Al-Aouad, représentant du Parti Communiste palestinien, a précisé que le PC palestinien avait suggéré un compromis selon lequel le futur premier ministre et six ministres, ceux des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de l’Information, de l’Education, de la Reconstruction de Gaza et des Finances reviendraient à des personnalités indépendantes. Les autres seraient attribués en fonction de critères politiques.

Or, les deux questions semblent étroitement liées. «Le problème est le programme du gouvernement», a dit le porte-parole du mouvement islamiste (Hamas) Fawzi Barhoum. Le Fatah a demandé au Hamas, en vue de sa participation au gouvernement, de «s’engager à reconnaître les accords conclus» par l’OLP, qui a accepté la création d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat hébreu et renoncé à la violence. «Nous devons former un gouvernement palestinien qui n’a rien à voir avec les conditions des Etats-Unis ou d’Israël», a dit M. Barhoum qui a réitéré le refus de son mouvement de s’engager à respecter les accords passés avec Israël par les gouvernements dirigés par le Fatah et par l’OLP. Tout en ajoutant : «Pourquoi devons-nous former un gouvernement sur la base des critères dictés par les Etats-Unis et Israël ?»

(19 mars 2009)

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