| Racisme Claude Guéant 
 
  
                
                 Immigration et Islam:
                  retour sur quelques ignominies Olivier Le Cour
                  Grandmaison * «Le mensonge moderne
                  (…) est fabriqué en masse et s'adresse à la masse. (…) Aussi,
                  si rien n'est plus raffiné que la technique de la propagande
                  moderne, rien n'est plus grossier que le contenu de ses assertions
                  qui révèlent un mépris absolu et total de la vérité.» A. Koyré in Réflexions sur le mensonge (1943, réédité
                  par Editions Allia, 1996).  Pendant que son maître
                  [Sarkozy] s'active sur la scène internationale pour porter «haut
                  les couleurs de la France», le vibrionnant ministre de l'Intérieur
                  [Claude Guéant], cette éminence très grise passée de l'ombre à
                  la lumière selon l'expression consacrée, veille sur le pays, ses
                  frontières et sa sécurité intérieure. Au premier, la conduite de
                  «nos vaillantes armées combattant pour la liberté des peuples»,
                  comme le répète la propagande officielle, au second, la protection
                  de nos «concitoyens» et de leur «mode de vie.»  Multipliant déclarations
                  et déplacements sur le terrain, qui feraient presque passer Eric
                  Besson [ex-ministre de l’immigration et de l’identité nationale,
                  actuel ministre de l’industrie et de l’énergie] et Brice
                  Hortefeux [entre autres, ministre de l’immigration de 2007 à 2009,
                  de l’Intérieur de 2009 à 2011, proche conseiller de Sarkozy] pour
                  des amateurs velléitaires, Claude Guéant croit découvrir chaque
                  semaine un nouveau péril national qu'il entend combattre avec la
                  mâle fermeté qui sied à ses fonctions régaliennes. Que ne ferait-il pas pour
                  que la France, qu'il prétend incarner et défendre, «reste la
                  France ?» Peu après son entrée en fonction, il s'alarmait des
                  «vagues migratoires» en provenance du Maghreb, puis de la
                  générosité suspecte de celles et ceux qui sont en charge de la
                  procédure d'asile. Plus récemment encore, il confiait ses
                  inquiétudes face à l'augmentation considérable, selon lui, du
                  nombre de musulmans présents sur le territoire national. Entre «cinq
                  et six millions» soutenait-il avec l'air grave et entendu de
                  celui qui révèle un secret important ignoré jusque-là sans que
                  nul ne s'étonne de ces chiffres et de leur imprécision qui ne
                  laisse pas de surprendre dans la bouche d'un homme réputé tout
                  connaître de la place Beauvau [lieu de ministère de l’Intérieur]. Mais que font les
                  nombreux fonctionnaires des services ? 
                  Trois assertions,
                  trois mensonges ! Des centaines de milliers d'immigrés étaient
                  annoncés par les gouvernements italien et français toujours prompts
                  à exploiter le moindre fait divers pour satisfaire, par un prurit
                  xénophobe et sécuritaire, leur électorat respectif; 22’000
                  environ sont effectivement arrivés sur l'île de Lampedusa. Quant
                  aux demandeurs d'asile, le rapport d'activité de l'Office français
                  de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), rendu public il y
                  a quelques jours, révèle que le taux global d'admission, ayant
                  débouché sur l'octroi du statut de réfugié, a baissé de presque
                  2 points entre 2009 et 2010 pour s'établir à 27, 5% ce
                  qui représente 10’340 personnes pour cette dernière année. Invasion ? Charges
                  insupportables pour les finances publiques ? Menaces pour
                  l'emploi des Français ? Laxisme des fonctionnaires et des juges
                  de la Cour nationale du droit d'asile comme le laisse entendre le
                  ministre de l'Intérieur qui a commandé une étude sur le sujet ?
                  Tromperies de bonimenteur, bien plutôt, destinées à alimenter sans
                  fin le phantasme de «flux migratoires incontrôlés et massifs» ce
                  qui permettra de justifier l'adoption de nouvelles mesures
                  restrictives et, par la grâce de quelques opérations policières
                  médiatisées avec soin, de mettre en scène l'efficacité prétendue
                  du gouvernement.  Quant aux musulmans,
                  enfin, une enquête conjointe menée par l'Insee et l'Ined (Institut
                  national d’études démographiques) démontre qu'ils ne sont que
                  2,1 millions – voir Les Echos, 16 mars 2011 – ce
                  qui n'empêche pas une certaine presse, qui se croit encore
                  courageuse et indépendante, de relayer avec une servilité
                  remarquable le discours officiel. C'est ainsi que dans Le Figaro du 8 avril 2011, Ivan Rioufol, qui croit informer ses lecteurs
                  lors même qu'il se comporte comme un vulgaire propagandiste,
                  reproduit les contre-vérités de Claude Guéant en ignorant
                  superbement l'étude précitée. N'oublions pas le vaillant directeur
                  de L'Express, Christophe Barbier, qui, affublé de son
                  inévitable écharpe rouge, a cautionné par sa présence à la
                  tribune et ses propos ineptes le pseudo-débat organisé par l'UMP
                  sur la laïcité en déclarant qu'il était «bon en début de
                  campagne de poser des problèmes philosophiques.»  Si penser, c'est
                  distinguer, ce journaliste en vue est à l'évidence victime d'un
                  lourd sommeil dogmatique qui lui fait prendre des vessies pour des
                  lanternes, et des discours idéologiques convenus pour l'expression
                  de la vérité et de la sagesse. Chapeau bas devant une telle
                  confusion qui anéantirait les espoirs de tout candidat au
                  baccalauréat, mais dans le petit monde de Monsieur Barbier, où les
                  connivences politico-médiatiques tiennent lieu de principe, cela est
                  sans conséquence. Admirable ! Sur ce sujet, il
                  persévère dans la grossièreté intellectuelle et l'amalgame
                  racoleur puisqu'au mois d'octobre 2010 on pouvait lire en Une de L'Express le titre suivant: «L'Occident face à l'Islam.
                  Le retour de la menace terroriste. La poussée des fondamentalistes.
                  L'échec de l'intégration. Les forces politiques qui en profitent.» Subtil, n'est-il pas ?  A ceux qui se comportent
                  ainsi et violent les règles déontologiques élémentaires de leur
                  profession en s'épargnant la peine de vérifier la véracité des
                  propos tenus par certains dirigeants politiques, rappelons ces lignes
                  écrites il y a cinquante ans: «Journaliste, j'avais besoin de
                  croire (…) que la publicité n'est pas partout la reine, que le fin
                  du fin de la profession ne consiste pas à coller le masque de la
                  moralité sur des reportages immondes, que le dernier mot de notre
                  métier n'est pas de flatter la paresse du public et sa lubricité,
                  ni de lui fournir des images et des gros titres pour le dispenser de
                  lire le reste…» Qui est l'auteur de cette mise en garde
                  salutaire et toujours d'actualité, hélas ? Jean-Paul Sartre ?
                  Non, Claude Mauriac. Quel journal a publié l'article d'où cette
                  citation est extraite ? Un organe de la gauche «angélique» et
                  «irresponsable» comme l'écrivent quelques éditorialistes
                  aujourd'hui ? Erreur. Il s'agit du Figaro littéraire, le
                  30 septembre 1961.  Sur l'immigration, les
                  réfugiés et l'Islam, Claude Guéant, adepte de la tolérance zéro,
                  est un menteur multirécidiviste qui traite la réalité et les
                  rapports officiels d'institutions reconnues en vulgaires chiens
                  crevés cependant que se dévoile une méthode éprouvée de
                  gouvernement: mentir donc en faisant passer des propos hyperboliques
                  pour des déclarations informées et sérieuses. Pareil comportement
                  témoigne d'un mépris remarquable de la vérité et de données
                  statistiques pourtant établies par des spécialistes et, plus
                  fondamentalement, d'une corruption du débat public soutenue par le
                  désir de manipuler l'opinion en faisant croire que les immigrés et
                  les musulmans menacent l'identité et la stabilité nationales. De
                  là, ce «diagnostic»: «la panne de l'intégration» désormais répété comme une vérité première par une cohorte
                  hétéroclite de Diafoirus bavards qui croient ausculter la société
                  française. Piètres médecins mais vrais idéologues qui masquent
                  ainsi l'échec des politiques conduites en direction des quartiers
                  populaires en faisant porter la responsabilité des maux sociaux qui
                  les ravagent à celles et ceux qui sont victimes de discriminations
                  multiples, réitérées et graves. L'ethnicisation des
                  réalités observées et le recours quasi pavlovien à l'Islam comme
                  facteur d'explication prétendu sont au fondement de cette opération
                  au terme de laquelle les habitants de ces quartiers sont désignés
                  comme les nouvelles classes pauvres et dangereuses. L'objectif est
                  clair: nourrir sans cesse le sentiment d'insécurité et la peur
                  suscitée par ces «Autres» réputés incarner une étrangeté
                  absolue, et pour cela irréductible et menaçante.
                  Spéculer sur
                  ces deux affects afin de s'appuyer ensuite sur une réalité
                  subjective et collective qui, pour être sans rapport avec les
                  phénomènes constatés, permettra au ministre de l'Intérieur, au
                  gouvernement et aux dirigeants de l'UMP (Union pour un mouvement
                  populaire) d'affirmer qu'ils sont à l'écoute des Français; tel est
                  donc la stratégie arrêtée. C'est ainsi que le plus
                  idéologique passe alors pour le plus objectif car les dirigeants
                  politiques qui agissent de la sorte entretiennent constamment la
                  confusion entre la perception de certaines réalités, en partie
                  forgée par eux et quelques journalistes, et les réalités
                  elles-mêmes. En ces matières, Claude
                  Guéant est un orfèvre habile et sans scrupule qui use de procédés
                  rhétoriques et démagogiques identiques à ceux employés depuis
                  fort longtemps par les Le Pen père et fille. Pour conserver le
                  pouvoir, le parti majoritaire est prêt à tout; chaque jour les
                  fidèles de Nicolas Sarkozy en apportent les preuves tangibles et
                  multipliées. Le printemps semble léger
                  et doux, mais le fond de l'air est sinistrement lourd.   ***** P.S Citons encore Ivan
                  Rioufol qui distille régulièrement ses obsessions xénophobes et
                  islamophobes. Dans Le Figaro du 10 décembre 2010,
                  il écrivait: «La démission de la République se mesure, en
                  l'occurrence, à son incapacité à s'opposer à ce qui ressemble
                  pourtant de plus en plus, ici et là, à une contre-colonisation
                  d'une partie de ses territoires perdus.»  * Cet article a été publié sur le site de l’auteur. (20 avril 2011) Haut de pageRetour
 
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