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Robert Zoellick

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Robert Zoellick à la Banque Mondiale

 

Nous publions ci-dessous la prise de position du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM) ayant trait à la nomination de Robert Zoellick à la direction de la Banque Mondiale. Nous y ajoutons le «billet d’humeur» de Jacques Cossart du Conseil scientifique d’Attac France. (réd.)

 I.

 Le CADTM juge grotesque le remplacement de Wolfowitz par Zoellick et exige l’abolition de la Banque mondiale

Paul Wolfowitz, contraint de démissionner après avoir violé les règles internes de la Banque mondiale, sera très probablement remplacé à la tête de l’institution par le candidat de George.W.Bush, Robert Zoellick. Ce dernier fut successivement chef du cabinet de George Bush père au début des années 1990, secrétaire au commerce extérieur au début des années 2000 et le numéro deux du département d’Etat, au côté de Condolezza Rice, entre janvier 2005 et juin 2006. Depuis cette date, il travaillait à la banque d’affaires Goldman Sachs.

Le CADTM s’insurge contre cette nomination pour deux raisons majeures.

La première est que le président de la Banque mondiale sera une fois de plus un ressortissant des Etats-Unis sélectionné selon le bon vouloir du président des Etats-Unis. La règle tacite en vertu de laquelle le président de la Banque mondiale doit être un citoyen états-unien, décriée par tant de mouvements sociaux et de personnalités dans le monde, sera donc appliquée une fois de plus, en totale contradiction avec les règles élémentaires de gouvernance et de démocratie. L’influence des Etats-Unis sur la Banque mondiale ne s’arrête pas là puisqu’ils disposent d’un droit de veto de fait sur toutes les grandes décisions de l’organisation.

La deuxième raison découle de la première: la Banque mondiale n’est qu’un instrument au service de la politique extérieure des Etats-Unis et des intérêts des multinationales américaines. Il ne faut pas compter sur la présidence de Zoellick pour espérer un changement d’orientation. Fervent défenseur du libre-échange, il a représenté les intérêts du gouvernement américain dans les négociations pour une dérégulation forcenée au sein de l’OMC, aujourd’hui dans l’impasse, et fut l’un des artisans du traité de libre-échange nord américain (ALENA), signé en 1994 et qui impose l’ouverture totale des frontières pour le commerce entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, ouvrant surtout le marché mexicain aux marchandises états-uniennes fortement subventionnées. Enfin, le dogmatisme de Zoellick est tel qu’il affirmait, au lendemain des attentats de septembre 2001, que la lutte contre le terrorisme passait par la libéralisation du commerce international. Avec un tel président, il ne fait aucun doute que la Banque mondiale poursuivra les politiques néolibérales violemment génératrices de pauvreté qu’elle applique depuis plusieurs décennies.

La nomination de Robert Zoellick à la tête de la Banque mondiale est un argument supplémentaire pour le CADTM de réclamer l’abolition de cette institution incapable de changer sa vision du développement qui repose inlassablement sur l’ouverture des marchés. Le moment est venu de rompre avec cette idéologie néolibérale en remplaçant la Banque mondiale dans le cadre d’une nouvelle architecture institutionnelle internationale. Un Fonds mondial du développement pourrait être créé dans le cadre des Nations Unies et relié à des banques régionales du développement du Sud. Le projet de Banque du Sud regroupant plusieurs pays d’Amérique latine est une avancée dans ce sens à condition que son fonctionnement se distingue radicalement de celui de la Banque mondiale.

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II.

La mythologie grecque a fourni, avec deux femmes Charybde et Scylla, le symbole d’un enchaînement inextricable et meurtrier. Echapper à l’une signifiait un destin pire encore !

La mythologie états-unienne fournira-t-elle, avec Wolfowitz et Zoellick, un nouveau symbole de la malignité des dieux ?  A ceci près que, ici, les dieux sont bien humains, si l’on ose dire, et qu’ils s’appellent Bush et son équipe d’idéologues.

Ainsi donc, à la barbe de la terre entière et au mépris des pays du Sud, Monsieur Bush annonce du haut de sa tribune présidentielle que c’est son ancien apparatchik au commerce qui prendra en main la Banque Mondiale. Pourquoi se gênerait-il davantage qu’il y a tout juste deux ans quand il décida, sans même consulter les chambres de son pays, et moins encore évidemment, qui que ce soit dans le monde, de nommer Paul Wolfowitz ? Il n’essuya alors aucune remontrance sérieuse de la part des dirigeants de la planète.

Par contre toutes les ONG du monde entier qui suivent ces questions, protestèrent vigoureusement ; aucun gouvernement ne se saisit de ce mouvement pour dénoncer l’inqualifiable.

Bien avant les personnalités des impétrants, le sortant comme l’entrant, c’est la procédure elle-même qui est insultante et mortifère. Les Etats-Unis, ou plutôt son chef seul, annoncent à la face du monde que le chef de la Banque Mondiale sera X ou Y !  L’avis des près de deux cents Etats membres de l’institution ? Vous n’y pensez pas ! Depuis Bretton Woods, ce sont les Etats-Unis qui nomment le président de la Banque, l’Europe se réservant la désignation du directeur général du Fonds. Pourquoi changerait-on une mécanique si parfaitement huilée. D’ailleurs existerait-il la moindre velléité à cet égard que les Etats-Unis useraient, immédiatement, du droit de veto dont ils disposent de facto

Tel est bien, en effet le vice fondamental de ces institutions, leur politique est décidée, officiellement, en fonction des contributions financières des Etats –on imagine le poids du Sud- et en réalité, tous les matins lors de la rencontre entre le haut commandement des institutions financières internationales (IFI) et celui du Trésor états-unien.

Il faut, de toute urgence, changer radicalement ce mode de fonctionnement et, plus généralement intégrer, de facto puisqu’elles le sont déjà de jure les IFI au sein de l’ONU, elle-même devant subir une réforme radicale.

Un mot, toutefois, de la personnalité du nouveau promu, parfaitement secondaire au demeurant eu égard à l’objectif essentiel, mais qui mérite, pour le fun comme on dit à Washington, quand même quelques lignes. On pourrait d’ailleurs demander à Pascal Lamy, son ami personnel, son appréciation à propos de l’avocat Robert Zoellick !

Au plan idéologique, même si on va chercher à nous vendre ses talents de négociateurs, il fait partie, depuis longtemps, des cercles qui ont forgé le cadre de la pensée philosophique et économique de George. W.Bush. Il serait, murmure-t-on, moins dogmatique que Wolfowitz ! Apprendra-t-on aussi que, à la différence de son prédécesseur, il ne se gomine pas les cheveux avec sa salive ?

Pour montrer tout le prix que Robert Zoellick attache à la régulation publique - n’oublions pas qu’il était le représentant des Etats-Unis auprès de l’OMC pendant que Pascal Lamy était celui de l’Union Européenne - on ne peut pas mieux illustrer cet «engagement» qu’en reproduisant un passage du livre que publie Attac ce mois de juin 2007, Le G8 illégitime. «Notre homme a fait son idée, depuis longtemps, sur ce «machin» qu’est l’OMC, aux relents quand même quelque peu multilatéraliste ; pourquoi donc s’embarrasser à discuter ? Très décontracté, voilà ce que déclarait, lors d’une conférence de presse du 1er octobre 2002 ce responsable du commerce états-unien, sans complexe: ‘Notre idée est de négocier un ensemble d'accords commerciaux qui se renforcent les uns les autres du fait que les succès obtenus dans l'un puissent se transformer en progrès ailleurs. En opérant sur plusieurs fronts à la fois, cela nous permet de créer une libéralisation compétitive à l'intérieur d'un réseau dont les États-Unis occuperaient le centre’».

Gageons que cette ouverture d’esprit acquis aux vertus des intérêts des peuples et des négociations multilatérales fera merveille au sein de la Banque Mondiale !

Veillons, cependant, nous les milliards d’êtres humains, à ce que, à force de discréditer cette institution, le Président Bush, avant de partir, ne parvienne définitivement à jeter la Banque elle-même avec l’eau de la régulation publique internationale.

(1er juin 2007)

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