Bolivie

La grève générale s'étend

Le 15 octobre 2003, le soulèvement populaire bolivien continuait. Les habitants des quartiers pauvres, qui se trouvent accrochés sur les flancs de l'immense cuvette dans laquelle se loge La Paz, ont à nouveau marché vers le centre. Des secteurs des classes moyennes ont rejoint la rébellion. De même, des milliers de paysans et de travailleurs, à pied, après une longue marche, rejoignent la ville de La Paz. Tous demandent la démission du président Gonzalo Sanchez de Lozada.

Une grève complète paralyse la capitale. C'est une immense protestation contre les massacres. Les morts sont enterrés. En fin de matinée, il n'y avait pas un soldat à l'horizon.

Dans la ville de El Alto, à 4000 mètres d'altitude - 400 de plus que La Paz - la grève est aussi complète. Mais la situation est différente de celle de La Paz. Depuis lundi 13 octobre a surgi un pouvoir communal, un contre-pouvoir formé par des délégués de quartiers.

Dans les zones les plus pauvres de El Alto, qui réunissent plusieurs centaines de milliers d'habitants, personne n'entre ou ne sort sans l'autorisation des comités de quartier ("comités de voisins"). Ces comités servent aussi bien à l'autodéfense qu'à organiser une marche sur La Paz, si nécessaire, où à s'occuper des blessés, des enfants, etc. Comme l'écrit un journaliste: "C'est un autre Etat, avec ses propres normes et ses propres rêves." Ont commencé à arriver à El Alto des paysans de Achacachi. El Alto rassemblent des dizaines de milliers d'émigrants venant de la campagne.

Dans tous les quartiers pauvres de La Paz apparaissent aussi des formes de contrôle populaire. Elles s'articulent autour de la COB (Centrale ouvrière bolivienne).

Depuis Oruro jusqu'à Potosi, dans toute la région occidentale de la Bolivie, les paysans et les habitants des villes bloquent les routes, grandes et petites.

En ce 15 octobre, à Patacamaya , sur la route qui va de Oruro à La Paz, à quelque cent kilomètres de la capitale, des mineurs et des paysans font face aux militaires. Ils répondent aux balles et aux tirs de gaz lacrymogène par des pierres et des bâtons de dynamite.

Les tanks cherchent à bloquer les mineurs travaillant dans des coopératives de Huanuni qui, eux aussi, se dirigent sur La Paz. A midi, 2 mineurs ont été tués, de nombreux sont blessés. Mais cela n'arrête pas la détermination de rejoindre la capitale pour "un rendez-vous avec l'histoire", selon une formule d'une radio populaire. Souvent en tête des cortèges se trouvent des jeunes entre 14 et 20 ans. Derrière, des femmes, les enfants, les "anciens"; la  détermination de tous est très grande.

Au centre de La Paz, des instituteurs, des jeunes lancent des mots d'ordre et reprennent les chants des Packochis, les guerriers aymaras de l'époque de la colonie.

Le porte-parole de la COB, Arsenio Alvarez affirme: "La Cob et 40 organisations syndicales et populaires ont décidé de centraliser la lutte autour de la COB. Personne n'est autorisé à négocier pour son compte propre. Il y a un pacte entre la COB, Felipe Quispe (dirigeant paysan aymara), Evo Morales (dirigeant cocalero et leader du MAS) et Roberto de la Cruz (secrétaire de la Centrale ouvrière régionale de El Alto) pour approfondir la mobilisation, les barrages routiers et la grève générale."

Il semble que la rébellion des pauvres a réussi à dépasser ses problèmes d'organisation. La différence existant entre la radicalité et l'ampleur du soulèvement populaire de La Paz et à El Alto, par rapport à l'intérieur, s'est réduite. En témoignent les luttes à Cochabamba, Oruro, Potosi et Chukuisaca. Ce mercredi, à Cochabamba, le peuple disputait le contrôle de la rue aux forces armées.

Des ministres, qui semblent isolés comme le président, lisent des listes de dirigeants latino-américains qui soutiennent Sanchez de Losada. Cet appui traduit les "soucis" de gouvernants qui comprennent, au-delà de la spécificité bolivienne, le sens profond de ce soulèvement (15 octobre 2003) réd.

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