Bolivie

Exportations de gaz de la Bolivie:

Les multinationales gagneront 24 fois plus que la Bolivie

Le projet d'exportation de gaz de Bolivie vers les Etats-Unis, qui a provoqué la crise politique actuelle en Bolivie, rapportera aux multinationales pétrolières engagées dans l'opération environ 20 fois plus que ce qu'y gagnera l'Etat bolivien. Ces chiffres découlent des estimations des entreprises directement impliquées.

Pour chaque dollar qui finira dans les caisses publiques boliviennes, à titre d'impôts divers, le consortium Pacific LNG - composé des transnationales British Gas (BG), British Petroleum (BP) et Repsol / YPF (Espagne) - gagnera 24 dollars.

Selon Edward Miller, président de British Gas, Pacific LNG évalue que les revenus des multinationales seront, en moyenne annuelle, de 1369,6 millions de dollars, alors que les versements sous formes d'impôts à l'Etat bolivien oscilleront entre 40 et 70 millions de dollars par an.

Sur une période de 20 ans, qui correspond au contrat conclu pour l'autorisation d'exporter le gaz, ces transnationales espèrent donc un chiffre d'affaires de quelque 27 milliards de dollars. On saisit ainsi mieux l'importance des pressions exercées par ces multinationales sur le gouvernement du président Gonzalo (Goni) Sanchez de Lozada.

De leur côté, les syndicats ainsi que les organisations populaires urbaines et rurales exigent que les bénéfices de ce commerce se chiffrant en milliards de dollars profitent à la population de la Bolivie, pays le plus pauvre d'Amérique latine. Elles exigent par conséquent que le pétrole, le gaz et leur commerce redeviennent propriété de l'Etat.

Actuellement, toute l'industrie des hydrocarbures de Bolivie est aux mains de transnationales, suite à la privatisation partielle de la compagnie publique Yacimientos Petroliferos Fiscales Bolivianos (YPFB). Cette privatisation a été rendue possible par la Loi sur les hydrocarbures et un décret illégal, signés en secret en 1997 par le président Sanchez Lozada, à la fin de son premier mandat à la tête de la Bolivie (1992-1997).

Grâce à cette législation néo-libérale, l'exploitation des énormes ressources énergétiques de Bolivie (il s'agirait des 2e plus grandes réserves de gaz d'Amérique latine, après celles du Venezuela) rapportera d'énormes profits aux transnationales pétrolières. «La rentabilité de l'industrie bolivienne du pétrole et du gaz est extrêmement élevée ; pour chaque dollar investi, l'entreprise pétrolière gagne 10 dollars», a admis il y a peu Roberto Mallea, directeur de Repsol YPF en Bolivie.

Exportation vers les Etats-Unis

Le projet de Pacific LNG, un consortium créé en juin 2001, est d'exporter chaque jour 36 millions de mètres cubes de gaz en direction du marché des Etats-Unis, cela durant 20 ans. Durant cette période ce sont ainsi quelque 6,26 trillions de pieds cubiques de gaz qui seront extraits des champs d'hydrocarbures du Sud de la Bolivie et livrés aux Etats-Unis.

Le transport du gaz, une ressource énergétique de plus en plus appréciée car peu polluante, se fera en deux phases. D'abord, son transport au moyen d'un gazoduc allant de Tarija, en Bolivie, au port chilien de Patillos, sur le Pacifique. Dans ce port sera installée une usine pour liquéfier le gaz. Ensuite, le gaz liquéfié sera transporté par voie maritime jusqu'en Amérique du Nord. Retransformé en gaz, il sera finalement acheminé par gazoduc jusqu'en Californie par la société Sempra.

Des investissements de 2,5 milliards de dollars sont prévus dans les installations portuaires et de liquéfaction. Globalement, le projet impliquera des investissements de 5 à 7 milliards de dollars, sur une période de 5 ans.

Tout en mains privées

L'ingénierie du projet, le choix du port, les négociations avec les acheteurs aux Etats-Unis (le consortium Sempra Energy, une succursale d'Enron), les prix d'achat et de vente: tout cela est de la responsabilité exclusive de Pacific LNG. Comme il s'agit d'un commerce privé, l'Etat bolivien n'intervient que comme appui pour gérer des questions ayant une dimension internationale et pour donner son aval aux choix faits: validité des accords binationaux, choix du port d'embarquement et de liquéfaction, etc.

Cependant, la réaction de la population face aux maigres bénéfices que ce commerce rapportera à la Bolivie et face au choix d'un port chilien comme débouché du gazoduc ont obligé le gouvernement à essayer de montrer qu'en matière de gaz l'Etat est plus d'un simple percepteur d'impôts.

Comme il existe en Bolivie un sentiment anti-chilien, dont les origines remontent à la guerre du Pacifique de 1879 qui s'est soldée pour la Bolivie par la perte du littoral océanique, les autorités ont cherché à provoquer un débat national, curieux et stérile, au sujet de l'opportunité d'exporter le gaz plutôt par un port chilien que par un port péruvien. Le but du gouvernement était de distraire ainsi l'attention de la population du vrai problème lié à l'exploitation du gaz, à savoir qui est propriétaire de cette richesse naturelle: l'Etat ou les compagnies transnationales.

L'exportation du gaz bolivien par un port péruvien n'a jamais été envisagée par le Consortium transnational. Or, selon les règles de l'économie de marché, et en conséquence du décret anticonstitutionnel de 1997 signé par Sanchez de Lozada et qui donne la propriété sur les hydrocarbures boliviens aux transnationales, ce sont bien ces entreprises qui décideront, ou non, d'exporter ce gaz vers les Etats-Unis, et la manière de le faire.

A moins que la rébellion populaire contre le gouvernement parvienne à imposer deux de ses revendications fondamentales: la renationalisation du gaz et du pétrole et le départ de Goni (le président Lozada). (Réd.)

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