Bolivie

La faim et la pauvreté poussent le peuple à la rébellion

Les pauvres sont en train de se soulever en Bolivie. Des paysans qui survivent en grattant la terre, des ouvriers avec des salaires de famine et des jeunes qui n'ont pas avenir mais qui ont encore de l'espoir, sont le fer de lance de la rébellion populaire qui a commencé à se manifester sur l'altiplano Bolivien.

Les uns, installés dans les plaines, bloquent les routes, et sont en train d'imposer leur loi à force de pierres, de courage et de sang. D'autres, sous la direction syndicale, se préparent aux mobilisations et à la lutte dans les rues qui s'annoncent. Tous sont mus par un rêve: que le gaz naturel revienne aux Boliviens et serve à les sortir de l'épuisement économique et social qu'ils connaissent depuis toujours.

La rébellion populaire est en train de prendre forme, et aussi bien ses acteurs que son orientation laissent clairement voir que ses principaux protagonistes seront, une fois encore, la faim et la pauvreté qui se sont développées à vue d'œil ces dernières années.

L'armée des pauvres

En effet, au centre de l'Amérique du Sud, l'armée de pauvres et de mécontents s'étend sans cesse et à un rythme fiévreux: chaque heure, vingt Boliviens sombrent dans la pauvreté dont sept dans l'indigence et la marginalité.

En étudiant les informations statistiques officielles, Econoticias a pu mettre en évidence le fait qu'à chaque heure qui passe, 12 Boliviens des régions urbaines et 8 des régions rurales, sont pris dans les filets de la pauvreté. Ce taux, qui se maintient depuis trois ans, a contribué au fait qu'actuellement deux tiers de la population soient en dessous de la ligne de pauvreté: un tiers souffre de la faim et un autre tiers a juste le minimum à manger.

Les nouveaux pauvres, hommes et femmes de tous les âges, proviennent pour la plupart de familles de chômeurs, des classes moyennes appauvries ou ayant sombré dans l'adversité, des migrants en provenance des villages de l'ouest du pays et des familles rurales et des quartiers marginaux qui sont acculées à reproduire constamment la pauvreté.

Les profondes inégalités sociales, la paralysie de la production et la débâcle économique qui pèse sur les principaux secteurs productifs de l'économie intérieure ont pris une telle ampleur, qu'au cours des trois dernières années, en Bolivie, le nombre de pauvres a augmenté de 513'000 personnes. Aujourd'hui, 5,6 millions sur les 8 millions qui vivent dans le pays sont dans la pauvreté.

La misère extrême augmente

L'analyse des informations officielles montre aussi qu'il y a une détérioration marquée et alarmante des conditions de vie et de subsistance au sein de la population. Non seulement la pauvreté augmente, mais il y a aussi une multiplication des cas d'extrême pauvreté et d'indigence.

Dans la Bolivie actuelle, la pauvreté est en effet en train d'évoluer vers la misère extrême et vers l'indigence. En moyenne, au moins sept Boliviens passent en dessous de la ligne de l'extrême pauvreté à chaque heure qui passe. Selon les registres officiels, durant ces trois dernières années, 200'000 Boliviens ont sombré dans l'abîme de l'extrême pauvreté, où les dénominateurs communs sont la sous-nutrition et la faim. Actuellement, plus de deux millions de Boliviens souffrent de la faim.

La précarité est devenue tellement extrême qu'on estime que, dans les principaux centres urbains et dans les villes de province, un quart de la population survit avec moins de 80 centimes de dollar par jour. Dans les régions rurales, un peu plus de la moitié de la population survit avec moins de 60 centimes de dollar par jour.

Appartiennent à ce secteur de la population les familles des quelque 350'00 chômeurs privés de revenu, et près d'un million de travailleurs sous-employés dans des emplois de très mauvaise qualité, sans protection sociale ni syndicale et rapportant des revenus insuffisants. Au cours des cinq dernières années, on estime qu'un tiers des ouvriers ont perdu leur emploi.

Encore davantage d'inégalités

Mais en même temps que la pauvreté extrême s'étend à la base de la société, le gaspillage, la corruption et les richesses augmentent à son sommet. Selon les chiffres officiels, un cinquième des familles les plus riches du pays disposaient en 2002 d'un revenu familial qui était 44 fois plus important que celui dont disposait le cinquième le plus pauvre.

D'autres indicateurs de l'inéquité et l'inégalité sociales croissantes montrent que 5000 familles riches ont presque 1700 millions de dollars déposés dans les banques commerciales, alors que 600'000 familles pauvres doivent survivre avec moins de 50 dollars par mois, selon les chiffres de l'Institut national de statistique de Bolivie et de l'autorité de surveillance des banques.

D'un côté il y a les voitures de luxe, les voyages à Miami, les salaires mensuels de 60'000 bolivianos [un dollar = 7,76 bolivianos, donc 7700 dollars] que gagnent beaucoup de cadres du régime, et les hôtels cinq étoiles. De l'autre, il y a trois millions de personnes qui n'ont pas accès ni à la lumière électrique ni à l'eau potable.

Ces chiffres et ces raisons suffisent à expliquer pourquoi l'armée des pauvres et des mécontents se met à bloquer les routes, proteste dans les artères des villes et menace de faire tomber le gouvernement du président Gonzalo Sanchez de Lozada, un millionnaire qui a fait fortune en exploitant les mines d'Oruro et de Potosi, qui se trouvent dans les régions les plus épuisées et appauvries du pays.

Ainsi, sous les revendications concernant la récupération du gaz qui est actuellement en mains des transnationales, il y a le rêve des Boliviens debout d'avoir un travail digne, d'avoir du pain quotidiennement et de pouvoir vivre dignement. «Nous ne sommes pas des animaux, nous ne sommes pas des sauvages, nous sommes des êtres humains (...) le Gouvernement devrait nous respecter au lieu de nous tirer dessus», disait un paysan, planté au milieu de la route qui mène à La Paz, devant les caméras de la première chaîne de télévision. (octobre 2003)

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