Argentine


Les couples Kirchner et Aznar dans un taverne...basque..

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"Nous demandons une stricte égalité"

Adriana Meyer*

Nestor Kirchner vient de visiter l'Espagne. Les transnationales espagnoles lui ont promis de "faire un effort". Ainsi, Iberia qui a acheté, pour une miette de pain, Aerolineas Argentinas — ex-symbole de l'Argentine émergente — s'est engagé à créer 17'000 postes de travail.! On verra. La preuve de ce genre de pudding c'est quand on arrive à l'avaler. Telefonica, le géant de la téléphonie espagnole, qui domine le marché argentin et qui a de fortes bases dans toute l'Amérique latine - ce qui explique les prix extravagants en vigueur des communications - a déclaré qu'elle allait investir 1 milliard en Argentine. Mieux, le roi de l'Etat espagnol, Juan Carlos, a même invité Nestor Kirchener au mariage de son fils avec une journaliste de renom, du moins fameuse. De quoi faire un scoop à la TV argentine pour le mariage d'un descendant d'une institution monarchique (certes, on est passé des Habsbourgs aux Bourbons) qui avait colonisé l'essentiel de l'Amérique Latine. Et José Maria Aznar, le patron réactionnaire de la politique espagnole, n'a pas hésité à inviter Nestor Kirchner dans une taverne basque réputée, Casa Lucio! L'impérialisme aux mains de velours... Il est vrai qu'Aznar ne rejette pas avec vigueur le passé franquiste de l'Etat espagnol, qui avait assuré l'exil de Juan Peron. Les voies des amitiés entre "élites dirigeantes" d'un pays impérialiste très engagé aux côtés des Etats-Unis en Irak et d'un pays de la périphérie au bord de la faillite, sont peut-être insondables, mais sont assez claires sur la carte routière de la réorganisation des rapports périphérie-centre et des tentatives faites par un Kirchner pour rétablir les conditions les meilleures de l'accumulation du capital - particulièrement impérialistes - dans un pays toujours socialement et politiquement volatile. Le quotidien Pagina 12, éclaire bien le sens de la relation entre Aznar et Kirchner: " Aznar comme bras exécutif des décisions politiques de George Bush en Europe s'occupe de rendre public le soutien à Kirchner, mais, sotto voce, Aznar laisse apparaître le risque de cette remise de dettes." Au centre des discussions, trois thèmes: l'émigration de l'Argentine vers l'Espagne, les investissements espagnols en Argentine et les relations entre l'Argentine et le FMI. A ce propos, le gouvernement argentin à décidé de payer 75% de la valeur nominale des obligations constituant sa dette extérieure. Le véritable choix était entre ne rien payer et payer 75%. Kirchner à choisit de payer les 75%. Les détenteurs de la dette sont mécontents. Le FMI maintient la pression. Néanmoins, l'essentiel reste: que l'Argentine paie et qu'il n'y ait pas de précédent. Surtout après une période où l'Argentine à, de fait, renoncé à effectuer le service de sa dette. D'ailleurs, les Etats-Unis, l'Espagne, le Canada et la France ont acceptés cette décision. Le Japon, la Grande-Bretagne et l'Italie se sont abstenus. Parmi ceux qui se sont opposés à cette reprogrammation de la dette et qui désiraient une position beaucoup plus dure, il y a le gouvernement suisse (voire BBC, 22 septembre 2003). Celles et ceux qui, à "gauche", proposaient que la Suisse entre au FMI pour y développer une politique de coopération avec le Tiers-Monde et "démocratiser" cette institution du Capital financier international et de ses gouvernements sont restés étrangement silencieux. Ils l'étaient moins lors du vote sur l'entrée de la Suisse au FMI: à l'époque, lors du référendum de mai 1992. La Bolivie était prise l'exemple d'un ajustement structurel réussit, sous la houlette du FMI, et la secrète Suisse financière allait apporter la transparence dans le cercle fermé du FMI. Un raisonnement cul par-dessus tête. Ou, tout simplement, un discours d'hypocrites sans tête. Le thème de l'émigration possède une grande importance, non seulement à cause du nombre d'argentins déjà établis en Espagne, mais aussi en tenant compte des remises de devises fortes (euros) que ces derniers font de l'Espagne vers l'Argentine. Ce qui est un moyen d'assurer le paiement du 75% de la dette et qui donne, au passage, des commissions significatives aux grandes banques espagnoles, Santander et BBVA, fortement implantées en Argentine et organisant les transferts.

L'article que nous publions ci-dessous éclaire une des réalités présentes des relations centre-périphérie au travers des migrations. CAU

Par Adriana Meyer

Voici ce qu'on pouvait lire dans le quotidien argentin, Pagina 12, sous la plume de Carlos Sepoy, avocat de la Maison Argentine à Madrid, défenseur des droits de l'homme en Argentine, au sujet des attentes suscitées en Espagne par la visite du président Nestor Kirchner, en ce qui concerne la situation migratoire, actuellement critique: "Nous attendons du gouvernement argentin une attitude ferme et éclatante, qui n'implique aucune faveur ni traitement privilégié, mais qui reconnaisse des droits acquis. En effet, nous estimons que les circonstances sont propices pour que soient appliqués les traités signés par les deux pays, et parce que la position adoptée par l'Espagne est manifestement illégale et anti-constitutionnelle".

Bien que ce thème n'ait pas été prévu dans l'agenda officiel, le chef du cabinet, Alberto Fernandez, a affirmé que "le thème sera certainement abordé, car nous savons qu'il y a un conflit à ce sujet".

Il faisait ainsi allusion à l'affaire de l'Argentin qui est menacé d'expulsion par le gouvernement ibérique. Kirchner participera à la présentation d'un livre sur la situation des migrants, à l'élaboration duquel Carlos Slepoy a contribué. L'avocat a estimé que cette présence "symbolise le fait qu'il existe une volonté politique de la part de l'Argentine".

C. Slepoy a expliqué que le livre intitulé Migrations, les clés des échanges entre l'Argentine et l'Espagne et qui sera présenté ce 28 janvier au Cercle des Beaux Arts " fournit au Président un prétexte pour rencontrer la communauté argentine, et nous l'avons ressenti comme un appui à notre position. Nous avons fait une proposition rassemblant le contenu des traités bilatéraux en commençant par un traité conclu au XIXe siècle. En 1960, il y a eu un traité très important, sous forme d'une convention prévoyant des mesures destinées à faciliter l'intégration aux Espagnols qui allaient en Argentine. Ainsi, l'Espagnol qui demandait un droit de résidence en Argentine, l'obtenait automatiquement, il suffisait qu'il atteste de ses moyens de subsistance et d'une place de travail. Ce traité a déterminé la réalité argentine et une inégalité bilatérale: 250'000 personnes nées en Espagne vivent sans aucun problème en Argentine, alors que des 120'000 Argentins qui sont en Espagne, seuls 43'000 ont un statut légal".

Adriana Meyer: A quel moment cette situation est-elle devenue critique?

Carlos Slepoy: Actuellement, les municipalités fournissent des listes d'étrangers à la police. Il est donc logique que les gens aient peur. Ils doivent choisir entre être enregistrés ou rester illégaux, avec des restrictions, entre autres, en ce qui concerne l'accès au travail ou au logement. La réforme de la Loi sur les Etrangers est entrée en vigueur fin décembre 2003. Et on est en train de refuser des légalisations.

Il n'y a que les enfants ou les petits-enfants d'Espagnols, ou les personnes ayant des qualifications spéciales dans l'entreprise qui les recrute, qui échappent à cette règle.

Pour tous les autres, c'est devenu pratiquement impossible d'obtenir la légalisation. Le système est devenu plus répressif et policier. Il a limité les possibilités d'obtenir une résidence légale en Espagne. Le traitement réservé aux immigrés, en général, et aux Argentins en particulier est inexplicable si l'on tient compte de la longue expérience des Espagnols qui ont émigré et ont envoyé des fonds aux membres de leurs familles, qui sans cela se seraient trouvés jetés dans la pauvreté. Il est également inexplicable qu'avec les 20 millions de descendants d'Espagnols dans notre pays, il n'existe pas de critère de réciprocité. C'est une attaque contre les gens qui ont fondé l'Argentine, une situation limite, avec des traitements dénigrants contre des personnes qui sont actuellement dans des situations très difficiles.

A.M.: Pourquoi la position de l'Espagne est-elle anti-constitutionnelle?

C. S.: Parce que la Constitution comprend les traités internationaux, qui intègrent les ordonnances juridiques internes.

A. M.: Le Président Kirchner évoquera-t-il les droits humains?

C. S.: Il existe une inégalité dans le traitement des délinquants de droit commun et des génocidaires [les militaires argentins]. Ces derniers sont dans des prisons de luxe ou dans celles de "leur" armée. Nous demandons qu'il y ait une égalité. Et nous pensons que les indemnisations aux victimes devraient être payées, non seulement par l'Etat Argentin, mais aussi par les génocidaires

*Journaliste auprès de Pagna12, quotidien argentin.

 

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