Palestine



Les «Accords de Genève» vus depuis Naplouse

Silvia Cattori*

Nous publions ci-dessous la réaction d'une journaliste et d'une militante participant à de nombreuses missions civiles en Palestine. Elle écrit, depuis Naplouse occupée, traduisant les sentiments de ceux et celles qu'elle côtoie face au déploiement médiatique et semi-diplomatique des «cérémonies» entourant les dits Accords de Genève. réd.

Alors qu'à Genève des personnalités, venues du monde entier, fêtent à grand fracas la promesse d'une paix qui leur jette de la poudre aux yeux, les Palestiniens, victimes méprisées d'une guerre de dépossession éternelle, se sentent trahis, floués comme d'habitude.

Cette cérémonie de paix qui se déroule dans des salons confortables a Genève - alors qu'ici, plus que jamais exposés aux brutalités et aux abus de l'armée d'occupation israélienne, les gens vivent en enfer - est très éloignée de leurs aspirations.

La Suisse, par son initiative de paix naïve et mal pensée, n'a malheureusement fait qu'ajouter encore plus de confusion et de tracas à leur quotidien déjà suffisamment pavé d'embûches.

La légèreté avec laquelle la Confédération helvétique a géré un dossier d'une si grande complexité, tout comme les effets médiatiques trompeurs qui entourent immanquablement ce genre de politique spectacle, ne peuvent être ressentis que comme une nouvelle source de souffrance.

Les gens de Naplouse - avec ses camps de réfugiés toujours en butte aux incursions de l'armée israélienne ' ne cachent pas leur révolte, en ces heures-ci où, à Genève, l'on entérine des accords qui n'ont, pour eux, aucune signification.

C'est donc avec la plus grande indignation que les dix mille étudiants de l'université de Najah - la plus grande université de Palestine - se sont rassemblés aujourd'hui sur leur campus pour crier leur totale opposition à ce qui se décide contre leur volonté, à Genève.

L'idée que l'on puisse parler en leur nom, organiser des cérémonies pompeuses en leur nom, convier à des banquets somptueux des invités qui sont censés représenter leurs droits mais qui sont considérés comme des traîtres, leur est intolérable.

Quand je suis arrivée sur le campus de l'université, à midi, la cour intérieure était noire de monde. Les discours étaient vibrants, les drapeaux verts du Hamas, blancs de l'OLP, rouges du FPLP, noirs du Jihad, flottaient au centre, tandis que les étudiants écoutaient gravement. Quand je me suis approchée de la tribune, j'ai aperçu qu'il y avait là, parmi cette foule de jeunes en révolte, une poignée d'hommes portant cagoule noire, la chemise et les pantalons en toile verte.

Le message de ces hommes, qui personnifiaient la résistance, était clair à l'adresse de ceux qui participaient à cette mascarade, à Genève. Aussi longtemps que les forces d'occupation israéliennes multiplient leurs provocations dans les camps de réfugiés, brutalisent et humilient quotidiennement aux check points des centaines de milliers de Palestiniens tout au travers de la Palestine, il n'est pas possible d'enterrer la hache de guerre.

Dans ce brûlant brasier de la lutte pour la liberté, que ces hommes cagoulés incarnaient à leur façon, j'ai frissonné. Ces hommes pouvaient être de futurs candidats au «sacrifice suprême». On pouvait voir sur les rares parties visibles qu'ils avaient, la peau lisse et blanche de très jeunes gens étant forcés de vivre dans des caves.

De connaître l'existence de ces jeunes vies déjà plongées dans le drame par un trop plein d'amertume m'a submergée de tristesse. Et je me suis dit que nous sommes loin d'avoir mesuré toutes les profondeurs de l'abîme dans lequel des générations d'enfants palestiniens, martyrisés par la violence de l'occupation, sont tombés.

Une fois les discours terminés, j'ai contemplé les frêles silhouettes de ces enfants qu'Israel traque. Qui peut empêcher ces enfants totalement innocents, qui ont grandi dans l'horreur et la folie des forces israéliennes d'occupation, qui n'ont pas compris ce qui leur arrivait, de répondre par la violence ?

Israël a commis des crimes odieux sur ces enfants. C'est de cela que Genève aurait dû parler. Quelles mesures prendre pour que les soldats israéliens cessent de faire irruption dans leurs camps de misère, pour s'amuser à tirer avec des armes de guerre sur des enfants inoffensifs qui lancent des pierres?

Combien d'enfants affamés aurions-nous pu aider à mieux vivre, durant toutes ces années où la diplomatie a fait tant de bruit pour rien et investi des sommes faramineuses en pure perte ?

* Silvia Cattori participe à des missions civiles en Palestine. Elle publie de nombreux reportages. Pour la contacter:
silviacattori@yahoo.it

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