Palestine

Pourquoi une main de fer ne peut qu'empirer les choses?

Khalil Shikaki

Professeur de sciences politiques à l'Université de Bir-Zeit et directeur du Centre palestinien de recherche dans le domaine politique et d'enquête d'opinion de Ramallah.

Cet article exprime un point de vue qui envisage les conditions d'un accord entre l'Autorité palestinienne et le gouvernement sioniste, conditions dont un axe essentiel repose sur le contrôle complet par l'Autorité palestinienne de tout courant qui ne lui obéirait pas. Dès lors, la critique de la politique de Sharon est faite à partir de cette approche. Il nous paraît utile de publier ce texte, comme celui publié dans «Foreign Affairs» (voir notre rubrique News), car il traduit la position de secteurs  «rénovés» de l'Autorité palestinienne. Ce n'est pas un hasard si «Foreign Affairs» a donné la parole à l'auteur. - «à l'encontre»

Avec l'essentiel des Palestiniens à nouveau soumis à l'occupation [militaire israélienne], avec presque 2 millions de personnes sous arrêt domiciliaire, avec des troupes israéliennes qui emprisonnent Yasser Arafat à Ramallah, tout cela aboutit à ce que Ariel Sharon ne puisse à jamais leur offrir la paix et la fin de l'occupation.

Parallèlement, Sharon étant incapable d'assurer la sécurité aux Israéliens, ces derniers sont de plus en plus convaincus que les Palestiniens ne veulent pas ou ne peuvent pas leur offrir la sécurité.

Il est clair qu'aucune des parties ne va obtenir ce qu'elle recherche sans simultanément offrir à l'autre ce qu'elle veut aussi.

Au cours des derniers dix-huit mois, Arafat et l'Autorité palestinienne ont souffert d'une érosion graduelle de leur capacité de contrôler et de contenir la violence palestinienne. La raison principale de cela a été l'émergence d'une jeune garde nationaliste, désillusionnée par le processus de paix [accords d'Oslo] et déterminée à utiliser la violence pour mettre fin à 35 ans d'occupation.

Les coups portés par Israël aux services de sécurité [palestiniens] et les attaques contre les infrastructures de l'Autorité palestinienne (AP), détruisant ses centres de commandement, ses prisons, ses véhicules et divers équipements, ont réduit non seulement les capacités  de ces forces mais aussi tout stimulant à une coopération pour la sécurité avec Israël [pour réprimer les potentiels opposants à l'AP].

Les efforts de l'AP pour réduire la violence ont échoué à la suite de la politique provocatrice de Sharon d'assassinats de militants, une politique qui a suscité un fort encouragement pour toutes les fractions de chercher à se venger.

Pire, à l'heure présente, la punition collective imposée par Israël - qui assiège de façon écrasante le peuple palestinien et détruit sa vie socio-économique - a un impact psychologique dévastateur sur les Palestiniens, favorisant les islamistes en lieu et place de la direction Arafat et des nationalistes. Une large majorité, aujourd'hui, soutient des actions violentes contre les Israéliens.

Sharon a claqué la porte des négociations dès qu'il est devenu premier ministre en février 2001, en enlevant ainsi à la vieille garde de l'AP le seul rôle qui lui restait.

Si Arafat est expulsé, il dirigera les Palestiniens depuis son exil. Dans ce cas, la capacité de direction de l'AP dans les Territoires palestiniens de réduire la violence, de s'engager pleinement à un cessez-le-feu et d'initier des négociations sérieuses avec Israël sera bien moindre que ce qu'elle a été jusqu'à maintenant. Si Arafat est tué, la situation sera bien pire.

Une coalition se radicaux nationalistes et d'islamistes est très certainement susceptible de remplir le vide. Les vieux dirigeants modérés pourraient être mis hors jeu.

Israël pourrait se trouver forcé de choisir entre la séparation unilatérale et une réoccupation complète des Territoires palestiniens. Pour peser les intérêts des deux parties, il est nécessaire que s'engage un processus politique viable qui assure un ensemble stable et sécurisé, et une perspective pour le futur. Autrement dit, les deux parties doivent avoir une claire vision du sens d'un accord permanent. Un Arafat qui survit [politiquement] ne va pas risquer une guerre civile palestinienne [entre factions] sans un soutien public clair. Cependant, très peu de Palestiniens le soutiendraient sans être convaincus que le risque en vaille le prix. La seule perspective pour le faire consiste à démontrer aux Palestiniens qu'une fois accordée la sécurité dont les Israéliens ont besoin ils vont obtenir l'indépendance. La population israélienne refusera des concessions s'il ne sait pas où cela va se terminer. Avec le plan de l'Arabie saoudite1 comme orientation générale et le rapport Mitchell comme ensemble de mesures stabilisatrices, une voie pour la paix peut être dessinée.

1. Le plan présenté par l'Arabie saoudite est fondé sur la reconnaissance d'Israël par les pays arabes, le retrait des troupes israéliennes des territoires palestiniens occupés et une position indéfinie sur la question du retour. Ce projet impliquerait que quelques concessions soient faites aux Palestiniens. En échange, Israël, reconnu par les Etats arabes, pourrait désenclaver son économie, exporter vers le marché moyen-oriental, équilibrer ses échanges extérieurs. Les Etats-Unis pourraient réduire leur aide, ce que l'administration Bush ne devrait pas voir d'un mauvais œil. En outre, les régimes arabes, largement subordonnés à l'impérialisme ainsi qu'autoritaires et corrompus, pourraient, en trouvant une solution très partielle à la question palestinienne, désamorcer un facteur de mobilisation populaire qui est nourri par la crise sociale et économique, par la restriction des droits démocratiques, mais qui trouve dans la défense des droits du peuple palestinien un vecteur légal et légitime pour s'exprimer. La rudesse avec laquelle le régime de Moubarak a contenu et réprimé les mobilisations en Egypte traduit l'importance de cette question pour les «élites» arabes. Dans l'immédiat, ce plan a peu de chance de se réaliser. Toutefois, il nous apparaît peut réaliste de ne pas en décoder le sens et les motivations. - CAU, à l'encontre

 

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