Palestine

Les Palestiniens veulent eux aussi des réformes, mais pas dans les termes dictés par les Etats-Unis et Israël'

par Suzanne Goldenberg


Assurément il n'y a guère de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza qui ne souhaitent pas désespérément une réorganisation de l'administration corrompue et paralysée de Yasser Arafat. Mais ils ne veulent pas des réformes que leur prêchent George Bush et le premier ministre israélien Ariel Sharon. '

«Bien sûr que nous avons besoin de réformes. C'était une exigence palestinienne bien avant que les Américains et les Israéliens le demandent»', nous a dit hier Moustafa Barghouti, le directeur de l'Union des comités palestiniens de secours médicaux, qui participe depuis longtemps à la campagne pour un changement démocratique de l'Autorité palestinienne. «Le problème c'est qu'ils ne peuvent pas l'exploiter comme un moyen de créer une dictature en Palestine. Mais s'ils veulent appliquer les principes de réforme et de démocratie, qu'ils soient les bienvenus.»''

Quand le président Bush et Monsieur Sharon ont soulevé il y a quelques jours la question d'une réforme de l'Autorité palestinienne, ils ont esquissé deux objectifs principaux: écarter Monsieur Arafat et encourager le surgissement d'une nouvelle direction d'une part, et d'autre part, rationaliser les 14 services de police palestiniens pour créer une seule force professionnelle qui empêchera des attaques contre Israël. '

M. Barghouti et d'autres ont une autre idée du changement. La semaine passée, plusieurs centaines d'universitaires, de médecins, d'avocats et d'ingénieurs palestiniens se sont réunies à Ramallah pour fonder le Congrès national du peuple qui a appelé à de nouvelles élections d'un leader palestinien, du Conseil législatif et des autorités locales. '

Bien qu'ils soient partisans d'une réforme de la police qui est désorganisée après l'offensive israélienne en Cisjordanie, ils veulent qu'elle se concentre sur la protection des Palestiniens et pas des Israéliens. Et, ils exigent des assurances qu'une telle force de police n'agira pas au-dessus de la loi. '

En réalité, des nouvelles élections pour les Palestiniens ne semblent pas être une priorité pour Monsieur Bush et certainement pas pour Monsieur Sharon. Des élections ne peuvent pas avoir lieu en Cisjordanie et à Gaza tant qu'elles sont occupées par les chars israéliens. C'est pourquoi le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP), un mouvement de gauche, a insisté auprès  des diplomates européens pour qu'ils fassent pression sur Israël afin que le siège des villes palestiniennes soit levé.

Yasser Arafat et le Conseil législatif palestinien auraient dû être réélus en 1999. Les dernières élections municipales ont eu lieu en 1976. Qais Abdel Karim, connu sous le nom de Abou Layla, qui est le leader du FDLP à Ramallah, a déclaré que les Etats-Unis et Israël «utilisent les slogans de la démocratie et de la transparence comme couverture de leur vrai objectif qui est d'avoir une direction et une Autorité palestinienne mieux disposées à accepter leurs ordres.»'Il a ajouté: «D'un autre côté, je dirais qu'une majorité de Palestiniens pense qu'après le tremblement de terre vécu ces dernières semaines, le moment est venu de changer radicalement la structure de l'Autorité palestinienne et d'autres institutions établies pour se débarasser de la corruption et de la paralysie afin d'avoir un système plus efficace, plus transparent, plus démocratique et plus unitaire.»''

Le siège par Israël a cruellement mis en évidence l'impuissance de l'administration et des forces de police de Yasser Arafat et a approfondi l'insatisfaction suscitée par son régime corrompu et inefficace. '

L'isolement de Y. Arafat a permis à deux constellations rivales de gagner  en prépondérance au sein de l'Autorité palestinienne. Toutes deux tournent autour de commandants des services de sécurité: Mohammed Dahlan, le chef de la sécurité à Gaza, et son homologue en Cisjordanie, Djibril Rajoub.

Monsieur Dahlan, en collaboration avec le conseiller financier de Monsieur Arafat, Mohammed Rashid, ont joué un rôle dirigeant dans les négociations avec Israël et les Etats-Unis. L'autre camp est réuni autour de Monsieur Rajoub et, de l'avis de nombreux observateurs, comprend les deux principaux responsables de l'Autorité palestinienne, Ahmed Queria, connu sous le nom de Abou Ala, et Mahmoud Abbas, connu sous le nom de Abou Mazen. Ce dernier a systématiquement soutenu les revendications de réforme et a exigé il y a quelques jours des élections dans les six mois qui viennent.Néanmoins aucune des deux tendances n'est assez forte pour représenter un défi immédiat. '

Les Palestiniens sont également réticents à l'idée d'écarter Yasser Arafat, précisément parce que c'est ce qu'exigent Israël et les Etats-Unis. «Il n'est pas facile de convaincre le président»'dit Nabil Amr qui a démissionné la semaine passée de son poste de ministre des affaires parlementaires pour pousser Arafat à remanier son gouvernement. «Yasser Arafat n'est pas seulement un symbole dans nos vies et nous espérons qu'il va comprendre que s'il veut être un vrai président, et pas un président symbolique comme disent à présent les Américains, il doit faire beaucoup. Nous avons besoin de son rôle et nous devons d'abord essayer avec lui.»'(10 mai 2002, Guardian)'

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