Palestine

J'accuse l'armée israélienne

, 6 avril 2003, Palestine occupée

Brian, un citoyen américain qui aura 25 ans le 10 avril, a été sauvagement blessé hier à Jenine par des soldats qui ont tiré sur lui, depuis un véhicule blindé, avec des armes de guerre terribles, alors qu'il  s'avançait avec un groupe de camarades de l'International Solidarity Mouvement, mains visiblement en l'air. Les balles lui ont transpercé la figure en passant en travers des joues. Son visage, d'une splendide beauté, hier, est affreusement mutilé. L'hôpital de Haïfa, où il se trouve présentement pour un mois au dire du médecin, semble être le meilleur endroit au monde pour ce genre de cas. La reconstruction du visage. C'est ici que l'on amenait les soldats israéliens quand ils revenaient mutilés du Liban.  

Brian est arrivé en Palestine il y a deux mois et était sur le point de rentrer chez lui. Durant son séjour ici, il a marqué de son aura tous ceux qui l'ont fréquenté. Les gens vous parlent de lui comme d'un être pétri de douceur et de grande probité qui a l'âme d'un musicien, et aussi l'âme d'un poète qui se retirait à ses heures pour écrire. Avant d'aller à Jenine il a mené quantité d'actions humanitaires à Naplouse. 

Brian a quitté son cocon, l'Amérique, pour venir accompagner les Palestiniens dans leur triste sort. Durant huit semaines, il a protégé les médecins palestiniens empêchés par l'armée israélienne d'aller soigner les malades, il a rendu visite aux familles palestiniennes enfermées dans une pièce de leur maison pendant que l'armée occupe les pièces restantes, construit un chemin qui avait été rendu impraticable par les bulldozers pour permettre aux villageois d'aller a Naplouse, aux étudiants d'aller à l'école, il a occupé des maisons que les soldats israéliens s'apprêtaient à détruire. Bref, des actions destinées à donner un peu d'espoir aux Palestiniens assiégés, sous couvre feu, qui eux ne peuvent se défendre, ni sortir.  

Il faut savoir que sortir dans la rue est un crime en Palestine. Ils se font tuer chaque fois qu'ils mettent la tête dehors. Le couvre feu est destiné à cela. A criminaliser les Palestiniens, à tuer les enfants qui échappent à la surveillance de leur mère. C'est moins vilain que le crématoire et c'est efficace. Car cela ne fait pas de vague en occident et peut se perpétuer à l'infini.

Ici j'entends déjà les ennemis des Palestiniens, dire que je délire. C'est hélas la stricte vérité, même si tout cela est tellement horripilant que ça peut paraître irréel. Le fait est que l'on traite les Palestiniens comme des chiens et grâce à Dieu, il y a encore quelques Brian dans ce monde inhumain qui sont capables de se soulever pour dire non à l'ignominie, pour crier à la tête des Israéliens,  ¨êtes vous encore des hommes¨. ­ 

Les camarades de Brian qui l'ont vu tomber sous les balles sont catégoriques. Le chauffeur de l'APC qui a tiré sur lui le voyait parfaitement, d'autant qu'il portait une veste fluorescente. La rue était calme. Il n'y avait pas de Palestiniens, ni de combats comme les militaires israéliens l'ont affirmé. C'est toujours comme cela qu'ils justifient toutes les attaques quotidiennes dans les villes et les villages qui laissent des morts et des blessés sur le pavé et puis ils s'en vont impunis. Purs mensonges. 

Il n'y avait donc aucune raison de tirer sur les internationaux hier à Jenine, pas plus que sur Rachel qui elle, en est morte, sinon celle d'effrayer cette présence extérieure, très gênante. Un cauchemar pour l'armée qui veut opérer en toute tranquillité. Ils veulent nous chasser. C'est clair. Ils veulent faire leur Job, comme ils disent, sans être vus. Depuis plusieurs semaines, ils se font très menaçants. Ils ont l'ordre de nous tuer, au besoin. 

Partir, il n'en est pas question. Si nous partons, les Palestiniens sont encore plus seuls et exposés face à la brutalité croissante. Déjà, nous ne sommes qu'une poignée, en attendant Pâques, d'autres arrivants. L'armée israélienne a tué plus de 100 Palestiniens durant le mois de mars et en a blessé plus de 700. Parmi ces blessés et tués, un tiers d'entre eux étaient des enfants. C'était des civils, des gens qui ne menaçaient personne. Sauf quelques cailloux lancés contre des soldats lourdement harnachés, protégés par des tanks. Les Palestiniens ne se battent quasiment plus. Ils se terrent.

Ils le voudraient qu'ils ne peuvent pas. Ils n'ont d'autre choix que de s'écraser face à une armée qui a des moyens colossaux. Ou au pire du désespoir, se faire sauter tous les deux ou trois mois avec leur corps. Les pauvres ! 

On ne le sait peut être pas assez dehors. Il n'y a ni journalistes, ni observateurs de l'ONU, dans les villes et les villages palestiniens où les internationaux vont s'établir pour une semaine ou plus. Déjà y aller n'est pas une mince affaire. Car il faut parfois passer à travers montagnes pour contourner les check-points et les zones sous couvre feu. Ce sont ces risques là qu'a pris Brian, en connaissance de cause. Il a fait ce que, ni l'ONU, ni tous ces humanitaires que l'on voit chez nous à la télévision, tels les Kouchner, qui se mêlent de politique et des affaires, n'ont jamais fait.

Brian a payé de sa poche son ticket d'avion et ses nuitées, il est venu, comme des milliers d'autres avant lui depuis deux ans, en volontaire, pour témoigner sa pleine solidarité à un  peuple qui n'a pas le droit d'exister normalement. Une manière de dire sa colère contre le monde qui laisse les Palestiniens face à la barbarie d'une armée qui ne connaît pas de limites dans la violence, une manière de dire non à la politique injuste de l'Amérique qui soutient Israël, un Etat raciste, il faut dire ce qui est. 

Brian a subi 8 heures d'opération la nuit passée. Il devra encore en subir une autre demain, peut être, ainsi que d'autres plus tard. Il ne parle pas, ne voit pas, ses yeux sont fermés, mais il entend ce que l'on dit. Brian est conscient, il souffre énormément, mais il peut écrire de sa main et communiquer. Il est plus fort que ceux qui le regardent, qu'il s'ingénie à faire sourire. Ses parents sont en route, le c'ur en peine. Ses camarades palestiniens et internationaux de l'ISM sont près de son chevet. 

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