Palestine



Dégradation des conditions de vie des prisonnières politiques palestiniennes en Israël

Thérèse Liebmann*     

"Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps...

Nous faisons ce que font les prisonniers,

Ce que font les chômeurs:

Nous cultivons l'espoir.

Nos ennemis veillent et nos ennemis allument pour nous la lumière

Dans l'obscurité des caves.

Seuls, nous sommes seuls jusqu'à la lie

S'il n'y avait les visites des arcs en ciel.

Nous avons des frères derrière cette étendue.

Des frères bons. Ils nous aiment. Ils nous regardent et pleurent…

Ne nous laissez pas seuls, ne nous laissez pas."

Ce que nous savons de la réalité vécue au quotidien par les prisonnières politiques palestiniennes dans les prisons israéliennes est encore bien pire que ce que laisse entrevoir ces quelques vers extraits de "Etat de siège", poème composé par Mahmoud Darwich à Ramallah en janvier 2002 (Le Monde Diplomatique,avril 2002).

Les derniers bulletins de la  Women's Organization for Political Prisoners font, en effet, état des conditions de plus en plus épouvantables que vivent ces femmes, y compris une dizaine de jeunes filles mineures, surtout depuis le durcissement incessant de la politique de Sharon, encore accru après la chute de Saddam Hussein.

Ce n'est pas "dans l'obscurité des caves" qu'elles peuvent se réfugier, mais elles doivent séjourner dans des cellules froides en hiver, démunies de toute commodité et qui font régulièrement l'objet, comme elles-mêmes d'ailleurs, de fouilles humiliantes: les gardiens jettent à terre les objets personnels de ces malheureuses, cassent les portes des armoires et vont jusqu'à arracher les étiquettes des rares boîtes de conserves qu'elles auraient pu acheter pour qu'elles ne puissent pas en reconnaître le contenu.

Les conditions d'hygiène se détériorent d'autant plus que les autorités carcérales ne permettent plus aux femmes d'acheter, si ce n'est en quantités minimes, du shampoing, de la lessive en poudre ou autres produits de nettoyage, alléguant que ces substances pourraient servir à fabriquer des explosifs.

La Women's Organization for Political Prisoners a  appris que dans la prison de NEVE TIRZA la santé de nombreuses prisonnières ne cesse de se dégrader et qu'elles sont privées de toute assistance médicale (Bulletin de mars 2003). Parmi les nombreux cas portés à sa connaissance, j'en ai retenu trois.

-Asma'a Abu-Hija (39 ans et mère de six enfants), une détenue administrative, souffre d'une tumeur au cerveau. Elle aurait dû subir une intervention chirurgicale lorsqu'elle fut arrêtée. En prison, elle n'a pas de lit mais un matelas à même le sol, ce qui lui est d'autant plus pénible qu'elle a des difficultés à se lever et à se coucher.

-Marvat Taha (18 ans) était enceinte quand elle fut arrêtée. Immédiatement après son accouchement le 8 février dans un hôpital de Ramle, elle fut enchaînée sur son lit. Depuis son retour à la prison, ni elle ni son enfant n'ont été examinés par un médecin, alors qu'elle souffre d'une inflammation des seins et a des difficultés à allaiter son bébé.

-Iman 'Azawi (29 ans et mère de quatre enfants) a de fortes poussées de température à la suite d'une infection sévère des gencives qui lui a fait perdre toutes ses dents. Elle n'a guère reçu de traitement médical. Par contre, elle a fait l'objet de harcèlement psychologique: le 2 février dernier, alors qu'elle insistait pour se faire soigner, elle fut amenée de force près de Jenine dans une voiture de police car elle avait été citée comme témoin au procès de son mari. Le procès n'eut pas lieu mais on obligea Iman à attendre dans la voiture de 9 à 18 heures. A son retour à la prison, elle fut incapable, pendant un mois, de quitter son lit et de se nourrir. C'est seulement le 3 mars qu'elle reçut quelque soin sous forme de perfusion.

Par solidarité, ses codétenues avaient fait une grève de la faim. Comme punition cinq d'entre elles furent mises en détention cellulaire.

La solidarité entre les prisonnières les console quelque peu de leur solitude car elles ne peuvent presque jamais  téléphoner à l'extérieur ou recevoir de visite car leurs parents qui résident dans les Territoires occupés ne peuvent guère se déplacer. "Seul(e)s, nous sommes seul(e)s jusqu'à la lie / S'il n'y avait les visites des arcs en ciel."

Mais ont-elles seulement l'occasion de voir les arcs en ciel, alors que leur temps de récréation est très limité et qu'à cause des pluies fréquentes de cette année elles ont souvent dû rester des journées entières dans leurs cellules ?

Dans ces conditions peuvent-elles dire comme Mahmoud Darwich: "Nous cultivons l'espoir" ?

Cet espoir ne peut leur venir que de l'extérieur et par l'intermédiaire des avocats de la Women's Organization for Political Prisoners qui, en bravant les difficultés que leur imposent les autorités carcérales, y compris des fouilles corporelles, réussissent à avoir avec elles de brefs entretiens et à les assister en justice.

C'est pourquoi nous, Femmes belges solidaires de la WOFPP, nous vous demandons d'aider financièrement nos amies de Tel Aviv pour qu'elles puissent payer les déplacements et les frais de justice avancés par ces avocats. Vous aurez ainsi répondu à l'appel des prisonnières politiques: "Ne nous laissez pas seul(e)s, ne nous laissez pas". Nous vous en remercions. 16 avril 2003

*Thérèse Liebmann est responsable des Femmes belges solidaires de la WOFPP - Women's Organization for Political Prisoners (Tel Aviv) - P.O.Box 31811, Tel Aviv  -  Tel and Fax: 00-972-3-5227124 - E-Mail: wofpp@yahoo.com. Pour contact: Thérèse Liebmann - Rue de la Victoire 61 - B.1060 Bruxelles - Belgique.

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