Etats-Unis


Pentagone et narcotiques, la boutique des horreurs

Sabina Morandi

Les Américains l'ont suggéré et les Russes ont tout de suite été d'accord: le responsable du massacre des Tchétchènes et des otages qui a eu lieu au théâtre de Moscou est bien le fentanyl, un puissant opiacé C environ 100 fois plus puissant de la morphine C  qui ne figure pas dans la liste des substances interdites. Malgré les doutes qui persistent et les incohérences qui ont été enregistrées par des nombreux chercheurs internationaux, une question reste en suspens: d'oo` est-ce qu'elles viennent ces "armes" et qu'est-ce les Américains connaissaient en la matière?

Le programme secret

Il y a environ un mois, en s'appuyant sur la loi sur la liberté d'expression, le groupe pacifiste Sunshine Project a réussi à mettre les mains sur la documentation du groupe mixte du Pentagone concernant les armes non létales (Joint Non-Lethal Weapons Directorate - Jnlwd) qui démontre l'existence d'un programme de recherche déjà très avancé sur les agents chimiques toxiques, y compris les anesthésiques et les substances psycho-actives.

Le projet, en flagrante violation de la Convention sur les armes chimiques, ne s'est pas uniquement focalisé sur la production d'agents hautement léthaux comme le VX ou le Sarin mais, au contraire, il se concentrait et se concentre sur la recherche de substances à utiliser " contre les civiles potentiellement hostiles dans les opérations antiterroristes " comme l'explique le rapport.

En utilisant les déclarations de l'actuel directeur de recherche du Jnlwd on peut lire: " nous avons besoin de quelque chose qu'aille au-delà des gaz lacrymogènes, nous avons besoin d'agents calmants ou anesthésiques, quelque chose qui fasse endormir les gens ou qui les mette de bonne humeur ".

En effet, parmi les principaux projets de recherche menés par le Jnlwd il y a des médicaments "calmants" ainsi que des agents convulsifs (c'est-à-dire qui provoquent des crampes et des convulsions paralysantes) et des substances hallucinogènes. Le Pentagone est en train d'étudier aussi bien les drogues que des nouvelles méthodes pour les administrer en prenant en compte l'objectif spécifique de leur utilisation: la non-collaboration du "patient".

Voilà donc que des mortiers particuliers de 81 millimètres définis "non léthaux" sont en voie de construction, mortiers qui peuvent couvrir un rayon de deux kilomètres et demi ou bien des bombes lacrymogènes à large vaporisation. Les photos des tests des nouveaux mortiers, des aérosols et des autres diableries publiées dans le rapport du Jnlwd, sont visibles sur le site web du Sunshine Project

Bombarder les esprits

Le rapport Jnlwd s'intitule " Avantages et limites de l'utilisation des calmants comme technique non léthale ". Il illustre dans les moindres détails les buts et l'état d'avancement d'un programme de recherche sur les armes psycho-pharmacologiques qui sont en harmonie avec les plus modernes innovations de la recherche pharmaceutique.

Certaines nouvelles substances, selon les affirmations des Américains eux-mOmes, ont déjà été utilisées par les Etats-Unis dans la guerre contre "le terrorisme", en particulier sur les prisonniers de Guantanamo, évidemment sans leur consentement.

Du reste l'ex-commandant du Jnlwd, Andy Mazzara, aujourd'hui directeur du groupe de chercheurs qui travaillent au Applied Research Laboratory  de l'Université de l'Etat de la Pennsylvanie, auteurs du rapport, a clairement déclaré d'avoir assigné un de ses consultants scientifiques auprès de la Marine étatsunienne. Il y travaille comme assistant de "la guerre au terrorisme."

L' Applied Research Laboratory est en train d'expérimenter pour le Pentagone une gamme très large de médicaments, depuis les anesthésiques  aux "club drugs", les soi-disant drogues de disco. Selon le rapport " le choix de la méthode d'administration, soit par le biais de l'eau potable, soit à travers l'épiderme, soit par des gaz ou des projectiles spécifiques, dépendra de l'environnement dans lequel l'on se trouve à opérer ". Cet environnement pourrait Otre, toujours selon le rapport, " une foule de réfugiés qui seraient en train de s'emporter pendant la distribution de la nourriture ", ou bien " une population en révolte " ou encore " une situation avec prise d'otages ".

Le rapport du Jnlwd, dans différents passages, comme le soulignent les pacifistes, tend, de manière évidente, à définir l'opposition comme étant un désordre psychique à soigner pharmacologiquement.

Les médicaments définis comme " calmants " par les militaires, dans le langage médical sont appelés dépresseurs du système nerveux central. Dans cette catégorie rentrent les opiacés, comme la morphine, et les benzodiazépines, comme le Valium. Mais l'équipe du Jnlwd est aussi très intéressée par les anti-dépressifs et par d'autres trouvailles de la moderne pharmacologie, comme par exemple certains neurotransmetteurs capables de provoquer des attaques de panique sur des personnes saines. 

Cocktail et diableries

Les médicaments classés Fentanyl ont des effets identiques à l'héroïne, mais ils sont entre cent et cent cinquante fois plus puissants. Utilisées dans des doses massives, ils peuvent rapidement conduire à l'arrOt respiratoire et à la mort. Et c'est un des problèmes qui rend l'opiacé difficilement utilisable en tant qu'arme non léthale, outre à la difficulté de vaporisation C chose, justement, qui alimente les doutes internationaux par rapport aux déclarations des autorités russes.

Un autre problème est relatif à la rapidité d'action. Si le Fentanyl a besoin de 30 secondes pour faire effet lorsqu'il est injecté, il est facile de supposer que son action soit plus lente s'il est inhalé. Or, c'est le temps suffisant pour déclencher un détonateur (de la part d'un terroriste). Enfin, la position des corps (à Moscou), comme cela a été montré par les télévisions du monde entier, ne laisse pas voir des traces de convulsions et de raidissement musculaire qui devraient Otre parmi les caractéristiques de l'overdose de Fentanyl.  

Mais revenons aux diableries psycho-pharmacologiques du Pentagone. Le mois de mars 2002 le groupe était en train d'expérimenter un cocktail de spray au poivre (Oc) à mélanger avec un agent calmant pas identifié. Ce spray est parmi les agents chimiques les plus puissants à disposition des forces de police américaines. Il est fortement contesté par les groupes se battant pour la défense des droits civils, et ela en accord avec les associations de médecins des Etats-Unis.

Si au dangereux spray Oc est ajouté un calmant, par exemple le valium ou d'autres produits plus efficients, les conséquences pourraient Otre encore plus toxiques. Mais les chercheurs militaires ne s'arrOtent pas là. Ils suggèrent d'ajouter à ce cocktail, un puissant anesthésique "pour chevaux "qui circule, sous forme de pastille,  dans les discos et que de temps à autre tue des adolescents.

De ce qu'il semble, les chercheurs du projet Jnlwd observent les discos et ils se donnent à fond dans l'expérimentation de nouvelles méthodes afin d'administrer des agents convulsifs, et pour injecter le Gamma-hydroxybutrate ou Ghb,  mieux connu comme "extasy liquide", et le roypnol et cela avec des "pistolets" semblables à ceux avec lesquels on anesthésie les bOtes féroces.

Il faut souligner qu'il s'agit de substances toutes fichées par la DEA, l'autorité étatsunienne chargée de la surveillance du "commerce" des drogues, des stupéfiants ou des narcotiques. Ceux et celles qui le diffusent risque d'Otre condamnés à la prison à vie.

Mais la boutique des horreurs ne s'arrOte pas là. Dans l'inventaire il y a aussi le Precedex, un médicament largement utilisé comme sédatif dans les h?pitaux américains. Le Pentagone s'est aper?u que le Precedex augmente la sensibilité des patients aux chocs électriques. Les chercheurs suggèrent donc de sensibiliser les personnes par le biais du Precedex avant d'utiliser les "armes électromagnétiques" comme les bâtons électriques déjà testés pendant les émeutes de rue à Quebec City, et largement utilisés avec la petite délinquance. Vaporiser des médicaments qui induisent la nausée et le mal de tOte sur une foule qui proteste constitue une autre méthode, selon les chercheurs, pour gérer à la perfection l'ordre public. De toute évidence, les Russes ont peu à apprendre. (11 décembre 2002)

1. Pierre Brassard,du Centre d'Intégration et de diffusion de la recherche en activités policières, école nationale de police du Québec, nous communique en date du 14 mai que: "Les corps policiers du Québec, notamment la police de la ville de Québec, n'avaient pas à l'époque des manifestations citées, et n'ont toujours pas à ce jour (14 mai 2003) d'armes à décharge électrique dans leurs équipements."

 

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