16 mai 2004
 
 

3 x NON à ce Conseil fédéral de démolition sociale

version pdf

Le Conseil fédéral de coalition entre les quatre partis gouvernementaux (PRD, UDC, PSS, PDC) s’engage dans une nouvelle œuvre de démolition sociale. L’interprète des grandes banques et assurances, de l’industrie comme des super-riches accomplit donc le travail que lui dictent ses vrais maîtres: réduire massivement les recettes fiscales à l’avantage des privilégiés; affaiblir l’AVS (le premier pilier); augmenter l’impôt antisocial sur la consommation qu’est la TVA. Voilà les trois propositions du Conseil fédéral qu’il faut rejeter le 16 mai. Le Conseil fédéral veut faire gober à la grande majorité des citoyens et citoyennes salariés et retraités qu’il désire «mieux assurer leur avenir». Cette formule sonne aussi «vrai» que celle qui verrait Marc Ospel – le patron de UBS qui encaisse 1,6 million par mois de salaire – affirmer que «les petits épargnants intéressent plus UBS que les grandes fortunes».

Mais la méfiance face aux déclarations de l’exécutif fédéral n’a jamais été aussi forte. Mensonges et alarmisme des «sept sages de Berne» se heurtent à la conscience populaire. L’idée perce que les trois objets soumis au vote sont des recettes cuisinées selon les mêmes règles que celles présidant aux licenciements, au blocage des salaires, à l’augmentation des primes d’assurance maladie, au démantèlement de La Poste, etc.

De plus en plus de salarié·e·s se refusent, désormais, à confondre leur avenir avec Avenir Suisse – l’officine élaborant des plans du patronat et qui est écoutée à Berne comme la voix de son maître.

Le 8 février 2004, le Conseil fédéral – élu le 10 décembre 2003 – a connu une défaite: la révision du droit du bail et le contre-projet à l’initiative Avanti ont été rejetés.

Le 16 mai 2004 une seconde défaite peut et doit lui être infligée. De la sorte, les salarié·e·s amélioreront les conditions de résistance et de riposte aux projets antisociaux de la classe dominante.

«Justice fiscale», avez-vous dit?

On peut résumer par une formule la politique fiscale du Conseil fédéral: «Les moins nombreux, mais les plus riches paieront moins; les plus nombreux mais moins riches paieront plus.»

• Dit autrement, la politique du Conseil fédéral consiste à reporter la charge fiscale des ménages les plus aisés et des entreprises vers la majorité des salarié·e·s. Ces derniers ne peuvent pas défiscaliser leurs revenus et ils épargnent peu ou pas (l’épargne n’est pas touchée par la TVA). Ils paient les impôts directs et les différentes taxes (sur l’essence, par exemple). En même temps, ils sont les premiers frappés par les hausses des prix des services publics (Poste, CFF), par la baisse de leur qualité (formation, santé), par la compression des services sociaux et des aides sociales, etc. Voilà la première question qui est posée par ledit «paquet fiscal».

• Il faut y ajouter une seconde considération. Elle n’est même plus évoquée par la «gauche».

Premièrement, l’impôt est un prélèvement opéré par l’Etat, dont la politique est, sur l’essentiel, dirigée par la minorité des dominants. Ceux-ci déterminent quels sont les besoins sociaux à satisfaire; quels biens et services publics doivent être assurés; quels secteurs doivent être privatisés afin d’offrir de nouveaux débouchés rentables à des investisseurs privés (télécommunications, poste, transports, électricité, demain éducation).

Deuxièmement, l’impôt qui touche le revenu – soit directement, soit indirectement (TVA, taxes diverses) – affecte ceux qui participent à la répartition du revenu national; c’est-à-dire à la richesse nouvellement créée par le travail. Or, cette richesse se divise, dans un premier temps, en salaires et en plus-value. Cette plus-value est le produit supplémentaire du travail salarié que s’approprie le capitaliste par le seul fait de disposer de la propriété des moyens de production et d’échange. Or, le contrôle social sur la répartition de cette plus-value – en profits, dividendes, investissements, etc. – n’existe pas. Dès lors, innombrables sont les moyens (légaux et non légaux) de faire que les bénéfices déclarés – c’est-à-dire ceux qui sont imposables – restent très éloignés des profits réels.

Une conclusion s’impose: dans ce système, les salaires et les traitements – qui sont le simple prix de la force de travail – sont amputés par l’impôt auquel ils ne peuvent échapper. Par contre, la masse de la plus-value – issue du travail non payé des salarié·e·s – échappe très largement aux prélèvements fiscaux.

Ainsi, les salariés en luttant pour rejeter les tentatives de faire peser encore plus sur leurs salaires le poids des prélèvements fiscaux visent simplement à limiter la perte subie sur leur paie, dont d’ailleurs le pouvoir d’achat décline ou stagne depuis des années.

Par conséquent, que l’on arrête de parler de «justice fiscale». Pour les salarié·e·s, dans ce système économique capitaliste, il s’agit aujourd’hui de combattre le degré d’injustice fiscale; le déclin complet de l’effet redistributif (c’est-à-dire qui limite un peu les disparités sociales) de l’impôt. En d’autres termes: en s’opposant à la fiscalité présente, les salarié·e·s visent à réduire l’ampleur de l’expropriation par une minorité de la richesse sociale qu’ils ont produite.

En outre, ils doivent contrecarrer le pouvoir des dominants qui déterminent les contours des politiques publiques: c’est-à-dire le futur de l’éducation, de la santé, de la politique de l’emploi et du logement comme des transports, etc.

A cela s’ajoute la bataille sur les modalités de financement de ces politiques publiques, en posant la question: quel impôt? pour quoi? pour qui?


NON au paquet-cadeau pour les privilégiés!

Le paquet fiscal du Conseil fédéral comporte trois volets.

• Le premier est présenté comme devant «réduire la charge fiscale des familles», en allégeant l’impôt fédéral direct (IFD). Pas faux… s’il s’agit des familles riches.

En effet, le 5% des contribuables les plus riches bénéficiera de quelque deux tiers de la baisse fiscale totale. Et le 1,4% des contribuables les plus aisés encaissera un tiers du total de l’allégement. Cela va exactement dans le sens de la concentration accrue de la richesse et du pouvoir. N’oublions pas que 0,3% des contribuables suisses détiennent 23,70% du total de la fortune déclarée, à la fin des années 1990.

Cette aide aux familles riches… est proposée par ceux qui viennent de refuser une augmentation des allocations familiales. Voilà un concentré de la politique du Conseil fédéral. L’affaire est si grossière que de nombreux exécutifs cantonaux ont été obligés de prendre leurs distances.

• Le paquet offert aux propriétaires immobiliers – qui constituent le tiers des ménages en Suisse – aboutit à une perte de recettes de 480 millions de francs au niveau fédéral, auxquels s’ajoute quelque 1,3 milliard aux niveaux communal et cantonal.

Pour en profiter, il est préférable d’habiter une villa dont la valeur est de 5 millions de francs. La charge fiscale nouvelle pourrait baisser de 16000 francs; par contre, à conditions identiques (endettement, taux hypothécaire, frais d’entretien, etc.), la détention d’un objet immobilier de 650000 francs aboutirait à une augmentation d’impôt (+400 fr).

• Enfin, le droit de timbre portant sur la négociation et les émissions de titres est supprimé: voilà un cadeau de 310 millions de francs aux actionnaires.

Il est vrai que les actionnaires des 25 grandes sociétés qui forment le SMI (Swiss Market Index) ont reçu, en 2003, sous forme de dividendes et autres bonus, la somme de 13,463 milliards de francs, soit une augmentation de 10,8% par rapport à 2002. Comparez ce chiffre à celui de l’évolution des salaires! Sur trois ans les actionnaires de ces 25 sociétés ont empoché la somme de 40,952 milliards (Finanz und Wirtschaft, 3 avril 2004).

• La logique est claire: la part de la richesse créée par le travail va massivement aux détenteurs de capitaux et d’actions. Voilà un exemple de la «bonne gouvernance» d’entreprise. La «bonne gouvernance» du Conseil fédéral consiste à renforcer la répartition de la «valeur ajoutée» créée par le travail en faveur des classes possédantes. Le Conseil fédéral le fait en leur offrant des cadeaux fiscaux et en réduisant la part du salaire social: les rentes, les subsides sociaux, les allocations chômage, etc.

Voilà une des formes très concrètes de la lutte des classes. Depuis longtemps, elle n’a plus été aussi aiguë. Le nouveau président du PSS, Hans-Jürg Fehr, lui, déclare que «la lutte des classes a perdu sa signification» (Le Temps, 2 mars 2004). En réalité, croire que les véritables patrons du capitalisme helvétique – comme leurs compères de l’Union européenne ou des Etats-Unis – vont se satisfaire de quelques gains a peu de sens. Aucune concession de la part de la «gauche» ne les satisfera. Pour accroître leurs profits et maintenir ou gagner des positions dans la concurrence entre capitalistes à l’échelle internationale, ils feront peser toujours plus leur joug sur les salarié·e·s. Seule une riposte organisée de ces derniers peut mettre un cran d’arrêt à leur volonté d’appropriation accrue du surplus social. Ne pas le dire et ne pas en tirer des conclusions, cela revient à enlever toute signification à une politique de gauche, c’est-à-dire de défense inconditionnelle des salarié·e·s.


NON à la 11e révision de l’AVS

Dans le passé, une révision de l’AVS équivalait à une amélioration de la situation des personnes à la retraite; même si la rente maximale n’a jamais permis de «couvrir les besoins vitaux de manière appropriée», comme l’exige la Constitution. Ainsi, des centaines de milliers de retraité·e·s sont plongés dans une situation de misère, cela dans le pays le plus riche au monde.

Depuis la 10e révision de 1995, ce terme signifie régression. Cette 11e révision en fournit la preuve. Si elle est acceptée, l’âge donnant droit à une rente pour les femmes passera à 65 ans… alors qu’après 50 ans trouver un travail est 1000 fois plus difficile que dénicher un conseil d’administration pour un ex-conseiller fédéral.

La rente va être indexée tous les trois ans, et non plus tous les deux. Les rentes vont encore perdre de leur maigre pouvoir d’achat.

Les rentes des veuves vont être diminuées: la rente minimale passera à 622 francs (-211 fr.) et la rente maximale à 1266 (-422 fr.). Plus de 51000 veuves, avant tout des femmes âgées, seraient concernées. Et que Pascal Couchepin ne dise pas qu’une femme sans enfant, veuve, peut travailler. Déjà aujourd’hui, si elle a moins de 45 ans, elle ne touche pas de rente.

Loup vêtu d’une peau de mouton et de lunettes de savant, le Conseil fédéral dépeint un futur catastrophique de l’AVS. Le refrain est connu. Or, depuis 1948, l’AVS n’a enregistré des déficits dépassant 500 millions de francs que trois fois: en 1978, 1997 et 1998. Par contre, elle a dégagé pendant 20 exercices des excédents supérieurs à 500 millions; trois fois entre 1 et 2 milliards et deux fois de plus de 2 milliards. Ces excédents ont amplement compensé les pertes et, de plus, alimenté le fonds de compensation de l’AVS.

Quels sont les buts de ce bourrage de crâne officiel? 1° Affaiblir encore plus l’AVS, susciter une méfiance dans les nouvelles générations envers cette unique assurance solidaire et ouvrir plus large la voie au IIe pilier (caisse de pension) et au IIIe pilier (assurances individuelles diverses). Car il y a là une grasse prairie pour ces «brebis» que sont les assureurs et les banques. 2° Préparer une hausse généralisée de l’âge donnant droit à la retraite: 67 ans. Cela a déjà été annoncé.

Un NON massif à cette régression de l’AVS constitue un acte d’autodéfense social et collectif urgent.


NON à la hausse de la TVA

La TVA est un instrument du transfert des charges fiscales des privilégiés et des firmes vers les salarié·e·s. Elle va prendre une place de plus en plus grande.

Sa hausse de 1,8% est justifiée aujourd’hui par le besoin de financement de l’AI (assurance invalidité: + 0,8%, en 2005), puis de l’AVS (+1%).

• Au cours des dernières années, les impôts indirects, les taxes, les redevances, les primes d’assurance maladie n’ont cessé de prendre l’ascenseur; la franchise de base de l’assurance maladie a passé de 230 francs à 300; elle va encore grimper. Cela au moment où les salaires à l’embauche diminuent, où l’indexation est laminée, où les heures supplémentaires sont de moins en moins payées, etc.

Des hausses de 10% de l’assurance maladie viennent de tomber. Pourtant, les assurances annoncent des bénéfices retentissants pour 2003: Helsana: +165%; Visana: +344%, par exemple. Cela ne les empêche pas de prévoir une nouvelle hausse de 5% des primes pour 2005.

Rien d’étonnant dès lors si presque le quart des ménages du canton de Vaud sont subsidiés pour payer leurs primes! Une aide sociale aux assurances maladie dont les comptes sont plus que brumeux.

Dans une telle situation, «boucler le mois» devient un exercice de plus en plus difficile pour un nombre croissant de salarié·e·s. Or, une hausse de la TVA, telle que la prévoit le Conseil fédéral, ferait perdre 768 francs à un ménage disposant d’un revenu brut annuel de 80000 francs (Blick, 2 mars 2004).

• La TVA est un impôt anti-redistributif. Il ne prend en compte ni le revenu des ménages, ni leur situation familiale. Que vous gagniez 1 million par mois, comme Franz Humer le patron de Roche, ou 4000 francs, votre consommation est frappée à un taux fixe.

De plus, avec un salaire de 1 million par mois, vous pouvez épargner. Or, cette épargne n’est pas soumise à la TVA et elle peut échapper en grande partie au fisc. Avec 4000 francs, l’essentiel de vos dépenses va à la consommation frappée de la TVA; de plus le salaire est pleinement soumis à l’impôt direct.

Comme doit le constater le professeur d’économie Thomas von Ungern: «le charme de la TVA pour un radical c’est qu’il touche les pauvres» (Le Matin, 25 mai 2003). En cela, il confirme les études faites en France, le pays qui a introduit le premier la TVA, avec pourtant des taux différenciés selon les types de consommation (aliments ou poste de TV). Le constat est clair: les prélèvements de la TVA absorbent 13% du revenu des ménages modestes; et seulement 7% de celui des ménages aisés (INSEE, Revenus et patrimoine des ménages, 1998).

• Pour justifier l’urgence d’une hausse de la TVA, le Conseil fédéral invoque l’important déficit de l’AI (assurance invalidité). Ce déficit existe. Mais, une question doit d’être posée: la dégradation des conditions de travail, le chômage, l’insécurité sociale ne sont-ils pas à l’origine du gonflement des dépenses de l’AI? De récentes études conduisent à confirmer cette hypothèse; même si la part des rentiers AI est faible par rapport aux autres pays industrialisés, comme doit le reconnaître le Conseil fédéral.

Autrement dit, en voulant extraire toujours plus de richesse des salarié·e·s («ils·elles doivent être plus rentables»), le Capital détruit leur santé. Puis il veut les soumettre à un impôt (la TVA) des plus injustes pour leur faire payer les «dégâts».

Une autre solution existe, simple: une cotisation sociale proportionnellement plus élevée pour les employeurs – comme dans divers pays de l’UE – afin de réunir la somme nécessaire. Ce ne serait que la reconnaissance de leurs responsabilités dans la détérioration des conditions de santé au travail. Un prélèvement de 0,82% sur la masse salariale prévisible de 2005 permettrait de réunir une somme équivalente à celle prévue par le Conseil fédéral avec sa hausse de 0,8% de la TVA (quelque 2,34 milliards).

Un NON à la hausse de la TVA est aussi un NON à l’ensemble de la politique antisociale du Conseil fédéral et du patronat.


Une guerre sociale

Le 16 mai marque symboliquement le lancement d’une deuxième vague de contre-réformes portant atteinte aux salarié·e·s de ce pays.

Au début des années 1990, le Capital et son Conseil fédéral ont initié une première offensive, en suivant deux axes. En utilisant le chômage, des attaques brutales ont été portées contre les salaires, les conditions de travail (horaires flexibles, contrats précaires, sous-traitance, etc.). La liquidation du statut de fonctionnaire («déstabiliser les stables») devait accroître l’insécurité pour tous les salariés, afin de mieux faire mieux passer les multiples réorganisations du travail. Les services publics sont mis en cause; réduction du personnel, normes de gestion pour rentabiliser des secteurs afin de préparer leur privatisation. Celle de Swisscom – avec licenciements, péjoration des conditions de travail et des tarifs à l’avantage des gros clients – montrait la voie à suivre.

Aujourd’hui, le nouveau Conseil fédéral passe la deuxième vitesse: attaquer de front ce qui reste d’assurances sociales; accélérer la rentabilisation et privatisation des services publics; faire peser encore plus la charge fiscale sur les salarié·e·s et réduire au maximum les «charges» pesant encore sur les privilégiés et les entreprises. Cela débouche sur un état de guerre sociale, comme le reconnaît, à mots couverts, Pascal Couchepin.

Un NON… mais OUI

Face à l’énormité de l’attaque, la gauche officielle politique (le PSS et les Verts) et syndicale (l’Union syndicale suisse – USS) a choisi de dire NON au paquet fiscal et à la 11e révision de l’AVS. Tant mieux. Mais cela n’élimine pas de véritables interrogations chez de nombreux salarié·e·s.

• Pourquoi avoir négocié avec Couchepin, en septembre 2003, un soutien à la 11e révision de l’AVS en échange de 400 millions pour les retraites anticipées, comme le reconnaît l’ex-présidente du PSS, Christiane Brunner (Matin Dimanche, 29 février 2004)? Cela revenait à donner un clair signal de la résignation du PSS et de l’USS face à l’élévation de l’âge de la retraite. Ruth Dreifuss, la syndicaliste conseillère fédérale, avait déjà entériné le passage de 62 à 64 ans. Et, dans le con présent, personne ne peut croire que les réductions des rentes accompagnant une retraite anticipée ne resteront pas insupportables pour l’essentiel des salarié·e·s.

• Dire NON au paquet fiscal est bien. Mais alors pourquoi, dans les exécutifs cantonaux, le PS et les Verts mènent-ils des politiques identiques de défiscalisation du capital, en marchant à fond dans la surenchère intercantonale pour la baisse des impôts accordée, avec d’autres avantages, aux firmes? Pourquoi mener dans les cantons une politique d’austérité qui vise aussi les services publics?

On ne peut démobiliser et porter atteinte aux conditions des salarié·e·s au plan cantonal et créer un mouvement de résistance effectif à l’échelle fédérale, en étant, de plus, complice d’un exécutif fédéral qui impose et en impose.

• Le PSS et l’USS sont les principaux partisans de la TVA «pour consolider les assurances sociales». Pourtant, le secrétaire de l’USS, Serge Gaillard, reconnaît – ce qui ne relève pas du trait de génie – qu’«augmenter constamment la TVA… pénalise les familles et les bas revenus» (Le Temps, 3 janvier 2004).

L’ancien conseiller fédéral Otto Stich, membre du PSS, a plus de courage et de cohérence. Il ne cesse d’expliquer dans la presse suisse alémanique l’inconsistance de la position de son parti: «En élevant la TVA on abaisse le pouvoir d’achat déjà faible des rentiers AVS, et cela au nom d’une consolidation de l’AVS!»

Quant au démantèlement des services publics, ce sont deux membres du PSS qui conduisent l’opération: Ulrich Gygi à La Poste et Benedikt Weibel aux CFF. Un politique qui s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans celle prônée par la nouvelle directive de l’Union européenne (UE) qui devra être adoptée les 17 et 18 mai. Elle ouvre grandes les vannes de la privatisation pour la santé, l’éducation, etc. Or, l’adhésion à l’UE est le principal cheval de bataille du PSS.


Pour une autre gauche

Patronat et Conseil fédéral ont adopté un plan de marche pour ajuster le Travail aux exigences de rentabilisation du Capital. Cela dans une conjoncture de croissance molle, de surcapacités de production et de concurrence déchaînée entre capitaux à l’échelle internationale.

Le réalisme politique consiste à regarder en face ce plan réactionnaire. Puis il faut comprendre que sa réalisation dépendra de l’évolution des rapports de force entre classes sociales, en Suisse et en Europe. On ne peut affirmer, comme certains dirigeants de l’USS, qu’il y a «une lutte de classes par en haut», sans préparer avec la même détermination que les dominants une résistance et une riposte du monde du travail.

Le mécontentement social qui se manifeste en Suisse est le résultat de dix ans de coups portés aux salarié·e·s par le patronat et son Conseil fédéral. Ce mécontentement ne pourra trouver une expression dans une action collective et solidaire que si un contre-plan de défense des intérêts du Travail est publiquement discuté et pratiquement mis en œuvre, pas à pas.

Pour le MPS, dans le contextetexte actuel, quatre éléments doivent être l’objet d’un vrai débat:

1° Rebâtir un projet de système de retraite fondé sur la répartition et garantissant à toutes et à tous des rentes sûres (avec une rente minimale de 3000 francs par mois). C’est une bataille analogue à celle qui a permis aux forces de gauche combatives de gagner, à l’époque, le cœur et les esprits des salarié·e·s pour un système tel que l’AVS.

2° Passer de la défense de ce qui reste des services publics à une revalorisation des politiques publiques. Autrement dit, reconstruire les instruments collectifs permettant à la société d’imposer des priorités sociales en fonction de ses besoins dans des domaines comme la santé, l’éducation, les transports, la poste, les télécommunications, etc. Une société démocratique ne peut laisser le terrain de ses besoins sociaux aux mains de quelques firmes dont le seul impératif est le profit approprié de façon privative.

3° Interroger sans cesse l’organisation du travail et les conditions de son déroulement qui accroissent la souffrance individuelle et, finalement, l’invalidité de nombreux salarié·e·s. Pouvoir agir collectivement sur le lieu de travail est un des moyens vitaux pour lutter contre cette souffrance. Ignorer cette question cruciale aboutit à accepter une idée: remettre au travail quasi forcé de nombreuses personnes à l’AI.

4° Remettre au centre des préoccupations des forces sociales et politiques une question démocratique essentielle: les effets globaux de la maîtrise privée sur les principaux moyens de production et sur l’appropriation de la richesse sont-ils un tabou qui ne peut plus être évoqué? Au contraire, le MPS pense que l’actualité de cette question n’a jamais été aussi grande. Les salarié·e·s le ressentent bien lorsqu’ils constatent que la décision de quelques dirigeants d’une grande entreprise peut déterminer l’avenir d’une région et de ses habitants.

Le 16 mai, la victoire du 3 x NON prendra tout son sens si elle permet l’ouverture d’un débat pour la construction d’une autre gauche.

 
Vos commentaires