Entre les promesses référendaires concernant les «mesures d'accompagnement» et la réalité, le fossé traditionnel se creuse. Dés décembre 2005, cela était clair. Certains «étonnements» actuels de fonctionnaires syndicaux ne peuvent, dès lors, que nous étonner…
Cet article est paru dans 24 heures du jeudi 13 avril 2006. D'autres organes de presse romands ont donné un écho semblable à la «colère» d'Unia.
Dumping salarial: colère d’Unia
LIBRE CIRCULATION Le Conseil fédéral est accusé de ne pas garantir les 150 postes d’inspecteur promis pour lutter contre la sous-enchère. Berne parle de «malentendu».
Les syndicats ont mis leur crédibilité en jeu en soutenant, en septembre dernier, l’extension à l’Est de la libre circulation des personnes. Le renforcement des mesures d’accompagnement pour lutter contre le dumping social et salarial les avait convaincus.
Mais six mois après l’accepta tion de la loi par le peuple et deux semaines après son entrée en vigueur, l’heure est à la colère. «Le Conseil fédéral trahit le souverain, tonne Aldo Ferrari, secrétaire régional d’Unia Vaud. Il ne se donne pas les moyens d’appliquer les mesures d’accompagnement.» Le syndicaliste accuse le gouvernement d’avoir affaibli la loi. Alors que l’engagement et le financement par la Confédération (à 50% 50% avec les cantons) de 150 inspecteurs du travail pour la Suisse étaient annoncés, ils ne seraient plus que 125.
«Un camouflet»
La mise en consultation par Berne, depuis le 1er avril, du projet de contrat de prestations auprès des cantons est «un camouflet », dénonce Aldo Ferrari, se rapportant au chapitre sur les nouveaux inspecteurs. «Il semble peu probable que le canton puisse se doter d’une quinzaine de postes, comme ce serait nécessaire.» En outre, la Confédération renoncerait à toute mesure de contrainte envers les cantons qui refuseraient de renforcer les contrôles. Le ministre de l’économie Joseph Deiss est ainsi accusé de «plier» devant certains cantons laxistes, essentiellement alémaniques. Une attitude intolérable pour Aldo Ferrari, qui brandit des chiffres accablants de sous-enchère salariale constatés en 2005 sur les chantiers vaudois (lire ci-dessous).
Union sacrée
Une fois n’est pas coutume, les patrons partagent la grogne du syndicat. Ils veulent éviter à tout prix une distorsion de la concurrence entre sociétés suisses et étrangères. André Overney, directeur de la Fédération vaudoise des entrepreneurs: «Notre secteur, l’industrie de la construction, est touché de plein fouet. La Confédération doit débloquer la manne promise pour engager des inspecteurs.» Les foudres des partenaires sociaux épargnent les autorités vaudoises, qui sont en train de préparer la réponse pour le Secrétariat d’Etat à l’Economie (Seco). «Nous sommes d’accord avec Unia sur le problème des inspecteurs et nous le dirons à la Confédération, confie Roger Piccand, chef du Service de l’emploi. Berne joue à l’Oncle Picsou, en ne cofinançant que 125 postes sur les 150 promis.»
«Unia a tout faux»
Vue de Berne, la fronde est incompréhensible. «Les données d’Unia sont fausses. Nous restons sur le chiffre de 150 inspecteurs», assure Sibylle Burger-Bono, cheffe de division au Seco, évoquant un malentendu. Le Seco présentera la semaine prochaine son rapport sur les contrôles effectués en 2005.
Unia compte sur un sursaut de la Confédération d’ici au 30 avril, fin de la consultation. «Un geste important si l’on veut que le peuple accepte le milliard de cohésion pour les pays de l’Est, puis la confirmation de la libre circulation en 2009.»
MARTINE CLERC
Ouvriers Étrangers sous-payÉs sur des dizaines de chantiers vaudois
«On assiste à une violation quasi systématique des salaires minimaux. Les ouvriers étrangers sont souvent payés 8 ou 10 euros (15 francs) l’heure.
Certains doivent encore payer leur déplacement.» Telles sont les conclusions du secrétaire régional d’Unia Vaud, lors de la présentation des chiffres récoltés l’an dernier sur les chantiers vaudois. Ils portent sur la libre circulation accordée aux anciens Quinze membres de l’Union européenne.
Sur les 38 contrôles effectués dans le secteur de la construction (branche avec convention collective déclarée de force obligatoire dans le canton), Aldo Ferrari constate dans 92% des cas des infractions portant sur le salaire. D’autres situations anormales (normes de sécurité, notamment) sont détectées chez 89% des entreprises contrôlées.
Au total, les inspections ont concerné environ 150 personnes.
Les cas de dumping dénoncés sur le chantier de la propriété vaudoise du pilote Michael Schumacher en font partie.
Les entreprises étaient essentiellement allemandes, mais aussi françaises et italiennes. Des mesures de «rattrapage» de salaires ont été appliquées dans tous les cas. Celles-ci comblant en moyenne des manques de quelque 1500 francs par mois pour parvenir à un salaire suisse.
M . Cl .
Cette fiche de paie d’un maçon envoyé par une entreprise française sur un chantier des hauts de Lausanne a été rectifiée après le passage d’un inspecteur du travail, en été 2005. On remarque une différence de salaire horaire de presque 10 euros entre les minima français (ligne jaune) et suisse (ligne bleue).
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