Nestlé Saint-Menet
 
 

Victoire partielle

À Marseille, la lutte continue pour défendre l’emploi et faire reculer le libéralisme. Un jugement vient de donner raison aux salariés de l’usine de Saint-Menet. Entretien avec Joël Budanic, élu CGT au comité central d’entreprise.

Résume-nous la situation.

Joël Budanic - Le 4 juillet, un jugement imposait à Nestlé la remise de l’usine « en état de produire », sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard. La direction interprétait ce jugement de façon très restrictive et se limitait à la remise en place des fluides et des services, estimant ne pas devoir reprendre la production. Le jugement du 24 août est clair : la production doit reprendre. Ce devrait être chose faite le 5 septembre, à notre grande joie. Sans triomphalisme non plus, vu les nombreux « coups tordus » auxquels quinze mois de lutte nous ont habitués. Le jugement étant alors appliqué avec 60 jours de retard, nous demanderons, sans illusion, que Nestlé paie l’astreinte pour ces 60 jours, soit trois millions d’euros. Cela ne devrait pas les mettre en faillite : la multinationale a enregistré 55 milliards de dollars de bénéfice pour 2003, et ceux-ci ont encore augmenté depuis. Nestlé doit maintenant cesser cette attitude de confrontation et accepter la seule sortie honorable possible : lever son veto à la possibilité de trouver un repreneur. Appel a été fait à Villepin pour une négociation globale sur le plan de reprise élaboré par les experts. Ce plan est viable, contrairement à ce que prétend le ministre délégué à l’Emploi, Gérard Larcher. Ce projet n’est pas un projet de coopérative ouvrière, ce n’est pas à nous de présenter un projet industriel ou un montage financier, mais à l’éventuel repreneur. Encore faut-il que Nestlé lève son veto.

Quelle a été l’originalité de la lutte ?

J. Budanic - Dans ma vie de syndicaliste, la lutte signifiait grève. Dans ce cas, le nombre de jours de grève est de quinze à vingt, pas plus. Nous avons occupé l’usine pour préserver l’outil de travail et le faire fonctionner. Nous voulons remettre en cause le pouvoir capitaliste et décider nous-mêmes. Cette forme d’occupation a permis d’associer régulièrement 150 salariés à la lutte.

Et maintenant ?

J. Budanic - Ce jugement est une victoire. Nous attendons maintenant la décision de la cour d’appel, qui pourrait annuler le jugement du 22 juin autorisant la fermeture de l’usine. La justice a, pour une fois, reconnu que Nestlé n’était pas au-dessus des lois, mais il faut à présent se dégager du terrain juridique, où les médias enferment le conflit, pour se tourner à nouveau vers le terrain et l’opinion. Pour nous, le juridique n’est que la conséquence du terrain social. Avec l’appui du Groupement de soutien, nous allons mobiliser la population, interpeller les médias et faire pression sur les élus. Les soutiens se multiplient : Olivier Besancenot et Marie-George Buffet sont venus nous rencontrer, et l’union départementale CGT 13 fera son meeting de rentrée le 13 septembre avec Bernard Thibault. La lutte continue.

Entretien réalisé par Jean-Marie Battini pour Rouge, hebdomadaire de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire)