Mesures d'accompagnement au rabais pour la libre circulation des personnes
 
 


A certains camarades…

Jacques Depallens *

La décision du Conseil des Etats [1] est dramatique dans la menace de consécration de l'avenir vu sous l'angle d'une politique impitoyable des 2 cercles...

Certains camarades ne voyaient pas il y a quelques jours le rapport entre "leur" libre-circulation (= du patronat et de la bourgeoisie européo-nationaliste; discriminatoire) et l'AGGRAVATION DE LA SITUATION DES IMMIGRES VIVANT ICI ET QUI N'ONT PAS LA "QUALITE" D'EUROPEENS (Magrébins, Kosovars, Tamouls, Chiliens, Bosniaques,Congolais, Vietnamiens..).

Et pourtant, à Berne dans l'hémicycle et les couloirs papottes, on se devait d'être plus lucides que les autres sur l'étatisation de la préférence européenne, au mépris des gens qui vivent ici, dans une population bien plus métissée – et le patronat le sait – que le vieux mythe de l'Europe de l'Atlantique à l'Oural, revu et corrigé par les financiers de l'UE.

"Leur libre-circulation" n'est pas un progrès, mais une régression pour une importante partie de la population structurellement intégrée chez nous, donc POUR TOUS ! Ceux qui continuent à la défendre au nom d'un idéalisme européen désincarné, a-historique, se trompent de projet et de vecteur. Pourquoi commettre ce grave contre-sens et prétendre y embarquer des forces appartenant au mouvement ouvrier ? "Leur" liberté de circuler n'a rien de libre, il s'agit d'une nouvelle politique de contingentement de la main d'oeuvre étrangère, à connotation raciste, guère plus soutenable que celle qui avait fait monter le nombre de saisonniers à 700.000 dans les années 60, avec toutes les divisions sciemment introduites - salaires, statut, permis, logement, regroupement familial - et qui ont laissé des traces de fracture dans le mouvement syndical en Suisse...

Rien n'est joué au Parlement il est vrai, mais à apporter de l'eau au moulin du OUI, on risque d'alimenter en carburant des projets politiques qui tournent le dos à nos objectifs de rassemblement des intérêts des travailleurs de TOUS LES PAYS, SANS EXCLUSIVE NI EXCLUSION (musclée). Heureusement que ces vaguelettes ne clapotent que dans les hémicycles fédéraux, et qu'il n'y a finalement pas de campagne pour le oui sur le terrain syndical. Il y a au moins des "signatures" et prises de positions de gauche, faibles elles aussi il est vrai, mais au moins visibles.

Peut-être que le débat devrait tourner autour du NON ou de l'ABSTENTION (quand on perd trop de plumes fondamentales dans le OUI).

Lors de la récolte de signatures référendaires au Marché de Renens au début mars, on s'est vite aperçu qu'il y avait aussi des xénophobes en masse dans le OUI à Schengen et le OUI à la "libre circulation"... pour mettre dehors "ceux qui n'ont rien à faire en Suisse" et "ne leur donner aucun espoir d'y prendre racine" (sic). Il n'y a pas d'un côté les "purs", partisans de l'ouverture yop-la-boum des frontières, et vive la liberté à l'état naissant, et les réactionnaires, xénophobes et repliés sur le bunker national de l'autre. Dans les 2 camps, il y a des gens qui souhaitent une circulation simplifiée des travailleurs, mais pas servie sur un plateau formaté par un patronat avide de dérégulation et de flexibilité tous azimuts. On peut déjà voir qu'il sera plus difficile cette année, avec la perspective d'un OUI majoritaire, de conclure des conventions collectives acceptables pour la main d'oeuvre déjà fortement multinationale et mondialisée telle qu'elle existe en Suisse.

Comme disait un Africain lors d'un débat sur les sans-papiers à la Fraternité de Lausanne : "la Suisse s'imbibe de capitaux des bourgeoisies africaines, sud-américaines, asiatiques...et ne comprend pas que les travailleurs de ces pays "suivent" naturellement ce mouvement de leurs "richesses nationales"... Ils pensent sincèrement qu'il y a quelque chose à glâner dans ce puissant pays où se déversent ce flux d'énergie venant de chez nous..."

Et maintenant la Suisse veut accumuler la richesse du monde, conserver le secret bancaire et refuser les travailleurs de ces mêmes régions du monde. C'est donc bien la circulation mondiale du CAPITAL qui est très prioritairement visée, avec la seule admission légalisée du TRAVAIL de l'Europe des 25 ... Punkt-Schengen-Schluss !

 

* Jacques Depallens est membre du groupe "Fourmi Rouge" à Renens

[1] Le texte de Jacques Depallens, paru dans Le Courrier du 6 avril, date du 16 mars.

Ce jour tombait la dépèche ATS suivante:

La nouvelle loi [sur les étrangers], dont l'examen se poursuivra jeudi, consacre la pratique du système binaire d'admission de travailleurs étrangers. Elle donne la priorité aux ressortissants de l'UE et de l'AELE et limite l'immigration extra-communautaire aux seuls travailleurs qualifiés.

Le texte fixe les conditions restrictives qui permettront à quelques milliers d'étrangers de venir en Suisse, en dehors de tous les Européens qui bénéficieront, en principe, de la libre circulation des personnes intégrale dès 2007, voire 2011, a résumé Christoph Blocher.

Suivant le conseiller fédéral, la majorité de droite, par crainte du résultat du vote du 25 septembre prochain sur l'extension de la libre circulation des personnes, a durci le ton. "Il s'agit de tenir compte des inquiétudes diffuses mais bien réelles de la population", a justifié Françoise Saudan (PRD/GE).

Contrairement au National, le Conseil des Etats a ainsi supprimé, par 18 voix contre 14, l'octroi automatique d'un permis d'établissement de longue durée aux étrangers vivant depuis au moins dix ans en Suisse. Dans la foulée, il a restreint les conditions de regroupement familial.

Autre durcissement par rapport au Conseil national, la majorité n'a pas voulu accorder un traitement de faveur aux sans-papiers vivant depuis plus de quatre ans en Suisse.

Le Conseil des Etats doit encore aborder le chapitre de l'intégration et les mesures de contrainte contre les étrangers. Celles-ci visent en particulier le domaine de l'asile, dont la révision de loi sera aussi débattue jeudi.

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