Suisse Union européenne
Sintégrer
à quelle communauté de projets ?
1.
Depuis le début de la décennie, une question hante le débat politique en Suisse : les relations avec lUnion européenne (UE). Les habitant·e·s de ce pays sont sommé·e·s de se situer par rapport à de fausses alternatives : « pro-européens » contre « anti-européens », «ouverture » contre « fermeture », «modernisme » contre « traditionalisme ». Les vrais enjeux doivent être formulés différemment. Pourquoi ?
2.
La Suisse des industriels, des financiers et des assureurs est déjà largement intégrée à lEurope. Les grandes firmes helvétiques et nombre de moyennes entreprises emploient des centaines de milliers de salarié·e·s au sein de lUE. Les associations patronales helvétiques participent activement à lUNICE, lorganisation patronale européenne.
Entre les politiques mises en place au sein de lUE et celles adoptées par les autorités helvétiques, la convergence est remarquable.
- Les privatisations des télécommunications, des postes, des chemins de fer, de lélectricité sont identiques. Les nouveaux trusts qui se bâtissent sur les dépouilles du service public nouent des alliances européennes ; les sociétés helvétiques y occupent leur place.
- La « flexibilité du travail » est un credo en Suisse comme au sein de lUE : horaires de travail en accordéon ; ouverture des commerces visant le « modèle américain », 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 ; recours au travail temporaire ; etc.
Lobjectif est le même partout : ajuster les salarié·e·s aux nouvelles exigences de rentabilité imposées par les grands actionnaires. Quand Michelin ou Sulzer «dégraissent», des salarié·e·s paient les pots cassés dans toute lEurope, et souvent au-delà.
- La Suisse est au diapason avec lEurope policière de Schengen. Les politiques à légard des demandeurs dasile sont étroitement coordonnées de manière à boucler les frontières face à ceux que lon traite comme de « nouveaux barbares », ces femmes et ces hommes « extra-communautaires » fuyant les persécutions et la misère.
Miser sur une « Europe sociale » contre une « Suisse rétrograde » na dès lors pas plus de sens que de compter sur de prétendus « acquis helvétiques » face à la déréglementation de « lEurope de Maastricht ».
3.
Il faut satteler à tracer une autre perspective : la réinvention à léchelle du continent dun bien commun répondant aux besoins fondamentaux de la majorité de la population.
Michelin, Sulzer, Alusuisse confirment que la bataille contre les licenciements est à mener à léchelle européenne ; comme celle de la diminution radicale du temps de travail et celle de la relance de lemploi.
Cest de même à léchelle européenne que sont à redéfinir des grilles pour un salaire minimal, un droit protégeant effectivement le travail, une sécurité sociale solidaire et des services publics rénovés.
Simpose dès lors le besoin dune nouvelle fiscalité, visant les divers gains de capitaux ; elle doit être instaurée à léchelle de lEurope et des pays de lOCDE, et mettre fin aux paradis fiscaux.
4.
Les fusions et les rachats donnent aujourdhui naissance à des empires industriels, financiers, commerciaux puissants, imposant leurs choix aux Etats comme à lUnion européenne.
Face à cette réalité, une double exigence se fait jour :
=> celle de lémergence dun mouvement social diversifié des salarié·e·s exprimant ses besoins dans lespace européen et sérigeant en pôles de contre-propositions et de contre-pouvoirs ;
=> celle de louverture dun processus aboutissant à une Assemblée constituante européenne dont les premières étapes seraient marquées par la réunion de divers « états généraux » : comme ceux des chômeurs et chômeuses pour le plein emploi ; ou ceux des femmes pour que le droit « à travail égal, salaire égal » passe dans la réalité.
Lentrée politique de la Suisse dans lUE est souhaitable dans la mesure où elle stimulerait une intégration des syndicats et des diverses associations à de telles initiatives européennes qui, même modestement, commencent à apparaître.
Le salariat vivant et travaillant en Suisse est déjà, grâce à limmigration, un des plus européens. Prendre appui sur cette réalité pour forger des liens avec les salarié·e·s luttant pour leurs droits dans le reste du continent, voilà un vrai défi pour le siècle prochain.