L’accompagnement patronal quotidien
La campagne pour le OUI de toutes les organisations patronales est la simple continuation de leur politique menée depuis des années face aux salarié·e·s.
• Entre 2001 et 2004, les demandes de travail du dimanche et de nuit sont en hausse de 75%! L’horaire annualisé – qui permet la flexibilité contrainte et le non-paiement des heures supplémentaire – a augmenté de 55%. Et pour remédier aux 50’000 places qui manquent dans les crèches en Suisse, le directeur de l’Union patronale, Peter Hasler, a une solution: « Les entreprises sont notamment prêtes à proposer des conditions de travail plus flexibles. » (24 heures, 28.6.05) Hasler est un des champions du OUI à la « libre circulation ».
• Dans l’hôtellerie-restauration, la nouvelle convention collective de travail (CCT) accepte une baisse de 280 francs par mois pour le personnel ayant un CFC (certificat fédéral de capacité) et sept ans d’expérience. Le nouveau président d’Hotelleriesuisse, Guglielmo Brentel, déclare que l’on pourrait payer 2000 francs des employés qui gagnent aujourd’hui 3150 francs brut par mois.
• Dans l’industrie des machines – dont l’organisation faîtière anime avec force la campagne pour le OUI – les patrons veulent réduire à quasi rien la réglementation du temps de travail. La mention d’un salaire minimum n’existe déjà pas. Dans cette branche, la CCT va ressembler de plus en plus à celle déjà imposée par l’ASTAG (Association suisse des transports routiers): ni salaire minimum ni temps de travail, et réduction des semaines de vacances…
• La Poste envisage de baisser les salaires des buralistes de 500 à 1200 francs par mois. On s’achemine vers une baisse généralisée des salaires chez le « géant jaune », avec des conditions de travail toujours plus dures et précarisées.
• La très large majorité des cantons mène des politiques d’austérité sociale et salariale. Le salaire au mérite devient une norme, avec les arbitraires que cela comporte. Les exécutifs réduisent les effectifs et augmentent la sous-traitance privatisée avec des bas salaires. Qui peut croire que ces autorités cantonales vont mener une bataille contre la sous-enchère salariale?
• Le Conseil fédéral a jeté vers l’assistance sociale 2000 chômeurs et chômeuses de la région lémanique et des Montagnes neuchâteloises en réduisant, d’un trait de plume, le nombre de jours d’indemnités de 520 à 400 (pour les moins de 50 ans). Un moyen pour les contraindre d’accepter n’importe quel boulot à n’importe quel salaire et conditions de travail.
Comme le reconnaît le directeur adjoint de l’Action sociale à Genève: « Leur âge et leur santé [dès 45 ans!] empêchent ces recyclés [qui ont participé à des cours de « recyclage »] de suivre un rythme de travail qui s’est accéléré. » (Le Temps, 15.6.05) La politique d’austérité de la Confédération aboutira à « produire » 28’000 chômeurs d’ici à 2010.
Comment croire que le Conseil fédéral va appliquer dans le futur des mesures d’accompagnement pour protéger les salarié·e·s?
• Pour le Centre patronal vaudois, le OUI doit permettre de donner « à notre pays et à nos entreprises les conditions-cadres pour prospérer » (Patrons, juillet-août 2005). Que signifie le verbe prospérer? Une explosion des profits (ils passent de 18,6 milliards en 2002 à 61 milliards en 2005 pour les sociétés cotées en Bourse) et une stagnation des salaires, comme le montre le graphique ci-contre. De plus, entre 2000 et 2004, les 26 firmes membres du SMI(indice de la Bourse suisse) ont distribué 74,8 milliards à leurs actionnaires (Finanz und Wirtschaft, 3.8.05).
Gauche et syndicats qui prônent le OUI, en mettant entre parenthèses ces faits, trompent les salarié·e·s ainsi que les chômeurs et chômeuses.
Les deux cercles et la xÉnophobie officielle
Les leaders économiques de l’UDC mènent la campagne pour le OUI. Le xénophobe de renom Philipp Müller, radical d’Argovie, fait de même. Il avait lancé l’initiative (soumise au vote en septembre 2000) visant à limiter à 18% la proportion d’étrangers dans la population résidant en Suisse et à durcir les mesures contre les requérants d’asile.
Pourquoi est-il pour le OUI? La réponse: « La libre circulation permettra d’améliorer la qualité de la main-d’œuvre et donc de l’immigration. Une immigration plus ‘suisso-compatible’. » (Le Temps, 26.7.05)
• Cette vision des choses recoupe « la politique migratoire » du Conseil fédéral et de Blocher. Le Rapport de l’Observatoire de la libre circulation des personnes (juin 2005) insiste sur un fait: l’augmentation de l’immigration en provenance de l’UE à 25 est « contrebalancée par une diminution de l’immigration en provenance des pays classés Etats tiers. » C’est-à-dire des Etats extra-européens.
Voilà un objectif affirmé des autorités fédérales. Il s’appuie sur trois piliers: la Loi sur les étrangers (LEtr) et la Loi sur l’asile (LAsi), pour « contrôler » les migrations extra-européennes; l’extension de la libre circulation à l’UE des 25 pour capter une main-d'œuvre qui offre les « meilleures conditions possibles aux entreprises » (Joseph Deiss).
• Un OUI qui reposerait sur la seule volonté de combattre la xénophobie fait deux fois fausse route.
Il ignore la réalité effective de la « politique migratoire » du Conseil fédéral et du patronat.
Il invoque un droit fondamental, tout à fait juste: le droit des salarié·e·s à circuler librement. Mais, il oublie que ce droit fondamental doit être indissolublement lié à des droits sociaux et syndicaux.
Ces derniers, renforcés, donneront à la libre circulation la portée d’un droit réel des salarié·e·s. Ils permettront de lutter contre la xénophobie et faciliteront la bataille pour une régularisation des « sans-papiers ».
Par contre, la « libre circulation » réclamée par le patronat et les autorités servira à favoriser la mise en concurrence des salarié·e·s entre eux et à accroître la sous-enchère salariale, suscitant ainsi des heurts xénophobes.
Des raisons de plus pour dire NON et exiger que les propositions soumises lors d’une prochaine votation lient étroitement le droit à la libre circulation à d’efficaces mesures de protection de tous les salariés.
« Clause guillotine » ou plan B ?
Les partisans du OUI – le patronat en priorité – lancent une menace aux électrices et électeurs: « Si le NON passe, tous les accords avec l’UE seront liquidés et ce sera la catastrophe économique. »
La réalité est différente. Tout d’abord, la décision doit être prise à l’unanimité des 25 Etats, et plus d’un est intéressé aux accords avec la Suisse. Ensuite, comme doit le concéder dans son éditorial le principal organe de presse du OUI, la Neue Zürcher Zeitung: « Si la Suisse refuse d’étendre la libre circulation des personnes, elle risque en toute dernière instance que l’UE dénonce l’ensemble des accords bilatérauxI. Cela n’arrivera pas nécessairement tout de suite, car des Etats de l’UE aussi profitent amplement des accords bilatéraux avec la Suisse. » (25-26.6.05) Enfin, comme le dit Peter Bodenmann, ex-président du PSS: « Si le peuple dit NON, il faut un deuxième tour avec des mesures d’accompagnement plus dures. » (Blick, 6.7.05)
Les menaces brandies par le patronat et les autorités relèvent du chantage antidémocratique.
Mesures d’accompagnement: croire au miracle?
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