POUR TOUTES ET TOUS
 
 

LE DROIT DE RESTER. DANS LA DIGNITÉ !

Droit de rester

En Suisse, les requérants d’asile déboutés, les personnes frappées de non-entrée en matière n’ont pas le droit de travailler. Elles vivent dans des logements collectifs avec une aide d’urgence insuffisante pour vivre dans des conditions minimales de dignité.

Ceux et celles qui ont obtenu une admission provisoire ont peu de possibilités de trouver un travail – ou une place d’apprentissage – et un appartement.

Sans droits, toutefois, les sans-papiers vivent et travaillent sans disposer du minimum de sécurité qui donne une dignité élémentaire à la vie sociale et au travail. La menace de l’expulsion pèse sur eux tous les jours.

Le droit de rester et les droits qui vont avec

Le droit de rester pour tous et tou­tes signifie concrètement:
• la régularisation collective de tous les sans-papiers ;
• un permis d’habiter automatique pour toute personne qui vit ou travaille en Suisse, c’est-à-dire produit une richesse sociale dans ce pays ;
• l’arrêt de toute expulsion des personnes – et de leurs familles – venant travailler en Suisse, que leur travail soit qualifié ou non ; que ces personnes aient un travail salarié ou qu’elles aient une activité sociale, y compris celle de mendiant reconnue par les Eglises depuis des siècles ;
• l’arrêt des expulsions des requérants d’asile, déboutés ou contre lesquels a été prononcée une non-entrée en matière, ainsi que des per­sonnes admises provisoirement ;
• l’arrêt de la pratique de la double peine: expulsion d’un étranger, toutes catégories confondues, après qu’il se soit fait infliger une peine d’incarcération suite à un délit ;
• le droit au regroupement familial pour tout étranger habitant en Suisse – quelle que soit sa manière d’habiter –, et le droit aux prestations des assurances maladie, accidents ainsi qu’à l’aide sociale ;
• l’arrêt de l’inquisition contre les mariages concernant un partenaire vivant à l’étranger, une personne au statut précaire ou encore susceptible d’être expulsée ou sans papiers ;
• l’arrêt du conditionnement de l’attribution d’un permis de séjour à des exigences moralistes d’intégration ;
• la mise en pratique d’une réelle politique interculturelle d’intégration: mise à disposition, sans con­dition, de moyens réels d’apprendre à connaître la culture – au sens large – de l’autre par l’autre ; la reconnaissance des formations scolaires et professionnelles acquises dans le pays de provenance ainsi que des nombreuses langues parlées effectivement. Ces langues ne peuvent être réduites aux trois langues nationales principales et à l’anglais, mais doivent inclure la richesse des langues pratiquées par les immigré·e·s.

En réalité, une grande partie de ces droits se recoupent avec les droits fondamentaux qui doivent être reconnus à l’ensemble des salarié·e·s et de leurs familles, quel que soit leur statut légal en Suisse. Les atteintes aux droits sociaux contre les salarié·e·s établi·e·s seront d’autant plus facilement acceptées que sera validée la politique de non-droit appliquée à des dizaines de milliers de personnes qui vivent et participent à la production de richesses sociales dans ce pays.

Droit aux soins et à un salaire conventionnel

Actuellement plus de 75 % des sans-papiers sont sans couverture d’assurance-maladie. Les personnes déboutées et celles frappées de non-entrée en matière sont pour l’essentiel mises à l’écart du droit à des soins. Seuls les cantons de Berne, Fribourg, Genève et Zurich disposent de réseaux – très inégaux – permettant de leur assurer des soins. Certes, il faut que les personnes concernées osent s’adresser à ces structures et le climat répressif a pour but de les décourager.

Plus de 80 % des accouchements de femmes sans papiers se passent sans aucune préparation ni suivi médicaux. Les conditions permettant à ces secteurs sociaux ultra-précarisés de s’affilier à une assurance-maladie ont encore été durcies. Le principe d’affiliation de toute personne vivant en Suisse est remis en cause par le nouveau principe officiel: «des abus mani­festes que commettraient des personnes qui chercheraient à profiter des prestations de l’assurance-maladie le temps d’un traitement médical spécifique en Suisse». Voilà ce que déclare un récent arrêt du Tribunal fédéral (ATF 9C_217 / 2007, rendu en avril 2008).

Sur le plan salarial, le salaire moyen d’un sans-papiers est évalué autour de 1000 à 1600 francs par mois, mais officiellement cela n’existe pas… L’Office fédéral de la statistique n’en tient pas compte dans sa très officielle et très fictive statistique des salaires.

Systématiser la répression légale

L’arsenal législatif contre les sans-papiers s’est gravement alourdi. Ainsi, de nouvelles lois, depuis 2007, fabriquent encore plus de sans-papiers. La nouvelle loi contre le travail au noir a été acceptée par les syndicats, bien qu’elle consolide les bases légales d’une véritable chasse aux salarié·e·s sans-papiers. Quant aux nouvelles lois sur les étrangers et sur l’asile – entrées en vigueur en 2007 et en 2008 –, elles font tourner à plein régime l’usine à produire des sans-papiers.

En juillet 2008, la loi liberticide sur l’usage de la contrainte vise les «ex­pulsables», mais aussi les citoyennes et citoyens suisses «sous déplacement pénitentiaire». Elle légalise un vaste éventail d’instruments de violences policières ainsi que certaines formes de torture, comme le pistolet Taser, qui a été qualifié de la sorte par de nombreuses organisations de défense des droits de la personne humaine.

La Suisse est entrée aussi de plain-pied dans l’Union européenne du fichage, des empreintes digitales et biométriques, des expulsions et des enfermements d’immigrés illégaux, sans-papiers, requérants d’asile déboutables ou déboutés et des étrangers en procédure d’expulsion. Les pays de l’Union européenne et la Suisse enferment en permanence des immigré·e·s par dizaines de milliers.

Il est clair que la pression est mise ici sur les 100 000 à 200 000 sans-papiers, sur les requérants d’asile frappés d’une non-entrée en matière ou déboutés, sur leurs proches avec ou sans papiers et… sur les Suisses qui n’obéissent pas strictement à ce que l’on nomme l’ordre établi.

Au début de l’été 2008, se plaçant sur le terrain de la sécurité balisé par tout l’éventail de la droite, la direction du Parti socialiste a proposé que son Congrès d’octobre adopte une orientation qui reprend, en substance, les thèmes de propagande des partis que le PS côtoie quotidiennement au Conseil fédéral (voir le texte de discussion «Sécurité publique» présenté par le Comité directeur du PSS).

Des revendications concrètes, mais fondamentales

Ce ne sont pas seulement ces lois qui empêchent ces personnes très précarisées et leurs familles de vivre, dans l’immédiat, plus dignement. En effet, les expulsions se suivent et se ressemblent. Qu’est-ce qui empêche les cantons à majorité de «gauche», comme Genève, par exemple, de ne pas procéder pratiquement aux expulsions ? Rien… si ce n’est la totale acceptation de lois bourgeoises qui ont, le plus souvent, un caractère d’exception. A cela s’ajoute l’orientation politique qui, depuis des décennies, implique de ne pas rejeter des lois et mesures multipliant les catégories de salarié·e·s et visant à les diviser.

Ainsi, les jeunes sans-papiers sont empêchés de faire un apprentissage, le CFC ne pouvant pas leur être délivré selon les normes «fédérales». Or, qu’est-ce qui empêcherait les cantons ou les villes ayant des majorités de «gauche» et «humanistes», de délivrer des certificats cantonaux de capacité (des CCC) ou des certificats municipaux de capacité (CMC) ? Cela en reconnaissance officielle des apprentissages accomplis par des jeunes sans-papiers ? Rien… si ce n’est les raisons que nous avons déjà mentionnées.

Les hyper-précarisé·e·s n’ont pas droit aux soins ou en ont un accès très limité. Qu’est-ce qui empêcherait les autorités cantonales d’accepter que ces catégories de la population accèdent intégralement aux soins, à l’échelle cantonale ? Rien… si ce n’est les raisons déjà mentionnées, saupoudrées de xénophobie entretenue.

Qu’est-ce qui empêche les employeurs favorables à une politique purement utilitariste de l’immigration au plan économique de manifester une volonté de «régularisation» conjointe des permis et des salaires ? Rien… si ce n’est, en l’occurrence, l’utilisation de la précarisation comme instrument d’abaissement des salaires, cela d’autant plus dans une situation où la sous-traitance acquiert une place de plus en plus importante.

Si l’on ne veut pas se limiter à des dénonciations générales, certes nécessaires, l’ensemble des organisations et associations favorables aux pleins droits politiques, sociaux et économiques, se devraient de se mobiliser sur ces revendications limitées mais concrètes. Toutes renvoient à des droits fondamentaux. Toutes peuvent servir de bras de levier pour lutter contre la sélection de l’immigration choisie, contre la sélection de la clandestinité imposée, contre la sélection de la régularisation et de l’expulsion choisies, mais aussi pour lutter contre le danger de la résignation.

Samedi 13 septembre 13 h 30,
à Berne, Schützenmatte
Manifestation nationale

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(2 septembre 2008)

 
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