Neuchâtel
 
 

La rentabilité financière contre l'emploi

José Sanchez

«Richemont fait le ménage chez Cartier» titrait le quotidien neuchâtelois L'Impartial du 6 juin. La brutalité de cette annonce est une parfaite illustration de l'arrogance de ces capitalistes soi-disant «raffinés». Le groupe d'articles de luxe Richemont (marques  Dunhill, Mont-Blanc, Baume & Mercier, Cartier, Piaget, IWC, Jaeger-Lecoultre, Vacheron-Constentin, Van Cleef) - contrôlé par la plus grande famille capitaliste sud-africaine d'origine non-anglaise, les Rupert, qui a implanté, depuis longtemps, son holding centralisant tous ses investissements dans le canton de Zoug - a réalisé lors de l'exercice 2002/2003 un chiffre d'affaires de 5.6 milliards de FS et un bénéfice net de 986 millions de FS, soit un recul de 22% par rapport à l'exercice précédent. Remarquons que cela fait tout de même un retour sur investissement de 17%. Appréciable. Commentaire du groupe: cela a représenté «une année très difficile». Les chômeurs et les précaires apprécieront....

Au vu de ces difficultés, des «mesures» (lisez licenciements) ont été décidées. Fermeture de l'usine de Villeret (jura bernois), avec 20 à 30 licenciements et 80 emplois «transférés» à la Chaux-de-Fonds. A l'usine ultra-moderne de Plan-les-Ouates (Genève), 50 à 60 licenciements. A l'usine tout aussi ultra-moderne de la Chaux-de-Fonds (700 employés), 70 à 80 licenciements. Le plan social annoncé représente 60 millions, soit 6% du bénéfice de 2002/2003. Un exemple de générosité !

Il faut savoir en outre que dans l'arc jurassien, les entreprises qui s'y établissent bénéficient d'exonérations d'impôts pendant plusieurs années, de prix de terrain avantageux, et d'aides publiques, proportionnelles au nombre d'emplois créés initialement (jusqu'à 40'000 FS par poste de travail). L'usine Cartier de Villeret a été construite en 1992. Est-ce parce que le groupe Richemont devait commencer à payer des impôts qu'elle a été fermée, ce d'autant plus que la légèreté fiscale est bien connu du groupe qui profite de l'hyperparadis fiscal de Zoug pour son holding ?

Preuve de la considération de nos «chers» investisseurs envers les autorités politiques, le maire de la commune de Villeret a appris la nouvelle ... par la radio !

Et ce n'est pas uniquement la «petite» commune de Villeret qui a été traité comme moins que rien. Le secrétaire du «puissant» partenaire et syndicat FTMH sera «informé» mercredi soir des licenciements qui seront annoncés le lendemain matin ! Le conseiller d'Etat neuchâtelois Bernard Soguel sera moins heureux, il sera «officiellement» informé jeudi matin. Pas de doute, la «concertation» et le «partenariat» si chers à la FTMH et aux PSN (Parti socialiste neuchâtelois) se portent bien.

Réaction du conseil communal de Villeret: «Devons-nous continuer d'accorder des privilèges à des entreprises pour qui l'aspect humain semble ne plus avoir de valeur ?» (L'Impartial, 6.6.2003). Hé oui, la seule valeur pour ces investisseurs et les actionnaires du groupe sont les dividendes.

La défense des droits et des intérêts des travailleurs de l'horlogerie doit se faire sans aucune considération des actionnaires de Richemont. Pourquoi le plan social ne représenterait-il pas l'ensemble des bénéfices du groupe, soit les 986 millions de FS? Pourquoi continuer à distribuer des dividendes et des licenciements ?

(8 juin 2003)