N°8 - 2002

La Russie après le 11 septembre

Poutine, petit soldat
de la mondialisation libérale

Les événements du 11 septembre 2001 ont fourni à Poutine une occasion rêvée d'accélérer le retour de la Russie sur la scène internationale: partenaire reconnu de «l'alliance contre le terrorisme», il a, depuis, multiplié les initiatives en politique extérieure. Cette démarche est cohérente avec la continuation des réformes libérales sur le plan intérieur. Mais cohérence toutefois ne veut pas dire succès. Le «bon élève» Poutine doit encore faire ses preuves.

Denis Paillard*

Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter à 1999, quand Poutine est choisi par la «Famille» - le clan Eltsine et ses oligarques alliés, de Boris Berezovski à Anatoli Tchoubaïs - comme celui qui, à l'heure d'une succession à hauts risques, assurera la continuité. De fait, la situation est pour le moins critique: pour reprendre la formule de Moshe Lewin 1, en Russie il n'y a «ni Etat ni économie» et le pouvoir en place est totalement discrédité. Les dix années de réformes sauvages écoulées ont vu la confiscation de la quasi-totalité des richesses du pays au profit d'une infime minorité («le plus grand hold-up du siècle», selon Moshe Lewin). Cette phase d'accumulation primitive du capital a donné naissance à un capitalisme sauvage, prédateur autant que maffieux, essentiellement spéculatif. Ceux que l'on appelle les oligarques sont les bénéficiaires de cette politique: on les trouve dans le secteur bancaire, les médias, le pétrole, l'énergie, les métaux non ferreux (aluminium), etc. Ces nouveaux empires n'ont pu se constituer que grâce à un pouvoir directement partie prenante de cet accaparement sauvage et largement représenté dans les nouvelles compagnies.

Cette politique a été menée sous la houlette du FMI et de la Banque mondiale qui, dès le début des années 90, avaient clairement fixé les objectifs de la «transition»: désindustrialisation massive 2, ouverture du marché russe aux firmes occidentales, désengagement de l'Etat du secteur de la protection sociale, privatisation de la santé et de l'éducation, mesures qui ont transformé la Russie en véritable polygone de la mondialisation libérale. Et à la fin des années 90, les représentants du FMI et de la Banque mondiale réclamaient toujours plus de réformes dans les secteurs qui jusqu'ici avaient échappé au raz-de-marée: privatisation des secteurs des télécommunications, des chemins de fer, réforme de la politique du logement, loi sur la vente de la terre, réforme du Code du travail, etc.

Avec les échéances électorales de décembre 1999 (élections à la Douma) et du printemps 2000 (élection présidentielle), la question de la pérennité d'un pouvoir dont la politique avait eu des conséquences tragiques pour le pays se posait de façon aiguë: comme en témoignaient tous les sondages et enquêtes d'opinion, la majorité de la population, entraînée dans une catastrophe sociale vécue par beaucoup comme irréversible, ne reconnaissait plus aucune légitimité au pouvoir en place. A l'été 1999, ce refus se cristallisait autour du bloc électoral «Patrie - Toute la Russie», mené par Youri Loujkov, le maire de Moscou, et Evgueni Primakov [ex-premier ministre de septembre 1998 à mai 1999, date à laquelle il a été limogé par Eltsine], dont le programme affirmait la nécessité de restaurer l'Etat, d'affirmer l'indépendance de la Russie, de relancer la production et la consommation intérieure.

Ce programme, s'il ne constituait pas une véritable alternative, posait la question d'une pause dans la politique de réformes. La menace était sérieuse pour ceux qui avaient privatisé l'Etat et l'économie à leur seul profit. Mais les stratèges du Kremlin, avec le déclenchement de la guerre en Tchétchénie, ont réussi à masquer les véritables enjeux électoraux au profit d'une logique de «l'homme fort providentiel», s'affirmant grâce à une guerre face à un ennemi extérieur. La réussite d'un tel scénario témoigne à sa façon de l'état réel du pays, où une population assommée par dix années de réformes était en proie à un désespoir social et politique profond: l'apathie et le désintérêt pour la chose publique avaient, de façon massive, pour corrélat l'idée que l'arrivée au pouvoir d'un homme fort constituait la seule issue à la crise.

Les convictions libérales du président élu au printemps 2000 sont incontestables, c'est lui qui, dans les années 90, a mené les privatisations à Léningrad [aujourd'hui Saint-Pétersbourg] sous l'égide du très libéral Anatoli Sobtchak [maire de 1990 à 1996, aujourd'hui décédé]. Si son adhésion au programme libéral ne fait aucun doute, Poutine a compris très vite que la continuation des réformes passait par la reconstitution d'un espace de pouvoir qui ne se réduise pas à un lieu où convergent toutes les pressions, qu'elles viennent des oligarques, des régions ou encore des institutions financières internationales. Dans cette entreprise, la Constitution adoptée sous Eltsine (après le coup d'Etat de 1993 contre le Parlement) et qui concentre tous les pouvoirs entre les mains du président offrait un cadre idéal. Et, sur ce plan, Poutine a incontestablement marqué des points.

L'Etat poutinien

En deux ans, Poutine a réussi à formater à son seul profit tout l'espace socio-politique, qu'il s'agisse des partis, des syndicats, des médias ou encore des régions. Une telle réussite s'explique en grande partie par le fait que les années 90 n'ont pas vu l'émergence d'un «système politique» en tant qu'ensemble d'organisations (partis, associations, syndicats) ancrées dans la société et qui fondent un espace d'interaction entre la société et le pouvoir 3.

Disposant de la majorité à la Douma à l'issue des élections de décembre 1999, Poutine va la réduire à une simple chambre d'enregistrement 4. En décembre 2001 se crée le parti du président Russie unie,où vient se dissoudre l'ancien parti des «opposants» Youri Loujkov et Evgueni Primakov 5. Et en avril 2002, Poutine s'est offert le luxe d'écarter le Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR) des présidences des différentes commissions qu'il détenait à la Douma. Pourtant, jusqu'ici, le parti de Guennadi Ziouganov avait été avant tout soucieux de manifester sa loyauté à l'égard du président, lui proposant régulièrement ses services afin de l'aider à se dégager de l'emprise des oligarques et autres forces «antinationales». Cet événement pourrait n'être qu'anecdotique, s'il n'avait provoqué une crise au sommet du PCFR. Ziouganov qui avait immédiatement réclamé l'exclusion de Guennadi Seleznev, dirigeant du PCFR qui refusait de démissionner de son poste de porte-parole de la Douma, ainsi que de deux autres dirigeants, Goriatcheva et Goubenko, qui avaient négocié leur maintien à la présidence de leur commission, n'a obtenu satisfaction qu'après deux mois de batailles au sommet et à une majorité très relative - ce qui est contraire aux votes unanimes qui sont la règle dans ce parti.

Poutine a remporté un succès sur le front syndical en obtenant un soutien sans faille de la FNPR 6 lors du vote du nouveau Code du travail (voir ci-dessous). En échange, la FNPR a retrouvé son statut d'unique partenaire syndical du pouvoir, les syndicats alternatifs se trouvant rejetés hors de tout espace de négociations. Pour sceller ces retrouvailles, Poutine était présent à l'ouverture du dernier congrès de la FNPR (novembre 2001) et dans le cortège syndical du 1er mai, des manifestants brandissaient le portrait de Poutine.

Au moment de son élection, Poutine avait déclaré vouloir remettre à leur place les oligarques qui prétendaient se placer au-dessus des lois. Sur le plan économique, nous y reviendrons, rien n'a été fait qui risque de porter atteinte à leurs intérêts, même en ce qui concerne les oligarques (comme Vladimir Gousinski et Boris Berezovski) brouillés avec le Kremlin. Mais des pressions ont été faites pour qu'ils mettent un terme à des pratiques trop brutales en ce qui concerne la «redistribution» de la propriété issue de la première vague de privatisations 7. Dans le cadre de cette «mise à distance» 8 des oligarques, l'Union des industriels et des entrepreneurs de Russie, qui dans les années 90, regroupait les entrepreneurs «patriotes» sous la houlette d'Arkadi Volski, s'est transformée en un embryon d'organisation patronale, type MEDEF en France, où l'on trouve les oligarques et les entrepreneurs «patriotes», et qui est chargée de faire entendre la voix des «maîtres de l'économie». Selon la Literatournaya Gazeta (mai 2002), les membres du directoire contrôlent trois quarts des richesses du pays et produisent quatre cinquièmes du PIB.

Autre initiative du président: en décembre 2001, un Forum citoyen réunissant 5000 délégués se réunissait au Palais des congrès, situé dans l'enceinte du Kremlin. La très grande majorité des associations et ONG, y compris le Mémorial (pourtant fortement opposé à la guerre en Tchétchénie 9), étaient présentes, cautionnant l'entreprise lancée par G. Pavlovski, ancien dissident devenu président du Fonds de la politique efficace et conseiller de Poutine, et qui vise à inscrire la «société civile» dans l'espace du pouvoir.

On a beaucoup fait de bruit en Occident à propos de la mise au pas des médias, en premier lieu de la chaîne de télévision NTV, propriété d'un oligarque, Gousinski, envahi, ainsi que les journalistes de sa chaîne, de sentiments oppositionnels et démocratiques suite à sa brouille avec le pouvoir et son exil forcé à l'Ouest10. Par contre, plusieurs journalistes indépendants, d'Andreï Babitski à A. Politkovskaïa, ont fait l'objet de pressions et menaces répétées, plusieurs journalistes (11 en 2001, 6 depuis le début de 2002 !) sont morts dans des conditions plus que suspectes (le dernier en date est A. Ivanov, journaliste de Toliatti, assassiné le 30 avril 2002, pour s'être intéressé de trop près aux pratiques maffieuses en relation avec l'usine AvtoVAZ [usine automobile de la Volga]). Dans aucune de ces affaires la lumière n'a été faite. L'étranglement financier des rares journaux indépendants est un autre moyen utilisé: le bihebdomadaire Novaya Gazeta s'est vu condamné en avril à une amende de 500 000 dollars lors d'un procès en diffamation.

La Russie s'appelle Fédération de Russie, mais le fédéralisme actuellement n'est plus à l'honneur. Sous Eltsine, la politique officielle se résumait par la formule «prenez autant d'autonomie que vous pouvez». Et de fait, nombre de régions avaient cherché à s'autonomiser, se dotant d'une législation particulière (souvent en contradiction avec la législation fédérale) qui visait à garantir les intérêts des élites politiques et économiques locales 11 et avaient mis en place des stratégies de contournement du centre, notamment sur le plan des liens économiques avec l'extérieur. Poutine, dès son arrivée au pouvoir, a mis fin à ces tendances centrifuges en utilisant les méthodes les plus diverses. Policières: en tant qu'ancien du FSB (le successeur du KGB), il a suffisamment de dossiers sur chaque gouverneur pour ramener «à la raison» ceux qui persisteraient à manifester trop d'indépendance. Judiciaires: des procureurs ont été détachés pour veiller à la mise en conformité des législations locales avec la législation fédérale. Administratives: sept «super-gouverneurs», représentants directs du pouvoir central, ont été nommés pour coiffer les régions. Financières: un grand nombre de régions sont très dépendantes sur le plan financier, et le chantage aux ressources est une arme efficace. Electorales: lors des élections aux postes de gouverneur, le candidat du pouvoir bénéficie d'un soutien logistique sans faille et qui s'embarrasse fort peu du respect de la légalité ; un exemple récent est l'Ingouchie (dont l'ancien président était hostile à la guerre en Tchétchénie) où le candidat du pouvoir, un ancien du FSB, a été élu dans des conditions plus que douteuses 12. En même temps, cet arsenal de mesures n'a pas pleinement réussi à réduire les régions qui sont toujours dans une guerre sourde avec le «centre». La lecture de l'hebdomadaire Rossijsskaïa Federacija Segodnja(«la Fédération de Russie aujourd'hui»), publié sous les auspices du Sénat (la deuxième Chambre qui est composée des représentants des sujets de la Fédération), est très révélatrice de la persistance et de l'ampleur des tensions et conflits.

La seule tache au tableau de chasse du Kremlin est la guerre en Tchétchénie. Après deux ans de massacres, le Kremlin a fait la preuve de son incapacité à gagner ce qui a toujours été présenté comme une simple opération «antiterroriste». Cette guerre d'extermination, menée contre tout un peuple, se déroule dans l'indifférence la plus totale, tant en Russie, où les forces antiguerre (Comités des mères de soldats, Mémorial et gauche radicale) ont énormément de peine à faire entendre leurs voix, qu'à l'échelle internationale, où les initiatives de solidarité sont restées dérisoires. De plus, au lendemain du 11 septembre, dans le cadre de la croisade internationale contre le «terrorisme» Poutine a obtenu le feu vert des puissances occidentales 13. Mais le bourbier tchétchène demeure: le pays est entièrement détruit, l'administration fantoche est impuissante, plus de 200 000 réfugiés s'entassent dans des camps en Ingouchie 14, l'armée russe vit sur le pays multipliant les exactions: viols, assassinats, enlèvements en toute impunité 15. R. Khasboulatov, ancien président du Parlement de Russie (avant 1993), lui-même de nationalité tchétchène, opposé à la guerre tout en étant profondément hostile aux indépendantistes, a déclaré ce printemps dans un journal russe que désormais la séparation entre la Russie et la Tchétchénie était inévitable. Et il est sûr que les autres peuples du Caucase ont eux aussi tiré des leçons du traitement infligé par la Russie au peuple tchétchène.

Le tableau de cette «normalisation» peut paraître bien sombre. Et il est sûr que des pôles de résistance se maintiennent, mais de façon morcelée et peu coordonnée. La réforme du Code du travail a donné lieu à une relative mobilisation des syndicats alternatifs autour d'un contre-projet. Prolongement indirect de ce mouvement, s'est créé en janvier le Parti du travail dont les forces viennent principalement des syndicats qui ont participé à la campagne autour de la réforme du Code du travail. Par ailleurs, les thèses du mouvement contre la mondialisation libérale connaissent un certain écho en Russie, dans le mouvement syndical mais aussi dans une partie de la jeunesse (depuis quelque temps, on assiste à une repolitisation du milieu étudiant). A côté des organisations «Le monde n'est pas une marchandise» et «Contrôle démocratique», basées à Moscou, sont apparus dans une dizaine de villes de province des groupes qui se réclament du mouvement antimondialisation.

Une économie dépendante dominée par les oligarques

Il est difficile de porter au crédit de Poutine l'élaboration d'un programme économique. Dans son Adresseà la Douma et au Sénat faite ce printemps, il se contente de formuler des vúux pieux («la Russie doit redevenir un pays riche») et des injonctions adressées au gouvernement, sommé de revoir à la hausse les taux de croissance. En fait, la politique suivie se présente comme la poursuite mécanique de la politique de réformes menée dans les années 90.

Au cours des deux dernières années, on a beaucoup parlé d'un retour à la croissance, mais cette relance de l'économie est en fait largement surestimée. Elle a concerné en partie l'industrie alimentaire et textile, mais surtout les secteurs travaillant pour l'exportation, à commencer par le pétrole et le gaz, la Russie ayant largement profité de la hausse des prix du pétrole en 2001.

Les chiffres publiés pour le début de l'année 2002 sont pour le moins inquiétants. Selon les Izvestia (supplément financier du 14 mai 2002), la baisse de la demande sur la production intérieure amorcée en novembre 2001 s'est poursuivie au premier trimestre, pour s'approcher de zéro dans certains secteurs, situation comparable à celle qui avait suivi le krach financier de l'été 1998. Toujours selon les Izvestia, de nombreuses entreprises connaissent de sérieux problèmes de liquidités et les relations non monétaires entre entreprises se multiplient. La dette salariale dans le secteur privé a augmenté de 5 % entre le 1er février et le 1er mars de cette année et un grand nombre d'entreprises annoncent des réductions d'effectifs.

Les investissements étrangers dans le secteur de la production se font toujours attendre: en 2001 ils s'élevaient à 3 milliards de dollars (soit trois fois moins qu'en Pologne pour la même période). Depuis un an, le gouvernement russe a multiplié les initiatives en direction des investisseurs potentiels (cf. l'organisation, en octobre 2001, d'une session du Forum de Davos à Moscou et, ce printemps, le défilé à Moscou des représentants des principaux fonds de pension américains). Mais en dehors d'encouragements et de certificats de bonne conduite, ces réunions n'ont, pour l'instant, débouché sur aucune annonce concrète d'investissements. Par contre, l'évasion des capitaux se poursuit à un rythme aussi soutenu que dans les années Eltsine (certains spécialistes parlent même d'une augmentation).

La situation dans le secteur pétrolier (où la Russie prétend occuper la place de premier producteur mondial) est révélatrice de la façon dont les oligarques pillent les richesses du pays. Au cours des dernières années, le secteur a travaillé essentiellement en fonction des exportations, en dehors de toute gestion rationnelle. L'exploitation des gisements s'est faite sans aucun souci de reconstitution des réserves, qui ont baissé de 12 à 13 % (de 18 % en Sibérie orientale). En ce qui concerne les puits en exploitation, leur nombre correspond à 20 % de celui de 1992. Quant aux investissements, ils n'ont été réalisés, pour la période 1995-2000, qu'à 20 % de ce qui était prévu. Les moyens mis en úuvre pour la prospection ont été divisés par 10 et les trois quarts du matériel utilisé sur les gisements sont «à bout de souffle». Les experts chiffrent à 10 ou 15 milliards de dollars les investissements à faire dans le secteur dans la période 2000-2005, mais on voit mal qui les prendrait en charge 16. Les compagnies pétrolières privées ou avec participation de l'Etat sont uniquement intéressées à maintenir ou à augmenter la production en vue des exportations, sans aucun souci de l'avenir. L'Etat, dont le budget est alimenté à 50 % par les taxes provenant du secteur énergétique, est lui-même intéressé à la poursuite de la politique actuelle: en 2001, l'excédent budgétaire, né des taxes sur les exportations, s'élevait à 40 milliards de dollars, qui ont permis d'assurer le remboursement de la dette extérieure, y compris par anticipation.

Ce printemps, le gouvernement a annoncé l'actionnarisation des chemins de fer: dans un premier temps, l'Etat sera propriétaire de l'ensemble des actions qui, dans un second temps, seront mises en vente sur le marché 17. Cette privatisation des chemins de fer, conforme aux exigences du FMI et de la Banque mondiale, est en fait déjà engagée de façon sauvage: dans une interview donnée aux Izvestia (8 mai 2002), le responsable de la police des transports rapporte, entre autres scandales, que trois anciens adjoints de l'actuel ministre des Transports et un adjoint toujours en fonctions font l'objet de poursuites, sans parler des nombreux responsables régionaux également inculpés - et ce n'est que la partie visible de l'iceberg...

La politique de privatisation est désormais acquise concernant les terres agricoles. La loi autorisant la vente du sol sera votée lors de la session de printemps - le projet de loi prévoit qu'en principe les capitaux étrangers ne pourront avoir accès à ce secteur, mais l'expérience prouve que de telles interdictions ne sont pas difficiles à contourner 18.

Présentée comme une priorité au nom de la «dictature de la loi», la lutte contre le capital maffieux (qui, selon les estimations officielles, contrôle 40 % de l'économie) reste largement lettre morte. La seule mesure concrète adoptée a été la fixation d'un taux unique d'impôt sur le revenu (13 %), censé inciter les non-payeurs à réintégrer la légalité. Mais la corruption, de l'avis général, est un moyen beaucoup plus efficace et largement utilisé pour poursuivre ses affaires en toute illégalité. Surtout que la Russie ne s'est toujours pas dotée d'une législation anticorruption: les affaires sont traitées au cas par cas, ce qui laisse la possibilité d'enterrer les affaires gênantes.

Récompense de sa participation à la croisade antiterroriste, la Russie doit entrer dans l'OMC en 2003-2004. Une telle adhésion risque d'avoir des conséquences dramatiques pour une économie incapable d'affronter la concurrence, qu'il s'agisse de l'agriculture ou de l'industrie. Dans un article publié récemment dans le journal Fédération de Russie Aujourd'hui, un spécialiste estime que l'entrée à l'OMC signifiera la disparition de 50 à 60 % des entreprises industrielles et d'environ 80 % des exploitations agricoles, entraînant une véritable explosion du chômage (30 millions de chômeurs).

Une politique sociale ultralibérale

Selon la Constitution, la Russie est un «Etat social», ce qui en principe suppose que l'Etat garantisse à la population un minimum de bien-être. La politique suivie par Poutine depuis son élection a consisté à remettre en cause de façon systématique tout ce qui pouvait rester (au moins formellement) de droits et de garanties sociales. Evgueni Gontmacher, responsable du développement social dans le gouvernement de Mikhaïl Kassianov, déclarait: «Il est indispensable de transférer les dépenses sociales de l'Etat au citoyen» (interview au quotidien Kommersant, 21 juin 2000). Cette formule définit bien la politique suivie.

Lors de la session du printemps 2000, la Douma a adopté une loi instaurant un «impôt social unique» collecté par l'Etat qui remplace les cotisations que les entreprises versaient aux quatre fonds sociaux (retraites, assurance maladie, emploi et aide sociale) créés en 1991 19. Cette mesure présentée comme purement «technique» signifie en fait une nouvelle budgétisation des moyens affectés aux fonds sociaux, ce qui a des conséquences profondément négatives: 1. il n'existe aucune garantie que l'Etat reverse effectivement aux différents fonds la totalité des sommes collectées (les urgences budgétaires peuvent être ailleurs) ; 2. l'affectation et la répartition entre les différents fonds des sommes collectées en bloc échappent à tout contrôle et rien ne dit que les proportions entre les différents fonds seront respectées ; 3. conformément aux orientations générales du gouvernement, le montant des sommes a diminué (de 38,5 % à 35 % du fonds salarial) et le 1 % prélevé sur l'impôt sur le revenu pour être reversé au Fonds des retraites est désormais affecté au budget.

Le pas suivant a été franchi en 2001 avec la suppression pure et simple du Fonds pour l'emploi. Désormais les allocations chômage sont versées directement à partir du budget. Les sommes affectées sont en nette diminution: en 2000 et 2001, elles s'élevaient à 16 milliards de roubles [environ 480 millions de dollars], en 2002 les sommes prévues sont tombées à 12,4 milliards. Ces coupes sombres concernent aussi bien le financement des services en charge de l'emploi (les sommes sont passées de 2,9 milliards de roubles à 1,9 milliard), que les fonds affectés aux stages de formation des chômeurs. Et cela alors que le chômage n'a pas diminué, que des licenciements sont annoncés dans de nombreuses entreprises, sans parler des conséquences catastrophiques qu'entraînera l'adhésion à l'OMC. Le nombre des chômeurs, selon les critères de l'OIT, s'élève à 6,4 millions de personnes (8 % de la population active) - mais seuls 20 % d'entre eux sont enregistrés dans les services de l'emploi. Ce chiffre de 8 % est une moyenne nationale qui ne reflète pas les disparités considérables entre les régions, où le taux de chômage peut atteindre 30 % (dans le Caucase, notamment au Daghestan, il est supérieur à 50 %). Les femmes et les jeunes sont les plus touchés: 36 % des chômeurs sont des jeunes de moins de 29 ans, 40 % des jeunes ne trouvant pas d'emploi à l'issue de leur formation. L'allocation chômage est plus que dérisoire: l'allocation minimale est de 100 roubles (3 dollars), l'allocation moyenne de 450 roubles (ce qui est trois fois inférieur au minimum vital) 20.

En ce qui concerne les salaires, la situation est également très difficile. Et les prévisions du gouvernement n'ont rien de rassurant: selon les calculs officiels du Ministère du développement économique, le salaire minimum sera aligné sur le minimum vital en 2010 au plus tôt (et cela lors même que le Code du travail récemment adopté proclame l'alignement du salaire minimal sur le minimum vital...). La dette salariale, qui avait nettement diminué en 2000-2001, a repris de plus belle dans le secteur privé (+5 % en un mois, entre le 1er mars et le 1er avril). Mais c'est dans le secteur public (enseignants et personnels de santé) que la situation est la plus grave, alors que les salaires y sont inférieurs de moitié à ceux du secteur privé. Depuis janvier 2002, on a assisté à une brutale détérioration de la situation, en grande partie provoquée par la décision du gouvernement de relever les salaires des enseignants de 1,8 % 21. Selon les pronostics du gouvernement, la dette salariale à l'égard des enseignants devrait atteindre 47 milliards de roubles à la fin de l'année 2002, un grand nombre de régions (qui versent la moitié des salaires des enseignants sur leur budget) ne disposant pas des moyens permettant de prendre en charge cette augmentation (dès janvier 2002, la dette salariale des régions a été multipliée par deux).

Dans une situation sociale dramatique, où 40 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, le gouvernement n'a pas hésité à lancer de nouvelles offensives, visant à saigner encore plus la population. Ainsi, le gouvernement a annoncé que la réforme du financement des dépenses de logement serait menée à son terme. Si jusqu'ici ces dépenses restaient en partie prises en charge par l'Etat, c'est désormais la population qui devra assumer à 100 % ces dépenses, alors même qu'aujourd'hui, dans son immense majorité, elle est plongée dans des logiques de survie au jour le jour. Pour ceux qui ne pourront pas payer - et ils sont très nombreux - ce sera les coupures d'eau, de gaz, d'électricité, l'expulsion du logement. Cette réforme suscite un profond mécontentement. En avril, plus de 10 000 personnes ont manifesté à Voronej contre son application. Une réforme des pensions (la cinquième en dix ans) est en préparation, qui marquera un désengagement brutal de l'Etat dans ce domaine: ne pourront en fait toucher une retraite que ceux qui auront pu épargner sur leur salaire.

La réforme du Code du travail était une des exigences formulées depuis longtemps par les institutions internationales. Le gouvernement Poutine s'est attelé à la tâche au lendemain de l'élection présidentielle 22. En décembre 2001, le nouveau Code du travail a été adopté, grâce au soutien actif apporté au projet du gouvernement par la FNPR. Sur tous les points, ce Code est un code de régression sociale visant à priver les travailleurs et leurs organisations de tous leurs droits, tout en donnant pleine liberté aux entrepreneurs: allongement de la durée de la journée de travail, levée des limitations aux CDD, possibilité de versement du salaire en nature, suppression de la quasi-totalité des règlements concernant le travail des femmes, l'exercice du droit de grève rendu quasiment impossible... on observe une restriction drastique des droits des syndicats dans les entreprises (en particulier la capacité d'initiative des syndicats alternatifs est considérablement réduite).

En deux ans de pouvoir, la politique suivie par Poutine dans le domaine social n'a en rien signifié une quelconque amélioration pour la population. Bien au contraire, la catastrophe sociale n'a fait que s'amplifier 23.

Les nouvelles alliances de la Russie

Une des tâches essentielles que s'est fixée Poutine au lendemain de son élection a consisté à chercher à redonner à la Russie si ce n'est une place, du moins une visibilité à l'échelle internationale - la récente guerre en ex-Yougoslavie avait montré à quel point la Russie avait cessé d'exister comme puissance internationale, réduite à jouer, pour l'OTAN, les «messieurs bons offices» auprès de Milosevic. Les initiatives ont été prises dans différentes directions, à l'intérieur de l'espace post-soviétique (à commencer par la Communauté des Etats indépendants - CEI), mais aussi à l'extérieur, qu'il s'agisse des rapports avec la Chine, ou encore avec les puissances occidentales: Etats-Unis, mais aussi Europe et Japon. Ces initiatives visent à garantir l'intégration de la Russie dans le jeu de la mondialisation libérale.

Au lendemain des accords de décembre 1991, qui consacrent la disparition de l'Union soviétique, la Fédération de Russie est une Russie dont les frontières ont été définies par soustraction, avec désormais 25 millions de Russes vivant hors de ses frontières, dans les ex-Républiques soviétiques. La mise en place de la Communauté des Etats indépendants est une tentative de maintenir un espace post-soviétique. En fait, tout au long des années 90, la CEI sera un espace de coexistence plus ou moins agressive: les dirigeants des nouveaux Etats, dans leur grande majorité issus des PC républicains, sont avant tout soucieux de gérer à leur profit l'indépendance récemment acquise. Pour sa part, la Russie prétend continuer à y jouer le rôle de grand frère, hérité du passé: elle maintient dans la plupart des pays une présence militaire plus ou moins importante et résiste difficilement à la tentation d'intervenir dans les affaires intérieures. De fait, les points de tension sont multiples, qu'il s'agisse de l'Ukraine, notamment avec les problèmes de la Crimée (considérée comme «terre russe» et de la flotte de la mer  Noire ; de la Moldavie, avec la proclamation de la république «bananière» de Pridniestrie (où s'est regroupée la minorité russe) ; de la Géorgie, avec le soutien apporté par la Russie à la province indépendantiste d'Abkhazie ; de l'Azerbaïdjan, où la Russie s'efforce de s'immiscer directement dans les jeux de pouvoir. En Asie centrale, le Kremlin nourrit au départ l'espoir que les minorités russes pourront constituer une force de pression (à commencer par le Kazakhstan où la minorité russe dépasse 30 %). Et elle intervient directement au Tadjikistan lorsque éclate la guerre civile. Sur le plan économique, partout où elle le peut, la Russie cherche à entretenir une situation de dépendance, dans une logique impériale (livraisons d'énergie au prix fort, taxes élevées pour l'utilisation des oléoducs et des gazoducs, etc.).

Cette politique au coup par coup, héritée de l'époque impériale, s'est révélée fort peu efficace et n'a pas permis la constitution d'un espace eurasiatique, où la Russie conserverait une place dominante. Tant en Asie centrale qu'au Caucase, les dirigeants font tout pour desserrer l'étreinte du grand frère russe et le tenir à distance. Dans la seconde moitié des années 90, la Géorgie, l'Ouzbékistan, l'Azerbaïdjan forment avec l'Ukraine et la Moldavie le GOUAM, qui s'engage à promouvoir leur intérêt commun hors de toute influence centrale. Les trois pays disposant de ressources minières et énergétiques importantes, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le Turkménistan, ont choisi, les deux premiers, de s'ouvrir largement aux capitaux américains, le troisième, qui affiche une neutralité intransigeante, de trouver un moyen d'exporter directement, via l'Iran ou l'Afghanistan, son gaz, sans passer par la Russie. Comme l'écrit Olivier Roy 24, le «découplage» Russie-Asie centrale-Transcaucasie est acquis à plus ou moins long terme. Il est déjà effectif pour ce qui est de l'Ouzbékistan et de l'Azerbaïdjan, et devrait l'être, à relativement brève échéance, pour le Kazakhstan (ce qui suppose toutefois que soit réglé le problème de l'importante minorité russe dans le nord du pays): la présence américaine en Asie centrale est une réalité massive, bien antérieure à l'apparition des bases militaires américaines l'hiver dernier.

Poutine a compris qu'il était illusoire de nourrir les rêves de grande puissance impériale et qu'il fallait s'engager dans une politique «réaliste» passant par une redéfinition des rapports avec les voisins proches. De fait, au cours des deux dernières années, l'Ukraine et la Russie ont normalisé leurs relations en réduisant le contentieux entre les deux pays. D'ores et déjà, la Russie a décidé d'abandonner la Pridnestrie qui doit revenir à la Moldavie. En Transcaucasie, les relations ont été renforcées avec l'Arménie, et rétablies avec l'Azerbaïdjan (en signe de bonne volonté, Moscou a livré aux autorités azéries celui qui avait été leur homme dans les affrontements pour le pouvoir et qui s'était réfugié en Russie). Ce n'est qu'avec la Géorgie que les relations restent tendues, en particulier à cause de la guerre en Tchétchénie, et Moscou entend conserver l'Abkhazie comme moyen de pression.

Concernant les enjeux pétroliers, la Russie s'est résignée à ne pas avoir la haute main sur l'exportation du pétrole de la Caspienne (via le port de Novorossiisk sur la mer Noire), et cherche à se positionner le mieux possible pour le partage des gisements de la Caspienne, dont les modalités de répartition sont toujours en discussion entre les cinq pays intéressés (Kazakhstan, Turkménistan, Azerbaïdjan, Russie et Iran). Elle semble même avoir renoncé à tout faire pour bloquer la construction du gazoduc reliant Bakou à Ceyhan sur la côte sud de la Turquie. D'ailleurs, anticipant un ralliement probable de la Russie à ce projet, certaines grandes compagnies russes, dont Lukoil, ont engagé des négociations pour participer au financement de cet oléoduc.

De façon similaire, la Russie a considérablement revu à la baisse ses ambitions en Asie centrale. Consciente qu'elle n'a pas les moyens financiers de concurrencer sur le plan économique les Etats-Unis, elle a choisi de limiter ses efforts à maintenir une alliance militaro-stratégique, destinée à lutter contre les différents mouvements islamistes, qui jusqu'à l'automne 2001 utilisaient l'Afghanistan des talibans comme base arrière. Ainsi, le Forum de Shanghai, créé en 1996, qui regroupait la Chine, la Russie, le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan et qui avait pour objectif, en relation directe avec la situation en Afghanistan, de définir le cadre d'une action conjointe contre «les forces du séparatisme, du terrorisme et de l'extrémisme», s'est transformé en juin 2001 en Organisation de coopération de Shanghai, dont l'Ouzbékistan est devenu le sixième membre.

Les rapports avec l'Ouest, et en premier lieu avec les Etats-Unis, doivent être compris comme une volonté d'anticiper, sur le plan géopolitique, ce que devrait être la place de la Russie dans le monde d'après le 11 septembre, à l'heure de la mondialisation libérale.

La position adoptée concernant le remboursement de la dette extérieure relève directement de cette démarche. En 2001, grâce aux revenus produits par les exportations de pétrole (40 milliards de dollars), la Russie a procédé au remboursement de sa dette, y compris par anticipation. Par là, elle a voulu démontrer qu'elle était devenue un partenaire crédible, capable de respecter les échéances. Parallèlement, en reconnaissance de son bon comportement dans le cadre de l'alliance antiterroriste, elle espère une diminution du montant de la dette, au moins pour la partie héritée de l'Union soviétique: Poutine a déjà obtenu de l'Allemagne sur ce point une réduction importante et il espère élargir ce premier succès.

La signature de l'accord sur le désarmement avec les Etats-Unis le 24 mai 2002 à Moscou visant à réduire les missiles nucléaires va dans le même sens. Sur le fond, cet accord n'introduit aucune contrainte pour les Etats-Unis dans leur relance massive de la course aux armements 25. Pour la Russie, un tel traité vise à sauver les apparences sur la base d'une parité totalement fictive: la Russie est dans l'impossibilité financière de relancer une politique d'armements, et cela ne vaut pas que pour l'armement nucléaire: la réforme et la modernisation de son armée, reconnues comme des priorités si la Russie veut avoir un tant soit peu de crédibilité, sont repoussées aux calendes grecques faute de moyens. Quant à l'association de la Russie aux réunions de l'OTAN (célébrée en grande pompe mardi 28 mai à Rome), elle vise à lui faire accepter l'élargissement de l'OTAN à l'Ouest 26.

Certes, la Russie cherche à desserrer un peu l'étau. Lors de la réunion avec Bush, Poutine a refusé de remettre en cause la coopération avec l'Iran concernant la construction de centrales nucléaires (tout en acceptant la venue sur place d'inspecteurs américains...). Par ailleurs, le 14 mai s'est tenue à Moscou, dans le cadre de la CEI, une réunion à laquelle participaient, outre la Russie, l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, la Kirghizie et le Tadjikistan. Cette réunion a décidé la mise en place d'une Organisation du traité de sécurité collective, dans le prolongement du Traité de sécurité collective signé à Tachkent en mai 1992. Mais cet accord, ne serait-ce que par ses signataires27, apparaît comme un bien dérisoire contre-feu à l'extension de l'OTAN et à la présence militaire américaine en Asie centrale et en Géorgie.

Quant aux contreparties économiques espérées à l'occasion de ces accords, elles sont pour l'instant bien faibles. En particulier, Bush, à Moscou, n'a annoncé ni la reconnaissance de la Russie comme économie de marché ni la levée de l'amendement Jackson qui freine considérablement les exportations russes aux Etats-Unis. Et les promesses d'investissements sont reportées à plus tard.

Un certain nombre d'officiels russes expliquent le ralliement de la Russie à l'alliance antiterroriste et les accords signés récemment comme le prix à payer pour obtenir une aide substantielle à une relance de l'économie russe, qui lui permettrait de retrouver pleinement sa place dans le concert des nations. Une telle position relève soit d'une grande naïveté, soit du plus parfait cynisme. De fait, la politique suivie par Poutine, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, a consisté à offrir toutes les garanties aux Etats-Unis - et secondairement à l'Union européenne - quant au fait que la Russie n'offrirait aucune résistance à la mondialisation libérale et à ses lois d'airain. - Mai 2002

Denis Paillard*est spécialiste de la Russie, directeur de recherches CNRS, Université de Paris 7. Il anime Le Messager syndical, bulletin d’informations sur le mouvement syndical en Russie.

1. Moshe Lewin est professeur d'histoire émérite à l'Université de Philadelphie, soviétologue connu, auteur, entre autres, de: Le dernier combat de Lénine, 1967, La formation du système soviétique, 1987 (éd. américaine 1985), La grande mutation soviétique, 1989 (1988), Russia/ URSS/Russia, 1995. Il collabore au Monde diplomatique. - Réd.

2. En 1999 le volume de la production industrielle avait chuté de 53 % par rapport au début des années 90 (dans le secteur de l'industrie légère et textile la baisse atteignait 80 %: les entreprises de chaussures russes étaient capables de produire une paire de chaussures par habitant tous les cinq ans...). En 2001, les importations de biens de consommation et de produits de l'industrie légère atteignaient 12 milliards de dollars. Quant aux investissements, ils ont été divisés par quatre.

3. Sur ce point, voir M. Lewin, Le Monde diplomatique, novembre 1998.

4. Dans les deux précédentes Douma, c'est le PCFR (Parti communiste de la Fédération de Russie) et ses alliés qui avaient la majorité. Mais ils se sont toujours conduits en opposition de sa majesté, sans chercher à aucun moment à s'opposer au pouvoir.

5. On ne compte plus les ralliements individuels ou collectifs des élites politiques des années 90, à commencer par M. Gorbatchev, qui reste, pour une partie de la gauche occidentale, une figure de référence.

6. La FNPR, fédération des syndicats indépendants, est issue de l'ancienne Confédération des syndicats soviétiques.

7. Le recours par le capital à des bandes armées pour se débarrasser d'un concurrent et s'approprier ses biens est une pratique courante.

8. Y compris géographique: si Gousinski et Berezovski se sont retrouvés à l'Ouest, Roman Abramovitch, lui, a été prié d'aller se faire élire gouverneur de Tchoukotie, au fin fond de la Sibérie...

9. Mémorial est une association créée au début de la Perestroïka. Formée d'anciens dissidents, elle a joué un rôle essentiel dans la dénonciation des crimes du régime soviétique, et joue un rôle plus large dans la défense des droits de l'homme. - Réd.

10. Berezovski, ancien membre de la «Famille» et qui fut un des artisans de l'arrivée de Poutine au pouvoir, est un autre exemple récent d'oligarque converti aux vertus de la démocratie.

11. Cas extrême: le Tatarstan et la Bachkirie qui avaient obtenu le statut de république indépendante au sein de la Fédération.

12. Dimanche 26 mai 2002, également à la suite d'une campagne musclée, un autre responsable du FSB a été élu gouverneur de la région de Smolensk contre le candidat sortant, membre du PCFR.

13. Le chancelier Gehrard Schröder s'est particulièrement distingué: désormais les réfugiés tchétchènes n'ont quasiment plus aucune chance d'obtenir le statut de réfugiés politiques en Allemagne...

14. République de Russie, au Nord du Caucase ; env. 310 000 hab. ; capitale Nazran. L'Ingouchie fut formée lorsque la Tchetchénie fit sécession (1992). - Réd.

15. Récemment, le colonel Boudanov, accusé d'avoir violé et assassiné une jeune fille tchétchène, a été déclaré, à l'issue d'une troisième expertise réclamée par le pouvoir, «irresponsable» lors du crime, sans que cela ne suscite aucune protestation.

16. Tous ces chiffres sont tirés du journal de la Fédération de Russie, publié sous l'égide du Sénat, numéro d'avril 2002.

17. Dans les secteurs du gaz et de l'électricité, la privatisation a déjà eu lieu, avec une ouverture aux capitaux étrangers. Ainsi, les investisseurs étrangers détiennent 28 % des actions de la compagnie d'électricité (alors même que la loi limite leur participation à 25 %).

18. Par 258 voix contre 149, la Douma a définitivement entériné, mercredi 26 juin, la privatisation des terres agricoles russes. - Réd.

19. Du temps de l'Union soviétique, les dépenses sociales étaient prises en charge dans le cadre du budget, la répartition des fonds alloués étant confiée aux syndicats. Cette budgétisation a eu pour conséquence, au lendemain de l'écroulement de l'Union, une volatilisation des retraites pour les travailleurs qui avaient cotisé pour l'essentiel durant la période soviétique.

20. Ces chiffres sont tirés de Solidarnost' (organe de la FNPR), n° 6, 2002.

21. Cette augmentation est moins spectaculaire qu'il ne peut sembler à première vue: elle concerne le salaire de base, mais non les primes qui constituent une part importante du salaire réel.

22. Pour une information plus détaillée sur cette réforme et les résistances menées par les syndicats alternatifs au nouveau code, cf. le Messager syndical.

23. Concernant la décomposition du corps social, on peut multiplier les chiffres: baisse brutale de l'espérance de vie (elle est inférieure à 60 ans pour les hommes), augmentation du taux de mortalité dans toutes les classes d'âge, diminution de la population de plus de 900 000 personnes par an (différence entre les décès et les naissances), 40 % des enfants en âge scolaire souffrent de maladies chroniques, le chiffre des «enfants des rues» s'élève à 3 millions, etc.

24. Dans son livre passionnant La nouvelle Asie Centrale ou la fabrication des nations.On peut également consulter le livre de A. Rashid, Asie centrale, champ de guerres, qui donne des informations précieuses sur la réalité des mouvements islamistes en Asie centrale.

25. Le fait que les têtes nucléaires seront stockées et non détruites signifie qu'à tout moment les Etats-Unis pourront les remettre en service, ce qui n'est pas le cas des russes, qui datent de l'époque soviétique et qui seront bientôt, de facto, hors d'usage.

26. Il est intéressant de noter que, dans l'accord négocié le 14 mai à Reykjavik, la Russie ne sera pas associée aux discussions et décisions concernant l'espace post-soviétique.

27. A l'exception du Kazakhstan (et bien entendu de la Russie), les pays signataires sont des pays qui connaissent d'énormes difficultés sur le plan intérieur et dont le poids, y compris à l'échelle régionale, est quasiment nul.

 

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