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Pour un mouvement combatif des travailleuses et des travailleurs !
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Un réseau, pour ce temps de crise

Urs Zuppinger

Le dernier numéro de La brèche a déjà rendu compte des efforts déployés par le comité «Giu-le-Mani», qui soutient les ouvriers en lutte des Ateliers de réparation des CFF à Bellinzone, pour mettre en place un réseau qui permette à des travailleurs et syndicalistes combatifs d’échanger et de se coordonner à l’échelon suisse par-dessus les secteurs d’activités et les frontières organisationnelles des syndicats. Notre présentation avait souligné l’importance de cette initiative en même temps que sa fragilité en précisant qu’elle avait donné lieu jusqu’alors à la tenue de deux rencontres nationales, le 31 mai et le 20 septembre 2008, et à la mise en place de petites structures de coordination à Zurich et à Bâle.

3e rencontre

Le 7 février 2009 a eu lieu une troisième rencontre nationale à Rodi. Elle a attiré environ 130 militant·e·s des trois régions linguistiques du pays. Elle a pris acte du durcissement de l’attaque patronale consécutive au renversement brutale de la conjoncture économique mondiale et se consacrait à l’examen d’expériences de lutte et à l’échange entre militant·e·s sur un certain nombre de thèmes d’actualité. Elle a permis l’adoption d’une plateforme qui précise que «le réseau soutient l’autoorganisation et l’autodétermination des travailleuses et des travailleurs» et «ne se comprend ni comme un ou plusieurs courants d’opposition au sein des syndicats existants, ni comme une alternative à ces syndicats».

La matinée était consacrée à une présentation des deux mobilisations de salariés les plus importantes de 2008 à savoir celle qui a eu lieu dans les services publics vaudois contre l’instauration d’un nouveau système salarial et celle des ouvriers des Officine de Bellinzone. Le cheminot Dante De Angelis a ensuite témoigné de la lutte qu’il mène contre la défaillance des mesures de sécurité dans les trains italiens et des ouvriers de l’INNSE à Milan ont rendu compte de l’état de la lutte dure, difficile, mais exemplaire qu’ils mènent pour empêcher le propriétaire de leur ancien lieu de travail de vouer le site à une opération immobilière.

Les groupes de travail de l’après-midi ont permis aux participants d’échanger sur des thèmes aussi variés que les conséquences de la crise pour les salarié·e·s, les luttes des femmes dans le mouvement ouvrier, les conditions de travail dans les CFF, la politique des transports ferroviaires ou la construction du réseau à travers la Suisse. A l’issue de la journée il fut décidé d’organiser une 4e rencontre le 12 septembre prochain.

Tentative de bilan

La participation à la rencontre du 7 février a atteint le 2/3 de celle des rencontres précédentes. C’est encourageant, car des mois se sont écoulés depuis la grève des ouvriers de Bellinzone et, sauf au Tessin, les médias se sont détournés de leur lutte depuis qu’ils ont obtenu du Conseil d’administration des CFF, le 28 novembre dernier, la garantie écrite que leur lieu de travail subsistera au moins jusqu’en 2013, – en échange de leur acceptation du transfert des ateliers de la division du transports de marchandises à celle du transport des personnes.

La rencontre du 7 février a ainsi montré que la conscience des enjeux de cette lutte est toujours vive dans une frange de travailleurs et syndicalistes combatifs. C’est important, car ce conflit est entré dans une phase plus délicate. La partie patronale essaie d’exploiter le retour à une certaine normalité pour reprendre en main les rapports de travail sur le lieu de travail. Les représentants des travailleurs sont engagés dans une démarche paritaire destinée à trouver un accord avec la direction sur les mesures à prendre pour accroître la productivité des ateliers. De plus, le renouvellement de la convention collective de travail se profile à l’horizon. La capacité de résistance des travailleurs est toujours intacte, mais le bras de fer n’est pas terminé et sa résolution dans l’intérêt des travailleurs requerra peut-être encore notre solidarité.

Un réseau pour temps de crise

Mais le centre de gravité de la rencontre du 7 février se situait ailleurs. Nous savons aujourd’hui avec certitude que de nombreux autres travailleurs et travailleuses seront la cible d’attaques patronales dans les semaines et mois à venir. Les licenciements, les chantages au salaire et les atteintes à la protection sociale se multiplieront et les salarié·e·s, sauf exception, ne peuvent compter sur les appareils syndicaux sauvegarder leurs intérêts.

Un réseau de militants combatifs n’est pas à lui seul l’instrument dont les salarié·e·s ont besoin pour résister à l'attaque patronale. Mais si des salarié·e·s prennent en main leur propre défense sur certains lieux de travail, si des luttes collectives éclatent, un tel réseau sera indéniablement très utile. Il pourra informer les salarié·e·s d’autres lieux de travail, ainsi que la population proche du lieu du conflit ou ailleurs en Suisse; il pourra ainsi organiser le soutien par-dessus les frontières entre secteurs d’activités et sans être limité par des obligations contractuelles.

Une carence à combler

Jusqu’à présent cette idée n’a pas rencontré un réel écho en Suisse romande. De ce côté de la Sarine, les ressources des militants combatifs sont pour le moment toujours accaparées par les activités qu’il est encore possible de développer au sein de certaines structures syndicales. Pour être, ne serait-ce qu’un tant soit peu, à la hauteur des enjeux actuels, il faudra pourtant bien que nous parvenions à dépasser cette situation.

(5 mars 2009)

 
         
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