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Par monts et par Vaud
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A questionner: le logiciel même de Decfo / Sysrem

Urs Zuppinger

Suite à la reprise des négociations sur Decfo/Sysrem le 31 mars 2008, les médias ont annoncé: le Conseil d’Etat du canton de Vaud est prêt à allouer au personnel 80 millions en six ans. Ce n’est pas un cadeau. C’est le prix que le Conseil d’Etat est prêt à payer suite à la grève du 31 janvier, afin de pouvoir introduire son nouveau système salarial. A part cette «transaction», il campe sur ses positions.

Concession boiteuse

Le 31 mars, il a présenté aux organisations du personnel FSF, Sud et SSP un document censé servir de référence lors des négociations à venir. Aucune concession n’est faite aux nombreuses propositions adressées par les trois «faîtières» depuis le 4 février, date de la suspension des négociations. L’exécutif est toutefois d’accord de charger une commission paritaire, ouverte aux trois «faîtières», de réévaluer les fonctions. Mais, l’instaura­tion du nouveau système doit se faire de manière unilatérale, selon la volonté du gouvernement-patron.

Le 31 mars, le Conseil d’Etat a refusé que les classifications définies par son service du personnel, en vue du nouveau système, puissent être contestées par les salariés·e·s et leurs organisations. Il a tenté, de plus, de brouiller les pistes. Les nouvelles classifications imposées ont suscité un mécontentement parmi les professionnels du secteur de la santé (infirmières, ergothérapeutes, laborantins, physiothérapeutes, etc.) et chez les enseignants de niveau supérieur. Or, les départements concernés sont tenus par des «socialistes» (A.-C. Lyon et P.-Y. Maillard). De ce fait, une partie de ces fonctions pourrait bénéficier d’un complément salarial hors classification. Du bricolage et non pas une ouverture à de réelles négociations.

Les 80 millions ne serviront qu’à corriger un aspect tout à fait inacceptable du projet initial. En effet, Decfo/Sysrem offre des améliorations salariales à certaines fonctions. Avant la grève du 31 janvier, elles étaient réservées aux seuls employés·e·s engagés après son entrée en vigueur. Pour les autres, aucun rattrapage digne de ce nom n’était prévu.

Les 80 millions sont censés corriger en partie cet arbitraire. En six ans, par paliers, les employés devraient partiellement atteindre les niveaux salariaux des nouveaux engagés. Un rattrapage complet aurait, selon le Conseil d’Etat, coûté plus de 100 millions.

Un piège s’ouvre ici. En effet, la hausse des prix ne fait que commencer. Or, la loi sur le personnel prévoit, explicitement, que le Conseil d’Etat peut raboter ladite compensation du coût de la vie. Dans ce contexte, une quasi-certitude existe: l’exécutif ne va pas, à la fois, payer le rattrapage susmentionné et la compensation complète des effets de l’inflation sur les salaires.

Le 31 mars, la Délégation du Conseil d’Etat a reconnu que les 80 millions constituent la réponse gouvernementale à la grève. De la sorte, il lui attribue une légitimité. Cela, tout en continuant d’affirmer qu’elle était illicite et en effectuant une retenue sur le salaire de celles et ceux qui ont annoncé avoir arrêté le travail. Bien que l’excédent brut de recettes, pour 2007, approche le milliard! L’enjeu ne se réduit pas à une question comptable, comme le prouve l’attitude du Conseil d’Etat. Sur le fond, il veut imposer Decfo/Sysrem tel qu’il l’a conçu. Les concessions sont d’ordre tactique. Toutefois, une relance d’une mobilisation ample pourrait le contraindre à reculer, plus.

Franchir la pause

Défi et difficultés sont là. En effet, l’arrêt unilatéral des négociations le 4 février visait, avant tout, à casser la dynamique de lutte. Cette manœuvre a eu un impact.

Jusqu’au 31 janvier, les employés·e·s avaient été soumis à un feu nourri d’informa­tions mobilisatrices. Après le 4 février, la voix de leurs organisations s’est faite plus fluette, quand elle ne s’est pas éteinte. De plus, ils ont appris – par voie de presse, par tracts ou en consultant les sites internet – que leurs trois faîtières avaient des divergences. Sud saluait un éventuel retrait du projet comme une victoire. Le SSP déclarait être prêt à accepter le nouveau système si des négociations portant sur son «cœur» aboutissaient à des améliorations substantielles. La FSF annonçait que Decfo/ Sysrem représentait un progrès, tout en réclamant encore certaines améliorations.

Qu’un objet aussi difficile à appréhender que Decfo/ Sysrem suscite des divergences n’est pas en soi négatif. Mais les organisations auraient dû permettre aux salariés d’en discuter lors d’une assemblée générale avant la réouverture de négociations. Rien de tel n’a pu être alors organisé. Ainsi, les négociations ont repris le 31 mars dans un contexte marqué par la désorientation et la démobilisation.

Pour une unité remobilisatrice

Les 80 millions que le Conseil d’Etat a sortis de son chapeau le 31 mars n’ont pas renforcé le désarroi. Pour preuve: lorsque les trois faîtières se sont mises d’accord pour organiser le 9 avril une assemblée générale, cette dernière a réuni plus de 200 personnes. Cela est un signe positif pour la suite. Bien que les faîtières n’aient pas la même opinion sur les actions à entreprendre, la discussion en assemblée a permis un accord sur un programme en deux points.

Le premier: une nouvelle assemblée générale du personnel aura lieu le 29 avril pour faire le point après la troisième séance de négociations. Le second: le 15 mai, une nouvelle mobilisation large aura lieu, au minimum avec le caractère d’une manifestation.

L’unité d’action a ainsi pu être sauvegardée. Certes la suite reste incertaine. En effet, les gagnants et les perdants de Decfo/Sysrem recoupent, en grande partie, des affiliations organisationnelles différentes. La majorité des gagnants sont membres de la FSF. Or, le Conseil d’Etat refuse, pour l’heure, de rouvrir le dossier des perdants. Diviser pour gagner.

De plus, des milliers de salarié·e·s ne connaissent pas leur sort. Si ceux-ci et les perdants se mobilisent pour être informés et imposer la renégociation des classifications, de nouvelles concessions pourront être arrachées. C’est un combat nécessaire, possible. Sud et le SSP devraient tout faire pour le stimuler. Pour cela, il serait souhaitable que ces deux organisations rendent plus claire leur position de principe. Sud insiste, avec raison, sur le besoin de se méfier de Decfo/ Sysrem et de ses effets. Le SSP vise l’obtention d’amélio­rations brisant le cadre fixé par l’exécutif. Une combinaison, tout à fait possible, de ces deux orientations serait la plus adéquate et efficace.

(25 avril 2008)

 
         
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