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Complicité chauvine
à l’ombre de la «démocratie locale»

Dario Lopreno

Le 1er juin 2008, un vote très important aura lieu sur l’initiative «Pour des naturalisations démocratiques» de l’UDC. Pour l’heure le débat est conduit sotte voce. Une complicité existe, de fait, entre la droite et la gauche, sous la houlette du Conseil fédéral. L’UDC en tire bénéfice. Après l’échec prévu de l’initiative, un contre-projet honteux du Conseil fédéral sera présenté.Les divisions administrées et légalisées des salariés·e·s seront accrues. Un NON s’impose le 1er juin. Dès aujourd’hui, il faut aussi prôner le refus de ce contre-projet, tactiquement retiré

D’abord quelques chiffres. Entre 1990 et 2005 [1], les naturalisations mises en rapport avec la population étrangère totale [2] ont doublé en Suisse, passant de 0,8 % à 1,6 %. Sur la même période, au sein de l’Union européenne (UE), elles augmentaient légèrement, passant de 1,6 % à 1,9 %. Pour autant qu’ils soient précis – les données sur la population étrangère étant relativement peu robustes dans les statistiques suisses et européennes –, ces chiffres montrent que les situations suisse et européenne sont analogues en matière de naturalisation. Toutefois, d’importantes différences de pays à pays existent dans les procédures, les délais, etc. Dans l’UE, 84 % des naturalisations sont attribuées par le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Suède et l’Autriche.

En Suisse, en 2007, pour un peu plus de 43’300 naturalisations 3, 10’000 concernent des ressortissants de Serbie, 5000 d’Italie, 3000 respectivement de Turquie et de Bosnie-Herzégovine, 2200 respectivement de Macédoine, Sri Lanka et Portugal, 5400 également répartis entre Croatie, Allemagne, Espagne et France, les 10’000 restants se répartissent en de nombreux pays.

La procédure

La naturalisation en Suisse se fait à trois niveaux [4]: fédéral, cantonal et communal. Pour demander la naturalisation sur le plan fédéral, il faut avant tout résider en Suisse depuis douze ans (entre 10 et 20 ans les années comptent double), dont trois au cours des cinq années précédant la demande. Une procédure dite facilitée, du ressort fédéral, permet aux conjoints étrangers de ressortissants suisses et aux enfants étrangers d’un parent suisse d’avoir des délais de procédure plus courts.

Au sein de 14 cantons, il existe plusieurs cas de figure de facilitation pour la naturalisation des jeunes – soit de celles et ceux âgés de 15 à 25 ans, selon le canton – qui peuvent s’acquitter d’émoluments moins chers ou bénéficier d’une procédure accélérée ou de délais de résidence raccourcis. Il y a enfin une procédure, marginale, de réintégration, concernant des ex-citoyens suisses ayant perdu leur nationalité par péremption, mariage ou libération de la nationalité.

Au niveau cantonal, tous les cantons exigent que dans la période de douze ans soit incluse une permanence sur le territoire cantonal, qui peut varier de deux à trois ans pour 10 cantons, de cinq ou six ans pour 14 autres, et de dix et douze ans pour deux cantons.

Enfin, sur le plan communal, les durées de résidence dans la commune prises en compte dans les laps de temps définis varient entre zéro et cinq ans, selon les communes. Du coup, pour celui qui change de canton ou de commune, les délais peuvent être beaucoup plus long que douze ans. Parmi les 26 cantons et demi-cantons, il y en a 12 où la compétence en matière de naturalisation ordinaire relève du législatif, 14 de l’exécutif.

Parmi les 3 000 communes de Suisse existent plusieurs types différents de compétence, soit législative, soit exécutive, soit différenciée selon la catégorie (mineur, majeur, étranger de 1re ou de 2e génération). Quant à l’ordre de succession des trois niveaux de demande (Confédération, canton, commune), il y a quatre parcours possibles selon les cantons.

A ces critères arbitraires, mais se donnant comme «objectifs», s’ajoutent d’autres critères discrétionnaires, toutefois considérés de même comme «objectifs»: s’être intégré à la «communauté suisse»; être accoutumé au mode de vie et aux «usages helvétiques»; se conformer à l’ordre juridique suisse; ne pas compromettre la sécurité intérieure ou extérieure du pays. De plus, le travail des enquêteurs ainsi que les auditions des candidats varient beaucoup d’un canton à l’autre. Plusieurs communes éditent même des brochures, allant jusqu’à plusieurs dizaines de pages, pour «préparer» le candidat à l’audition. D’autres cantons, comme la «Genève de gauche», offrent au candidat l’hymne national, certains attendent de lui qu’il l’apprenne. D’autres ou certains cantons font passer des examens d’instruction civique ou autre saut d’obstacle de ce type. La situation change passablement non seulement d’une entité territoriale à l’autre, mais aussi d’une législature à l’autre. Plus généralement, d’une période à une autre, les oscillations vont d’une certaine tolérance à de l’inquisition, à une enquête vexatoire.

L’obtention de la naturalisation nécessite – à la fin du parcours entier – le paiement de taxes, calculées de manières très différentes (Confédération, cantons, communes). Le montant total peut atteindre une centaine de francs ou grimper à hauteur de dizaines de milliers de francs, suivant la catégorie de personne pour les taxes fédérales [5]; et pour la commune et le canton, selon la lourdeur de l’enquête imposée et la prise en compte du revenu de la personne, etc. La gratuité existe aussi!

Dans neuf cantons, la naturalisation est attribuée ou refusée par les urnes, mais pas toutes les communes de ces cantons pratiquent de la sorte. Dans le canton de Lucerne, trois communes seulement le font, à Schwyz 80 % des communes appliquent cette procédure.

La loi sur la nationalité (LN) contient une clause permettant d’annuler la naturalisation, dans les cinq ans qui suivent son obtention, «en cas de déclarations mensongères».

Précisons aussi que la Suisse reconnaît, depuis 1992, la double nationalité, tandis qu’une septantaine de pays retire la nationalité à leurs ressortissants qui se naturalisent. Soulignons de même qu’il y a en Suisse quelque 500’000 double nationaux (comptabilisés comme «suisses»), situation résultant de naturalisations et, plus encore, de parents ayant plus d’une nationalité.

Un exemple de rituel

Genève par exemple donne à voir d’une manière spectaculaire [6], lors du serment, ce passage matériel d’une nationalité à l’autre. La salle prévue pour la circonstance, celle du Grand Conseil, a deux portes; avant de passer la première, le candidat remet son passeport à un préposé. Dépouillé de son identité ancienne, mais pas encore consacré suisse, le candidat pénètre dans la salle par la porte de gauche. Sur la galerie se pressent les témoins, visiteurs, parents et amis, alors que les représentants de l’autorité font leur entrée par la porte de droite. La phase initiale se termine et le rituel d’agrégation proprement dit commence. Voici le texte du serment genevois lu par le chancelier: «Je jure ou je promets solennellement: d’être fidèle à la République et Canton de Genève comme à la Confédération suisse; d’en observer scrupuleusement la constitution, les lois; d’en respecter les traditions; de justifier par mes actes et mon comportement mon adhésion à la communauté genevoise; de contribuer de tout mon pouvoir à la maintenir libre et prospère» (art. 28 de la loi sur la nationalité genevoise).

Pendant la lecture, les candidat·e·s se tiennent debout, la main droite levée, puis jurent ou promettent chacun à leur tour, à l’appel de leur nom. A l’issue de la cérémonie, les nouveaux Suisses, munis de leur passeport fédéral et de leur nouvelle identité, quittent la salle par la porte de droite et serrent la main des dignitaires avant de se réunir autour d’un apéritif dans la salle des Pas-Perdus.

Les arrêts du Tribunal fédéral

Deux arrêts du Tribunal fédéral (ATF) [7] ont été rendus publics le 9 juillet 2003 suite au vote de mars 2000 à Emmen (Lucerne), où sur 23 demandes de naturalisation, toutes celles provenant de ressortissants balkaniques (19) ont été rejetées – ce qui a donné lieu à un recours – et suite à un recours de l’UDC Zurich contre les autorités communales ayant déclaré non valide une initiative pour introduire le vote populaire sur les naturalisations. Ces arrêts définissent la naturalisation comme un «acte administratif», ce qui contraint à motiver la décision. Tout soupçon de discrimination ou d’inégalité de traitement devant être motivé, tandis que, par définition, un vote démocratique ne doit pas l’être, le TF conclut dès lors que la naturalisation par les urnes n’est pas acceptable.

Quant à l’arrêt du TF du 12 mai 2004, il rejette deux recours provenant de citoyens de Schwyz contre une ordonnance provisoire de l’exécutif du même canton prise à la suite des ATF de juillet 2003. L’ordonnance de Schwyz édicte qu’une fois prise une décision en assemblée communale, il peut y avoir demande de référendum assortie du nombre de signatures requis et d’une motivation écrite envoyée aux citoyens pour le vote. Cette ordonnance n’étant pas attaquable sur le fond, le recours contre elle est formé contre le fait que la procédure législative ordinaire (élaboration normale d’une loi) aurait dû être appliquée en l’espèce, au lieu d’une ordonnance, provisoire de surcroît, de l’exécutif.

Pour les opposants à ces ATF – principalement l’UDC – la naturalisation est un acte politique. Elle est donc soumise à vote majoritaire n’impliquant pas de motivation ni de recours sur le fond.

L’initiative de l’UDC

Après les recours d’Emmen, de Schwyz et de Zurich, après avoir épuisé le feu nourri parlementaire contre les naturalisations, l’UDC lance, en mai 2004, l’initiative populaire «Pour des naturalisations démocratiques» [8] modifiant l’art. 38 de la Constitution. Elle la dépose en novembre 2005 [9]. Le texte est bref, simple et saisissable par tout un chacun: «Le corps électoral de chaque commune arrête dans le règlement communal l’organe qui accorde le droit de cité communal. Les décisions de cet organe sur l’octroi du droit de cité communal sont définitives.»

Le but est de donner aux citoyens de la commune le droit de décider quel organe octroie la nationalité et ses décisions doivent être sans recours possible. L’UDC souligne explicitement qu’elle s’oppose à toute intervention du TF sur ce plan: «l’établissement du droit est du ressort du législatif et non des tribunaux». Cette formule est utilisée sur le site de l’initiative après la question «De quoi s’agit-il?». En outre, l’UDC ne veut pas de tous ces naturalisés provenant «des Balkans et de la Turquie».

Le Conseil fédéral considère que l’initiative violerait la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Pacte international des droits civils et politiques, la Convention européenne des droits de l’homme… Et pourtant le Conseil fédéral ne l’a pas invalidée [10] ! Il a même conclu, dans son Message [11], que les articles violés des traités en question «ne constituent pas du droit international impératif» au sens de la Constitution.

«Démocratie locale» ou droits démocratiques universels?

L’insistance sur «le pouvoir communal» ne tombe pas du ciel. L’UDC et l’ensemble des partis institutionnels, à des degrés divers, montent en épingle le «pouvoir communal» au moment où de plus en plus de citoyens et citoyennes ont le sentiment et l’expérience d’une perte d’emprise complète sur leur avenir et leur devenir social et économique; plus les contre-réformes néoconservatrices s’approfondissent et plus la crise ainsi que les surprises économiques (UBS, pour faire exemple) ont un impact sur leur quotidien. Ils savent d’expérience que les décisions dans le domaine économique et social, avec la dimension politique qui y est rattachée, sont prises ailleurs, par ce qu’ils nomment les «milieux économiques».

Dès lors, créer l’illusion d’une emprise possible des citoyens et citoyennes sur leur environnement immédiat constitue un besoin de légitimer la pratique des partis institutionnels de droite comme de «gauche». Cela nourrit des campagnes de propagande politique, faites souvent de «sans y croire», de cynisme ou alors sur fond d’un localisme borné. Tout au plus, ils reconnaissent qu’il faut savoir «s’adapter» aux règles que fixent une grande firme, un siège de holding ou le fédéralisme concurrentiel fiscal. En camouflant qui sont les vrais preneurs de décisions aux plans économique et social comme la façon dont ces quasi-décrets s’imposent (directement ou indirectement), les cercles dirigeants des partis institutionnels cachent les atteintes effectives et graves aux droits démocratiques, dans leurs dimensions sociales, économiques et politiques.

Avec le thème des naturalisations tel que traité dans son initiative, l’UDC joue la carte du local et d’une emprise redonnée aux citoyens sur une question «proche du peuple». Cette mainmise revendiquée de l’électorat sur l’avenir des «autres» – ceux et celles qui demandent à être naturalisés – est censée faire contrepoids à la perte de contrôle, redoutée et ressentie, sur les questions clés qui configurent l’avenir de l’ensemble de la population.

En choisissant cette dimension spatiale comme politique, ainsi que ce thème faisant écho aux «valeurs suisses», à la «souveraineté» avec toute son épaisseur historico-xénophobe, l’UDC est tout à fait consciente qu’elle distille un poison paralysant dans le corps de tous les partis institutionnels et parlementaires (ce qui n’inclut pas nécessairement chaque élu·e).

Ainsi, le vote du 1er juin incommode pour qui n’est pas clair sur l’enjeu comme sur le double soubassement qui étaye l’initiative et lui donne sens: 1° la xénophobie propre à la «droite conservatrice helvétique», relookée par une jeune génération d’UDC au style entreprenant qui renvoie à l’archétype: «on n’a pas de ressources naturelles, mais on travaille et on réussit»; 2° la volonté de «compenser» – de manière trompeuse – la réduction effective des droits démocratiques que les industriels et banquiers UCD connaissent: les Blocher, les Peter Spühler (de Stadler Rail), les Ospel (ex-UBS et si proche de Blocher) et Walter Frey (PDG d’Emil Frey), car ils connaissent les rouages des décisions stratégiques qui conditionnent «tout le reste». La combinaison des deux leur assure une base sociopolitique pour négocier des intérêts d’une fraction significative du capital (fiscalité, secret bancaire, importations parallèles limitées, emprise croissante des assurances privées et maladie, etc.). Elle a ses représentants aussi bien dans le Parti radical, le PDC que dans des secteurs modernistes du PS. Pour faire passer leur politique néoconservatrice, ces forces «rassemblent une base populaire» avec ce genre d’initiative ou de contreprojet du Conseil fédéral.

Droite et «gauche» officielle ne se risquent pas à s’opposer, de front, aux «naturalisations démocratiques». Tout d’abord, ces formations politiques ne veulent pas risquer d’apparaître «antidémocratiques», alors qu’elles se taisent sur le fait que ces droits locaux ou cantonaux sont de plus en plus évidés, de fait. Ensuite, la «gauche» a tout simplement rallié le camp du contre-projet des autorités fédérales, dont l’origine est la proposition de Thomas Pfisterer (voir encadré). Ainsi, elle échappe à être assimilée à l’UDC et peut se proclamer favorable à la possibilité de refuser des naturalisations, mais démocratiquement ! Enfin, la «gauche» se refuse à combattre simultanément la modification de la LN (Loi sur la nationalité) et l’initiative de l’UDC. Ce faisant, au nom d’une adhésion aux règles d’une «démocratie locale» croupion, qui se heurte au pouvoir des «milieux économiques», la «gauche» renonce à défendre les droits démocratiques dans leur dimension universelle, comme la Déclaration des droits humains de 1948 les formule dans plusieurs de ses articles qui promeuvent le droit de participer aux décisions sociales et d’exister au plan politique là où l’on vit.

L’argumentaire [12] de l’UDC use et abuse d’arguments se référant à la «démocratie locale», dissimulant et maquillant son atrophie. Face à cela, invoquer la «nation-patrie» dans le style Micheline Calmy-Rey-Grutli, avec croix suisse sur les baskets, aboutit à tromper les salariés·e·s, tous et toutes quelle que soit leur nationalité. En outre, faisant l’impasse sur les dynamiques régressives à l’œuvre dans l’UE, «la gauche» vante une «naturalisation-démocratico-euro-compatible», à l’unisson avec des ténors bourgeois.

Avec une telle orientation, en s’alignant derrière les partis bourgeois versus l’UDC, dans une campagne tout en moderato, caution est donnée à un fait: que les naturalisations se feront au compte-gouttes. Or, 1,5 million d’étrangers sont reconnus en Suisse. Cette couardise politique porte atteinte aux droits démocratiques de tous et toutes. Elle va encore renforcer les divisions construites, les segmentations administratives affinées d’un ensemble dont le dénominateur commun est, pourtant, celui d’être des salarié ·e·s, qu’ils aient un passeport suisse, qu’ils soient naturalisés ou naturalisables, immigré·e·s «reconnus» ou requérant·e·s d’asile. De plus en plus, tous sont placés sous la férule du commandement sévère du capital qui invoque: «la compétitivité de la Suisse est décisive». Pour qui? Pour ceux qui tiennent le même langage en Allemagne, en France et dans le monde entier. Car ces dominants savent combien toutes les divisions construites et réglementées juridiquement affaiblissent ceux et celles qui, de plus, sont mis en concurrence les un ·e·s contre les autres, dans ce pays et à l’échelle internationale. La solidarité de classe est, par définition, internationaliste.

1. Données OCDE, Eurostat, OFS et ODM.

2. Selon l’OFS, en 1990 il y a 1’245’000 étrangers (18 % de la population totale), en 2005 ils sont 1’542’000 (21 %).

3. 43’270 naturalisations concernent des résidents sur sol suisse et 1770 sur sol étranger.

4. ODM, Rapport concernant les questions en suspens dans le domaine de la nationalité, Berne, 20.12.2005; ODM, Portail Naturalisation, http://www.bfm. admin.ch/bfm/fr/home/themen/buergerrecht/einbuergerungen.html Diversité des règlementations cantonales, sur www.naturalisation-oui.ch/vergleich.php; sites Internet des cantons (tous disponibles à partir du site de la Confédération); Loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse (Loi sur la nationalité, LN); Stéphane Bussard, «Les Romands rongent leur frein», quotidien Le Temps, Genève, 28.09.2004.

5. La circulaire concernant l’ordon­nance sur les émoluments perçus en application de la LN, du 24 novembre 2005, prévoit pas moins de 10 taxes différentes pour accomplir, en fin de compte, le même acte.

6. Pierre Centlivres, «Intégration et naturalisations. L’exemple suisse», in mensuel Terrain, Paris, octobre 1990.

7. Cf. Arrêt du Tribunal fédéral 129/217 (sur http://www.bger.ch/fr/ index/juridiction/jurisdiction-inherit-te mplate/jurisdiction-recht/ jurisdiction-recht-leitentscheide1954-direct.htm), ATF 129/232 (sur http://www.bger.ch/ fr/index/ juridiction/jurisdiction-inherit-template/jurisdiction-recht/jurisdi ction-recht-leitentscheide1954-direct. htm) et ATF 130/140 (sur http:// www. bger.ch/fr/index/juridiction/jurisdiction-inherit-template/jurisdic tion-recht/ jurisdiction-recht-leitentscheide1954-direct.htm) Droit constitutionnel suisse. Mise à jour au 31 décembre 2003, Andreas Auer, Giorgio Malinverni, Michel Hottelier (Précis de droit Stämpfli, sur http://www.pds.recht.ch/).

8. Cf. site Internet de l’initiative, http://www.einbuergerungen.ch/et site des votations de l’administration fédérale.

9. Signalons que l’initiative a récolté le 75 % des signatures dans les cantons de ZH, BE, AG, SG, SZ, LU, TG qui totalisent le 52 % de la population du pays (données OFS).

10. Cf. document 2006-0053 du Conseil fédéral, du 09.01.2006 sur l’aboutissement de l’initiative.

11. Conseil fédéral, Message relatif à l’initiative populaire fédérale Pour des naturalisations démocratiques, Berne, 25.10.2006, point 1.2.4.2.

12. UDC, Initiative «Pour des naturalisations démocratiques». Argumentaire, sans mention de ville ni de date.

 


Débats et votations antérieurs au 1er juin

En 1974, l’initiative contre «l’emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse» [a], qui demandait notamment de limiter les naturalisations à 4 000 par an (soit le 0,4 % de la population étrangère, tandis qu’il y avait un taux de 1 % de naturalisations) a été refusée à 66 %.

En 1977 sont votées deux initiatives. La première voulait limiter la population étrangère à 12,5 % de la population totale, mais accorder la nationalité suisse à un enfant naissant de parents étrangers habitant en Suisse et dont la mère était ressortissante suisse par filiation. La seconde visait à limiter le nombre des naturalisations à 4 000 par an. Elles sont refusées respectivement à 71 % et 66 % des votes.

En 1983, l’arrêté fédéral sur la naturalisation facilitée des jeunes étrangers nés en Suisse, des réfugiés et des apatrides – avec plusieurs restrictions – est rejeté à 55 %.

En 1994, l’arrêté fédéral sur la naturalisation facilitée des jeunes étrangers ayant grandi en Suisse, avec diverses restrictions, est accepté à 53 %, mais refusé par la majorité des cantons, donc rejeté.

En 2004, deux arrêtés fédéraux sont soumis au vote, l’un sur la naturalisation facilitée pour les jeunes étrangers titulaires d’une autorisation d’établissement ou d’un droit de séjour durable (2e génération); l’autre sur l’acquisition de la nationalité par les jeunes étrangers nés en Suisse lorsqu’un des parents au moins y a grandi (3e génération). Les deux projets (contenant plusieurs restrictions) sont rejetés à 57 % et 52 %.

Entre 1999 et 2007, plus d’une vingtaine d’interventions parlementaires (initiatives parlementaires personnelles ou cantonales, motions, proposition de modification de loi, etc.) sont déposées à l’Assemblée fédérale sur de la question de la naturalisation.

Nous en relèverons six:

- La plus importante date de 2003. Suite au refus de la naturalisation pour des ressortissants des Balkans à Emmen, suite à un grand nombre d’interventions parlementaires et suite à des arrêts du Tribunal fédéral sur la question, le radical et Docteur en droit ainsi que Professeur Thomas Pfisterer (Argovie) dépose au Conseil des Etats une proposition de modification de la LN. Elle vise à ce que les cantons puissent soumettre les naturalisations au vote soit des assemblées communales, soit de l’électorat communal, soit du parlement cantonal. La proposition réclame aussi que le Tribunal fédéral ne puisse se prononcer que sur les violations d’une garantie constitutionnelle de procédure. Enfin, le texte de Pfisterer prévoit aussi de laisser aux citoyens un droit de référendum motivé par écrit.

La proposition a fini par unifier les positions des deux Chambres. Une fois affinée, elle a été adoptée en décembre 2007. Elle devient ainsi, de facto, le contre-projet du parlement à l’initiative de l’UDC sur les naturalisations. Mais le Conseil fédéral n’a pas voulu le présenter comme contre-projet officiel, probablement pour se donner plus de chances de gagner la votation, car il est rare qu’une initiative sans contre-projet passe la rampe de l’opposition des autorités fédérales. Vraisemblablement et selon l’ODM (Office fédéral des migrations), si l’initiative UDC passe, le projet de modification sera retiré; si elle ne passe pas, le projet sera adopté par l’Assemblée fédérale (voir ci-dessus). Reste une question inquiétante: quel sera le degré d’arbitraire dans l’application de ce projet en matière de motivation référendaire d’un refus de naturalisation? Et quelle sera la possibilité pour les personnes ayant essuyé un refus de faire recours, alors qu’elles vivent tous les jours dans la commune où leur naturalisation a été refusée. Le courage des personnes d’Emmen ayant recouru et le contexte qui l’a permis ne peuvent être invoqués comme prouvant qu’il est simple et facile de faire appel d’une telle décision.

- En 2005, celui qui deviendra président de l’UDC en 2008, Toni Brunner (conseiller national de Saint-Gall), dépose une initiative parlementaire contre les «mariages fictifs». Il s’agit d’empêcher «les requérants d’asile définitivement déboutés et les personnes séjournant illégalement en Suisse de se soustraire par le mariage à l’obligation de quitter le pays». L’objectif était de durcir encore les dispositions de la récente Loi sur les étrangers alors que ces dernières avaient déjà rigidifié celles préexistantes. Le Conseil fédéral a donné suite. Le projet est en cours d’élaboration.

- En 2006, le conseiller national démocrate-chrétien Ruedi Lustenberger de Lucerne, faisant écho à l’initiative Toni Brunner, lance une autre initiative parlementaire. Son but: prolonger le délai – actuellement de cinq ans et qui passera vraisemblablement à huit ans! – de retrait de la nationalité lorsque celle-ci a été obtenue «par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels»; initiative en débat actuellement et à laquelle le Conseil fédéral a donné suite [b]

- En décembre 2006, juin 2007 et octobres 2007, respectivement les conseillers nationaux UDC Walter Wobman (Soleure), Hans Fehr (Zurich, président de l’ASIN) ainsi que le groupe UDC au Conseil national déposent chacun une initiative parlementaire. Le premier propose que seuls les détenteurs d’un permis d’établissement puissent demander la naturalisation. Cela vise explicitement les requérants d’asile en les traitant de «délinquants étrangers qui, soudain, sont à l’abri d’une expulsion parce qu’ils viennent d’acquérir la nationalité suisse». H. Fehr propose que la demande de naturalisation ne puisse être déposée qu’après sept ans de permis d’établissement, afin d’éviter que des requérants d’asile naturalisés et punissables «exhibent leur nouveau passeport suisse lorsque plane la menace d’une expulsion». Les deux propositions sont en cours de discussion. Le groupe UDC cherche simplement à supprimer toute naturalisation facilitée pour «éviter des naturalisations en masse».

a. Cf. Répertoire chronologique des votations, sur le site de la Confédération; site Internet des Commissions des institutions politiques de Conseil national et du Conseil des Etats (site de l’Assemblée fédérale); archives des conseils national et des Etats sur le site de l’Assemblée fédérale; ODM, Rapport de l’Office fédéral des migrations concernant les questions en suspens dans le domaine de la nationalité, Berne, 20.12.2005.

b. On apprend, dans le développement, qu’actuellement l’ODM examine quelque 400 cas de naturalisations pour un éventuel retrait de la nationalité.

(25 avril 2008)

 
         
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