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Editorial
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CN en chocolat

Charles-André Udry

Suite à la signature de la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse 2008-2010 (CN 2008) entre les organisations syndicales (Unia et Syna) et la Société suisse des entrepreneurs (SSE), un véritable bilan mériterait d’être fait. Il le sera. Pour l’heure, il n’est pas du tout certain que l’accueil sur tous les chantiers de Suisse soit positif. Il est fort différencié. Sur le fond, deux régions ont manifesté une vraie capacité de mobilisation, le Tessin tout d’abord, puis Genève.

Que tout soit fait par l’appareil d’Unia et de Syna pour que cet accord soit appréhendé de manière favorable relève de la certitude. Les permanents doivent distribuer des Vrenelis (pièces de monnaie en or). Elles sont en chocolat ! A coup sûr, elles ont été produites à partir du surplus de lapins de Pâques restés sur les rayons de la Coop et refondus.

Le Vreneli en chocolat ne porte pas la frappe de Helvetia, mais le mot d’ordre: «Unia ça paie». Tout un symbole. La traduction d’une politique de marketing conduite dans le style de n’importe quelle entreprise, au mieux de moyen de gamme. Une orientation qui fera de l’essentiel des sections syndicales d’Unia des organismes mettant l’accent sur le télémarketing afin de recruter de nouveaux membres: on téléphone aux travailleurs dont on a pris le numéro lors d’un passage rapide sur le chantier, pour le «contacter» et le «recruter».

Il en résultera un changement et une réduction accrue de la présence sur le terrain de militants syndicaux, du moins dans l’essentiel des régions de Suisse. L’importance du recrutement est vue sous l’angle quantitatif et financier, car la conscience existe dans la direction qu’en 2010 le patronat peut très bien ne plus participer au financement du syndicat par le biais du Parifonds.

Une lecture attentive de la convention nationale permettra de mesurer son véritable contenu et ses implications pour le futur. En fait, un compromis avait déjà été établi en 2005, au nom duquel le soutien a été donné aux chétives mesures d’accompagnement justifiées par le besoin, déclaré, de faire face «à la sous-enchère salariale».

Or, la CN 2008 marque un recul par rapport à 2005. A l’art. 23, paragraphe 3, portant sur la question clé de la «définition du temps de travail», il est dit: «L’entreprise peut modifier le calendrier de la durée du travail et l’adapter à ses nouveaux besoins d’exploitation, pour l’ensemble de l’entreprise ou seulement pour certains chantiers… Il est alors possible de passer au-dessous du nombre minimal d’heures hebdomadaires et de dépasser le nombre maximal d’heures hebdomadaires jusqu’à concurrence de 48 heures. L’augmentation de la durée hebdomadaire de travail doit cependant posséder un lien obligatoire avec l’incident qui a entraîné au préalable une réduction de la durée de travail. La répétition de l’adaptation du calendrier de la durée de travail est possible.»

La flexibilité horaire entre 37,5 heures et 48 heures est confirmée. Toutefois, grâce à l’adaptation, de manière répétée, du calendrier de la durée du travail, la flexibilité est de fait accrue. Cela a des conséquences très concrètes. La réorganisation du calendrier de travail, qui doit être mis à disposition des travailleurs, va incomber, dans la majorité des cas, au contremaître, avec la multiplication des tensions possibles qui peuvent en résulter. Or, la liaison contremaître-travailleur est très importante pour mobiliser les ouvriers d’un chantier.

En outre, pour quiconque connaissant les changements dans la composition du salariat dans la construction en Suisse alémanique, la formule de ce paragraphe 3, comme du 3bis et 3ter, correspond à une gestion plus mobile de la force de travail, entre autres venant d’Allemagne.

En effet, un travailleur venant par exemple de Dresde préfère commencer son travail le lundi à midi et faire ce jour-là 6 heures au total. Puis, il fera trois fois 12 heures le mardi, mercredi et jeudi. Le vendredi, il travaillera de 7 h à 13 h. Puis pliera bagage pour rentrer en Allemagne et voir sa famille, avant de revenir le lundi. Le calcul est simple: il fera un total de 48 heu­res, mais avec 3 journées épuisantes de 12 heures. La fatigue accumulée va accroître les risques liés à son voyage en voiture.

Les changements de calendrier permettront encore plus de rendre le travail du samedi du domaine du normal. Dès lors, qualifier la convention de positive et de payante relève de l’abus de langage.

(29. mai 2008)

 
         
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