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Chine

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Département chinois de l’atelier mondial ?

Difficile de consulter des revues ou des hebdomadaires – de The Economist à Der Spiegel – sans qu’apparaisse «le monstre économique chinois». L’annonce des Jeux olympiques de 2008 n’explique pas tout. Quelques éclaircissements.

Charles-André Udry

L’intégration accentuée de l’économie chinoise à l’économie capitaliste mondiale constitue un élément majeur de sa configuration à venir. L’entrée de la Chine dans l’OMC (Organisation mondiale du commerce), en novembre 2001, après 15 ans de négociations, signalait avec éclat le changement.

Cette intégration s’opère aussi dans le contexte d’une crise durable et conjointe de surproduction de marchandises et de suraccumulation de capitaux. La réaction du capital est visible, actuellement, avec les licenciements et les externalisations dans l’industrie automobile, accompagnés de la mise en place de véritables réseaux productifs transnationalisés («mondialisés») et centralisés, placés sous le commandement de holdings (sociétés financières contrôlant d’autres). Ce genre de politique, visant à accroître la rentabilité, est une des origines du chômage. Les «délocalisations», en Chine ou ailleurs, ne jouent qu’un rôle très limité sur le volume de l’emploi, comme le démontre une étude de Maury Harris de l’UBS pour les Etats-Unis (Wall Street Journal, 17 septembre 2004). Par contre, désigner la Chine permet de faciliter «l’union sacrée» en Europe, en Suisse, contre «les Chinois» et d’oublier la politique du Capital, de ses représentants et la défense des salariélels, ici et en Chine.

Quant à la Chine, le régime présent d’accumulation capitaliste –qui s’impose brutalement– la conduit logiquement à s’intégrer dans la nouvelle division internationale du travail.

Une photographie des IDE

Jetons un regard sur l’essor et la répartition géographique des investissements directs à l’étranger (IDE). Ils sont effectués par les détenteurs de capitaux dans des entreprises de biens et de services: soit pour les créer, soit pour y prendre une participation, soit pour effectuer une fusion avec un autre grand «acteur». Ces IDE donnent une certaine photographie de la réorganisation du capitalisme international.

Pour la période 2000-2002, les IDE entrants (donc qui entrent dans les pays) sont les suivants pour quelques pays, en milliards de dollars américains: Etats-Unis: 162,7 (17% du total mondial); Allemagne: 91,7 (9,6%); France: 50,0 (5,2%); Chine: 46,9 (4,9%); Hongkong (porte de la Chine): 33,1 (3,5%); Brésil (le géant de l’Amérique latine): 23,9 (2,9%).

En 2003, les Etats-Unis totalisent des IDE entrants à hauteur de 86,6 milliards (13,3% du total mondial); l’Allemagne: 36,3 milliards (5,6%), la France: 36,4 milliards (5,6%), la Chine: 57 milliards (8,7%); Hongkong: 14,3 milliards (2,2%); le Brésil: 9,1 milliards (1,4%).

La Chine se place au 8e rang de l’ensemble des pays d’accueil pour la période 2000-2002. Et pour le solde des IDE entrants et sortants, elle se place au 2e rang; juste après l’Allemagne.

L’accès au marché chinois (y vendre) est un facteur significatif pour les firmes qui y investissent. Mais elles s’y implantent de même dans le cadre d’opérations de montage de filières mondialisées de production de biens et de services et d’exportations vers d’autres filiales. Ces IDE s’intègrent donc dans la chaîne productive et de captation de plus-value mondialisée des transnationales.

Depuis la moitié des années 1990, les IDE en Chine ont une forte caractéristique de lancement de projets industriels nouveaux, soit propres, soit le plus souvent en joint-ventures (une firme transnationale et une firme encore sous «contrôle étatique» ou privée). Cela est assez différent du processus qui s’est développé au Brésil ou en Argentine, où des secteurs entiers ont été acquis à l’occasion des privatisations de grands secteurs publics.

Cette caractéristique explique, en partie, l’essor des exportations chinoises. Stephen Roach, l’économiste de la grande banque d’affaires américaine Morgan Stanley –qui organise investissements ainsi qu’achats et fusions de firmes–, indique que presque 65% des exportations chinoises, qui ont triplé au cours de la dernière décennie, sont composées de biens issus de la sous-traitance attribuée à des filiales de transnationales (des maillons de la chaîne de production) et à des joint-ventures.

La pente ascendante des exportations est raide: 121 milliards de dollars en 1994 et 365 milliards à mi-2003. Si, pour mesurer la croissance des exportations de marchandises, l’on prend comme référence l’indice 1 en 1970, la Chine atteint 141,1 en 2002 et l’Inde 21,4, ce qui indique l’intégration relative de ces deux pays dans l’économie capitaliste internationale. La Chine se situe actuellement à la quatrième place dans le commerce mondial, en ayant passé de 1% du volume mondial en 1980 à 5% en 2003. L’essentiel des exportations est formé de produits manufacturés [voir ci-contre: La Chine: portrait]

Croissance, gages et redistribution

Le niveau élevé de la croissance du PIB chinois et sa durée frappent les esprits. La production industrielle a augmenté de 16% en 2003, malgré l’épidémie du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), contre 13% en 2002. Le taux de croissance du PIB tourne autour des 7% à 9%. Les analystes sont à l’affût d’une baisse, par exemple un taux de 9,1% au troisième trimestre, par rapport à 9,6% au second trimestre 2004!

Un peu d’histoire. Deng Xiaoping revient aux commandes, fermement, en 1977. Le tournant desdites «réformes» est pris en 1978. Deng écrit: «Il importe de saisir l’occasion que présente le marasme actuel des pays d’Europe occidentale [référence à la récession des pays de l’OCDE de 1974-1975, qui sera suivie par celle de 1981-1982 qui touchera l’OCDE, mais aussi les pays de la «périphérie», ainsi que la Pologne, l’URSS…] pour développer la coopération avec ceux-ci… La Chine étant un immense marché, de nombreux pays veulent coopérer et faire du commerce avec nous; nous devons quant à nous savoir en tirer parti. C’est là un problème d’importance stratégique.»

Depuis lors, au travers de diverses phases, le cours des «réformes» s’est approfondi. Et le dernier Congrès du Parti communiste chinois (PCC), le XVIe, tenu en novembre 2002, a proclamé l’objectif de quadrupler le PIB d’ici à 2020. Si le taux de croissance reste supérieur à 7% , l’objectif peut être atteint.

Toutefois une question s’impose avant toute spéculation sur la croissance future de l’économie chinoise ainsi que sur son rôle (ou non) de réanimatrice à moyen terme de l’économie mondiale: quels signaux politiques ont été donnés en direction des pays impérialistes, les Etats-Unis au premier rang, pour que la caste bureaucratique puisse engager ce tournant?

Il est possible de les énumérer ainsi, de manière non exhaustive. En février 1972, en pleine guerre du Vietnam, Richard Nixon rencontre Mao. En février 1979, attaque militaire contre le Vietnam pour, prétendument, punir l’intervention vietnamienne au Cambodge de Pol Pot. Wang Hui explique: «Une raison pour cette attaque contre un petit voisin, qui autrement ne faisait pas sens, résidait dans le désir d’établir de nouvelles relations avec les Etats-Unis». A fin janvier 1979, Deng se rend aux Etats-Unis, en envisageant une «coalition anti-soviétique». En 1978-1979, réouverture des liens avec la diaspora chinoise et restitution d’une partie de ses biens. Cette diaspora jouera un rôle d’intermédiation décisive pour les investissements à venir (Chinois de Singapour, Hongkong, Täiwan, Thaïlande, etc.). La répression infligée, en juin 1989, contre le mouvement de masse symboliquement réuni sur la place Tiananmen. Sans détours, un porte-parole de la diaspora chinoise, Desmond Wrong, écrit: «L’ancien premier ministre Lee Kuan Yew observa que pendant que les Américains, les Européens et les Japonais fuyaient la Chine avec leurs capitaux au sortir des incidents de Tiananmen en 1989 [craignant l’ouverture d’une crise politique au sommet et l’instabilité socio-politique], les Chinois de la diaspora ont jugé cette perturbation comme momentanée, et ont obtenu des possibilités d’investissements attractifs, qui ne leur ont pas été contestés». Les investisseurs impérialistes vont assez vite manifester leur confiance dans le rôle du Parti unique, de l’armée, de la police et du syndicat comme courroie de liaison du PCC. Voilà des facteurs de «stabilité sociale» et des conditions de soumission de la main-d’œuvre à une exploitation brutale. Certes les Etats-Unis et les pays de l’Union européenne (UE) restent minoritaires dans les investissements. Ils n’ont accéléré leur implantation qu’au cours de la dernière décennie. La tournée d’inspection de Deng, en 1992, dans les régions du Sud (Wuhan, Shenzen, Zhuhai, Shanghai), zones d’investissements privilégiées, donna un signal clair, avant le XIVe Congrès du PCC en octobre de cette année. Les mises au pas, sans concession, des paysans et travailleurs qui protestent, régulièrement, contre les effets sociaux des «réformes». L’alignement assez net sur les exigences du FMI exprimé par Jiang Zemin lors du XVe Congrès du PCC en septembre 1997. Et, finalement, le changement de la Constitution par l’Assemblée populaire, en mars 2004, qui déclare que les droits à la propriété privée sont inviolables (ce qui est une avancée par rapport aux changements de 1988 et de 1999, qui marquaient déjà une rupture en relation avec le texte de 1982).

Cette énumération illustre un enchaînement de décisions et de transformations socio-économiques qui ont abouti à modifier les modalités du contrôle du surproduit de la société chinoise créé par les travailleursleuses et les paysans, et accaparé, auparavant aussi, par la caste dominante. Comme l’écrivait Trotsky, en 1940, ceux qui «possèdent le surproduit sont maîtres de la situation», de l’Etat et «des clefs de l’Eglise» (le PCC). Ils modifient donc la forme et les instruments (propriété privée) de ce contrôle du surproduit, se réorganisent comme classe dominante avec ses élites dirigeantes (Parti plus englobant, administration) et s’associent au capital impérialiste pour tirer bénéfice «du nouvel atelier du monde».

La «corruption» n’est qu’un des moyens –commun au travers de l’histoire du capitalisme– d’accumuler des capitaux pour tenter d’entrer dans les mécanismes plus traditionnels de captation de la plus-value.

Un prolétariat réorganisé d’une main de fer

Pour appréhender le processus en cours [voir: La Chine: portrait], il est utile d’avoir à l’esprit un ratio. Sur les quelque 740 millions de travailleurs et travailleuses adultes vivant en Chine, donc en état d’être exploitélels, la population vivant à la campagne –faisant face à une pauvreté implacable et sans protection sociale– ainsi que celle liée aux activités des zones rurales s’élèvent à 490 millions. L’écart des revenus entre ces deux composantes –rurale et urbaine– de la société ne cesse de croître.

Voilà un des éléments constitutifs de cette gigantesque armée de réserve industrielle qui permet d’exercer une exploitation brutale. Ce ratio n’existait ni lorsque l’URSS implosa, ni dans les pays de l’Est; ni dans les pays semi-industrialisés, plus ou moins en crise, comme le Brésil ou l’Argentine.

Ceux qui invoquent les lois sur le travail devraient tendre l’oreille à ce qu’affirmait en 2002 le directeur «de bonne gouvernance d’entreprise» de la transnationale d’articles de sport Reebook: «Qui respecte les lois sur le travail en Chine, aujourd’hui? Personne. Si ces lois étaient respectées, les conditions de travail seraient plus décentes. Mais plus que partout ailleurs où je travaille, ces lois sont bafouées.» (Associated Press Newswire, Hongkong, 29 mai 2002)

Un quadruple processus, à gros traits, est à l’œuvre dans la soumission du Travail à l’exploitation du nouveau Capital chinois et impérialiste.

Des masses de jeunes travailleuses –entre 17 et 24 ans, car après «elles sont usées et ne sont plus contrôlables aussi aisément»– fournissent cette force de travail qui permet à des entreprises installées dans une ville comme Dongguan –ville côtière qui, pour s’étendre, a dû, comme en Hollande, gagner du terrain sur la mer– de produire à des «prix compétitifs» des chaussures pour le marché mondial. Les salaires –quand ils sont distribués– sont inférieurs à ceux obtenus au Mexique, dans la zone frontalière avec les Etats-Unis. La majorité de ces femmes vient de la campagne. Ce sont des migrantes [voir ci-dessous: La vie ordinaire du migrant], soumises à toutes les contraintes possibles en termes de chantage pouvant s’exercer à partir de l’endettement qu’elles ont contracté pour obtenir un permis et se payer le déplacement, de confiscation par la direction des papiers, de salaires pas versés. Le taux d’exploitation est maximal: durée du travail (12h et plus par jour); intensité du travail; salaires souvent inférieurs au dérisoire salaire minimum. C’est dans ce sens que, au sein de la concurrence sur un marché du travail mondialisé, s’établissent des repères pour le prix de la vente de la force de travail.

Des secteurs de travailleurs des anciens centres industriels –où existent de nombreuses usines d’Etat– sont soumis à des licenciements massifs. Ils composent un ensemble de chômeurs, dont l’ampleur ne se retrouve pas dans la statistique officielle. Ils sont projetés dans la pauvreté. Dans une étude sur les privatisations à Shenyang, dans l’ancien Nord industriel, Antoine Kernen constate: «Plus de 70% des nouveaux pauvres urbains sont d’anciens employés du secteur étatique, employés en congé, à la retraite ou en préretraite… Indirectement, les enfants sont aussi touchés par la crise [mise en faillite] des entreprises d’Etat. Il n’est pas rare aujourd’hui que des parents n’arrivent plus à payer les frais de scolarité qui ne cessent d’augmenter». La concurrence entre ces salariélels, les migrants, ceux et celles qui quittent la campagne, est exacerbée et est accrue par des politiques différentes à l’échelle des provinces.

Des bataillons de paysans subissent de plein fouet le démantèlement de leur accès à la terre. Il est courant qu’ils soient expropriés par les administrations qui ne leur versent qu’un montant dérisoire. Légalement, la somme devrait être l’équivalent de 16 années de revenus des récoltes. Mais la loi est faite pour être contournée. Ces terres sont revendues, avec une «plus-value» substantielle, à des opérateurs immobiliers, à des entrepreneurs de travaux publics, à des entreprises nouvellement installées.

Le régime vient de décider de lever les entraves à la commercialisation des terres agricoles, ce qui va accentuer l’expulsion des paysans de la terre. Il faut avoir à l’esprit que l’agriculture chinoise, souvent très intensive, a façonné une main-d’œuvre particulière, disciplinée (par le régime autoritaire aussi); une main-d’œuvre proto-industrielle en quelque sorte. Il y a là un réservoir pour les travailleurs et travailleuses exigés par le boom industriel et immobilier ainsi que par la demande des nouvelles entreprises s’installant «loin» des côtes.

La concurrence du soja brésilien et d’autres produits agricoles –étant donné les accords passés avec le Brésil et l’adhésion à l’OMC– va aussi déraciner et paupériser des masses de paysans. Business Week (4 octobre 2004) souligne que la Chine consomme 40 millions de tonnes de soja et n’en produit que 16 millions; et qu’elle n’a ni l’eau ni la terre pour en produire plus. Une aubaine pour l’agro-exportation capitaliste brésilienne.

Une tendance à monter dans les filières de  production s’affirme depuis un certain temps: photocopieuses, appareils photo, ordinateurs et même automobiles, avec la possibilité de mettre sur le marché des véhicules hybrides afin d’économiser l’essence et contrecarrer la terrifiante pollution. Mais le déficit commercial dans le secteur des hautes technologies ne cesse de se creuser. Logitech, l’entreprise helvetico-américaine, vend sa souris Wanda (sans fil) 40 dollars aux Etats-Unis; l’entreprise chinoise n’obtient que 3 dollars pour les salaires, l’électricité, le transport et les autres frais. Ces secteurs reposent donc, pour l’heure, sur une exploitation féroce de  la main d’œuvre, bien plus que sur une «assimilation» des technologies.

En conclusion: «l’atelier du monde» va certainement servir –et le fait déjà– d’indicateur de la ligne d’étiage vers le bas, dans le processus de mise en concurrence des travailleurs à l’échelle mondiale, par le biais des échanges au sein des zones de libre-échange et des filières productives transnationales. Cela s’est déjà constaté après la crise de 1997-1998 dans la zone asiatique.

Sources: Stephen Roach, «How Global Labour Arbitrage will shape the World Economy», Global Agenda. Partnering for Security and Prosperity, 2004; Banque des règlements internationaux (BRI), 74e Rapport annuel, Bâle, juin 2004. World Investment Report 2004, CNUCED, Genève 2004; World Trade Report 2004, OMC, Genève. Wall Street Journal, 22 octobre 2004. Numéro special de The Economist, «The Dragon and the Eagle», 2 octobre 2004, 26 pp. Deng Xiaoping, Textes choisis, Editions en langues étrangères, Pékin, 1983. Der Spiegel, No 42, 2004. Anita Chan, China’s Workers under Assault. The Exploitation of Labor in a Globalizing Economy, London, M.E. Sharpes, 2001. Qin Hui, «Dividing The Big Family Assets», in New Left Review, march-april 2003, pp.83-110 (entretien). Wang Hui, «Fire at The Castle Gate», in New Left Review, novembre-décembre 2000; pp. 69-99 (entretien). Foreign Direct Investment on The Development Gateway: The SGV Review, septembre 2004, article de Desmond Wrong, «Do You Know where Your competitors are». Trotsky, Marx vu par Trotsky, Buchet Chastel, 1970. Antoine Kernen, La Chine vers l’économie de marché. Les privatisations à Shenyang, Karthala, 2004. Politics in China. Moving Frontiers, Ed. by F. Mongin et J.L. Rocca, Palgrave Macmillan, N.Y., 2002. John King Fairbank, La Grande révolution chinoise 1980-1989, Flammarion-Champs, 1998. Cong Cao, «L’industrie chinoise face au défi technologique. Les investisseurs étrangers sont les premiers pourvoyeurs de technologies», Perspectives chinoises, No83, mai-juin 2004.


La vie ordinaire du migrant

Le «contrôle» des migrations internes de la Chine –parmi les plus importantes de l’histoire, sur une aussi courte période– s’effectue par un permis d’établissement (hukou); un pour les zones urbaines, un autre pour les rurales. La course d’obstacles du migrant rural interne à la Chine s’apparente à celle que rencontrent des migrants non européens «arrivant» dans l’Union européenne (UE) ou à des demandeurs d’asile.

Précarité, contrôle policier combiné avec la prévarication, chantage patronal renforcé par l’inexistence de syndicat, travail forcé, sont le lot de millions de travailleurs et travailleuses. Court récit.

«Gao Mingyu, un migrant de la province de Henan, dirige un groupe de 50 migrants sur un chantier de Pékin en 2002. Cinq mois plus tard, le chantier arrive à sa fin. Mais les salaires ne sont jamais versés. «Au début, je me suis rendu dans les bureaux de la société chaque jour, en les invitant à manger et en leur donnant des cigarettes. Mais personne d’entre eux ne nous a donné notre salaire.» Mr. Gao rappelle: «Il était de si mauvaise foi. Dès lors, je me suis rendu auprès de diverses administrations, mais toutes m’ont dit que je devais faire appel à la justice. Une procédure en justice coûterait 2’500 yuans et nous ne pouvions pas faire face à cette dépense. Finalement, un juge a été envoyé afin d’écouter notre plainte. Mais les patrons ont simplement nié qu’ils nous avaient engagés. Et le juge semblait les croire. Ils devaient l’avoir corrompu. Maintenant je vis avec des amis et je ne peux même pas me payer un repas, mais je ne suis pas prêt à rentrer chez moi sans avoir obtenu mon salaire.» (Geoffrey York, Globe and Mail, 23 octobre 2004).

Quelque 40% de la population rurale survit grâce aux transferts salariaux effectués par les migrants. Cela se produit parallèlement à un transfert annuel estimé par l’OCDE à 24 milliards de dollars par année de l’économie rurale vers l’urbaine: destruction des infrastructures sociales à la campagne et dépenses «majestueuses» dans certaines villes; impôts très lourds pesant sur les paysans; obligations de déposer leur épargne auprès de banques qui financent des projets urbains, etc. Le migrant rural est donc pris au piège.

«Il y a une forte discrimination, très répandue, contre les migrants. Ils sont harassés par la police qui les arrête et leur demande des pots-de-vin parce qu’ils n’ont pas de lieu de résidence. Des millions de migrants sont arrêtés et renvoyés dans leur village d’origine. La majorité d’entre eux ne peut scolariser ses enfants en ville à cause des coûts d’inscriptions et d’autres obstacles administratifs.» (ibid)


La Chine: portrait

• Divisions territoriales: 22 provinces; plus Taiwan considéré comme province par Pékin; plus 5 régions autonomes: Mongolie intérieure, Guangxi, Ningxia, Xinjiang (ex-Turkistan oriental), Xizang (Tibet). Grande inégalité du revenu moyen entre régions: en 2002, si on attribue l’indice 100 à Shanghai, Pékin obtient 67,8, Guangxi décroche l’indice 15,3. La moyenne nationale se situe à 27,8.

• Population: 1,3 milliard; population active évaluée à 757 millions en 2000. Officiellement: 350,5 millions travaillent dans l’agriculture; avec quelque 140 millions ayant diverses activités qui en dépendent. L’industrie emploie officiellement quelque 132,5 millions de personnes. Dans ce rapport réside la «source inépuisable» de main-d’œuvre corvéable (migrante, entre autres). Un transfert colossal de richesse s’effectue de la campagne vers la ville.

• PIB croissance (en%): 1998: 7,8%; 1999: 7,1%; 2000: 8,0%; 2001: 7,3%; 2002: 8,0%; 2003: 9,1%. En Corée du Sud, sur la durée, le taux de croissance a été en moyenne de 8,7% pour les années 1970 et de 6,3% au cours de décennie 1990. Depuis 2000, le taux moyen annuel est 5,2%. La Chine échappera-t-elle à ce trend? Question économique et sociale.

• Investissements (Formation brute de capital fixe): 36,3% du PIB en 2001, contre 26,2% sur la période 1989-1991. C’est un rapport très élevé. Il pose le problème de sa durée possible et de son efficacité.

• Exportations (en milliards de dollars): 1998: 183,5; 1999: 194,7; 2000: 249; 2001: 266,1; 2002: 325,7; 2003: 390. Importations: 1998: 136,9; 1999: 158,7; 2000: 214,7; 2001: 232,1; 2002: 281,5; 2003: 370. L’évolution des importations (produits de base et intermédiaires) est, tendanciellement, plus forte que celle des exportations. Dès lors, le solde positif des échanges commerciaux tend à décroître.

• OMC et Chine: dès 2006 la Chine doit imposer le respect «de la propriété intellectuelle». Cette déférence est difficile à imaginer. La contrefaçon a encore de beaux jours. Un problème plus sérieux: la présence des banques privées en Chine doit être libéralisée. Diverses études estiment que quelque 250 millions de personnes ont une épargne élevée par rapport à leur revenu (étant donné les incertitudes planant sur leur futur). Le total est estimé à 2 trillions de dollars. Or, les banques d’Etat (quatre en forment l’ossature) sont criblées de créances douteuses (ou irrécouvrables). Donc, l’épargne des particuliers, dans l’autre colonne de leur bilan, assure leur équilibre. Si des banques américaines ou japonaises viennent capter massivement cette épargne, les banques publiques verront leurs bilans chahutés. Cela d’autant plus que ces dernières financent des projets immobiliers souvent spéculatifs. Elles sont aussi très engagées auprès de firmes étatiques qui sont délaissées. Une destruction de capitaux et de forces productives installées se dessine à l’horizon; à ne pas confondre avec un crash.

• Trois phases dans l’ouverture: Dans la première phase (fin 1970 et 1980), les gains provenant de la relance de l’agriculture se déversent dans l’industrie rurale légère (aujourd’hui en crise). La deuxième (dès la fin des années 1980 et début 1990), est marquée par l’entrée d’IDE en provenance de Taiwan, de Hongkong, de Macao, de Singapour. Ils représentent jusqu’à 47,5% des investissements dans la province de Guandong. Une troisième phase s’accélère actuellement avec l’afflux d’IDE des pays impérialistes et les relations nouvelles entre la Chine et des économies comme celles de l’ASEAN ou certaines de l’Amérique latine (Brésil, Chili, Argentine).

 
         
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