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Votez NON le 5 juin !
 
   


NON à la forteresse Schengen/Dublin

En vue du 5 juin, socialistes, Verts et pontes syndicaux sont devenus de zélés propagandistes des accords de Schengen/Dublin. L’Europe policière et forteresse? Volatilisée! Un retour à la réalité s’impose. Interview avec Nils de Dardel.

Le Parti socialiste suisse (PSS), les Verts, l’Union syndicale suisse (USS) sont, avec economiessuisse, les plus fidèles alliés du Conseil fédéral pour appeler à voter Oui, le 5 juin, à l’adhésion de la Suisse aux accords de Schengen/Dublin. Pour la cause, ces adeptes de l’«eurobéat-attitude» «découvrent» chaque jour de nouvelles vertus à Schengen/ Dublin, qui n’auraient plus rien à voir avec une Europe policière et se barricadant face aux migrations. Le merveilleux cadeau offert à la place bancaire helvétique –pour la première fois, un traité international reconnaît le secret bancaire suisse– ne les chiffonne pas davantage. Pour revenir à la réalité du contenu de ces accords (cf. également notre dossier pp.6-7), La brèche s’est entretenue avec Nils de Dardel. Nils de Dardel, juriste, a été Conseiller national du Parti socialiste de 1991 à 2003. Il a démissionné du PS fin décembre 2004. A cette occasion, Nils de Dardel a notamment invoqué les positions du PS à propos des accords de Schengen/Dublin et plus généralement des questions de police, de sécurité et des libertés fondamentales, individuelles et collectives.


Dans les années 90, les accords de Schengen/ Dublin étaient le symbole de l’Europe forteresse et policière. Aujourd’hui, le Parti socialiste suisse (PSS), les Verts et les syndicats soutiennent l’adhésion de la Suisse à ces accords. Schengen et Dublin ont-ils été améliorés?

Nils de Dardel – Non. Il y a peut-être même une aggravation de la dimension forteresse: avec l’élargissement de l’Union européenne (UE), le contrôle de ses frontières extérieures sera renforcé.

Prenons Schengen: il prévoit qu’à l’intérieur du territoire européen il n’y a en principe plus de contrôle d’identité aux frontières des Etats. Ce qui est plutôt une mesure d’ouverture. Mais le pendant en est un renforcement des contrôles à l’intérieur de chaque pays. Les contrôles d’identité aléatoires, sans soupçon d’infraction, sont en pleine expansion. C’est ce qui attend la Suisse si elle adhère à Schengen. Les autorités fédérales et cantonales l’ont annoncé.

Certes, les contrôles d’identité sans soupçon d’infraction existent déjà en Suisse. Mais cela se passe en dehors d’un cadre légal strict. Le cadre légal veut qu’il n’y ait pas de contrôle d’identité sans que le policier ait, en se basant sur des éléments suffisamment objectifs, des raisons de penser que la personne est dangereuse, ou qu’elle est en infraction.

L’adhésion à Schengen risque par conséquent d’aggraver la présence policière et les contrôles d’identité. Un contrôle d’identité, ce n’est pas seulement le fait de devoir montrer ses papiers dans la rue. C’est aussi pouvoir être emmené au poste de police et être privé de liberté durant quelques heures. C’est beaucoup moins anodin qu’il n’y paraît.

Que rétorquent les Verts et les socialistes à ces arguments?

Les Verts et le PSS, dans un bel ensemble, prétendent que ce discours est incompréhensible pour les gens et que seule la propagande de l’UDC passe sur ce sujet. Voter contre Schengen et Dublin reviendrait donc à voter contre l’Europe. Cette opinion est, à mon avis, complètement dénuée de pertinence.

Admettons que l’on souhaite l’adhésion de la Suisse à l’UE. C’est mon cas: je souhaite cette adhésion afin que la gauche syndicale et politique rejoigne le combat de nos camarades dans toute l’Europe et que, par conséquent, nous agissions dans le même cadre. Mais Schengen/ Dublin n’est pas du tout un pas en direction d’une adhésion à l’Europe. L’UE n’a pas demandé à la Suisse d’adhérer à Schengen/ Dublin. C’est une demande de la Suisse, très politique. Le Conseil fédéral pensait qu’en adhérant à ce qu’il y a de plus sécuritaire, il lui serait plus facile de «vendre» les Bilatérales à l’opinion publique. Il y a aussi une obsession du Conseil fédéral à renforcer au maximum la collaboration policière avec les Etats européens.

L’UE, par contre, ne voulait pas de cette adhésion parce qu’elle avait peur que la Suisse demande des exceptions. Et c’est ce qui s’est passé avec le secret bancaire. Tout ce qui concerne la fraude fiscale en matière d’imposition directe échappe à Schengen/Dublin: c’est une exception monumentale! La situation est différente pour l’imposition indirecte, qui fait l’objet d’un autre accord bilatéral, sur la fraude. Le secret bancaire en lien avec l’imposition directe, c’est un tabou pour les autorités et la place financière suisse. Il a été mis en place dans les années 20 pour permettre à des capitaux étrangers de venir clandestinement en Suisse et d’échapper à leurs fiscs nationaux. Schengen est le premier traité international qui reconnaît le secret bancaire suisse. Le Conseil fédéral et les banques suisses ont bien joué et Schengen représente un gros cadeau fait à la place financière suisse.

Pour défendre Schengen, on plaide à gauche et parmi les Verts l’importance de lutter contre le crime. Comment? En faisant une gigantesque exception en faveur du secret bancaire, qui sert à couvrir certains des crimes qui coûtent le plus cher à la société comme la corruption, les grandes escroqueries internationales, les crimes mafieux et le blanchiment d’argent?

Qu’en est-il du Système d’information Schengen (SIS)? Micheline Calmy-Rey ou Hanspeter Thür, préposé à la protection des données, assurent que la protection des données devrait quasiment sortir renforcée de l’adhésion à ce dispositif?

C’est une plaisanterie. Ce qu’il y a de redoutable avec le SIS, c’est le fait que c’est un fichier de police à l’échelle de tout un continent. C’est une banque de données de type Big Brother, où sont récoltées toutes sortes de données sur des personnes qui n’ont commis aucun délit grave mais qui sont, du fait d’irrégularités administratives, indésirables dans un pays. Selon la statistique la plus récente, il y a dans ce fichier, sur 100 personnes enregistrées, 1,5 personne recherchée pour être arrêtée, qui a donc commis, ou qui est soupçonné d’avoir commis, quelque chose de grave.

Est-ce que les règles en matière de protection des données applicables aux fichiers de police sont respectées? Probablement. Mais qu’est-ce que cela signifie? La première règle fondamentale en matière de protection des données réside dans la garantie donnée aux personnes fichées de pouvoir accéder au dossier qui les concerne. Or cette règle n’existe jamais en matière de fichiers de police. Dans tous les Etats.

Un demi-million d’immigré·e·s résidant en Suisse et non ressortissants des pays de l’UE ont besoin de visas pour passer sur le territoire français, allemand, etc. L’insertion de la Suisse dans l’espace Schengen leur faciliterait la vie?

C’est exact qu’il y a aujourd’hui de nombreuses personnes qui ont besoin de tels visas et qui doivent consacrer beaucoup de temps à leur obtention. Mais, avec Schengen, il faut mettre dans la balance ce désagrément réel et le désagrément potentiel, mais qui pourrait devenir de plus en plus fréquent, d’être arrêté dans la rue et de devoir passer plusieurs heures dans un poste de police. Je pense qu’il est plus important de protéger les personnes face à ce deuxième type de «désagrément», même s’il est moins fréquent. C’est-à-dire qu’un désagrément administratif est moins grave qu’une atteinte aux libertés personnelles. De plus, il serait parfaitement envisageable de trouver des solutions administratives pour faciliter la vie des personnes concernées par ces demandes de visa, sans recourir à une adhésion à Schengen/ Dublin.


Le droit d’asile dans le corset de Dublin

L’argument à gauche et parmi les syndicats consiste à dire que la dégradation du droit d’asile est telle en Suisse que le cadre offert par Dublin renforcera la défense de ce droit. Qu’en penses-tu ?

Nils de Dardel – Le rôle fondamental de l’accord de Dublin est de faire en sorte qu’il n’y ait qu’un seul pays qui traite une demande d’asile et d’établir les critères déterminant ce pays. Il s’agit d’obliger les requérants d’asile à passer par tel pays, et pas par un autre. Dans ce but, Dublin a aussi mis en place le fichier Eurodac, qui a pour fonction de faciliter l’identification des requérants d’asile et d’empêcher une nouvelle requête si une demande a déjà été faite dans un autre pays.

L’accord de Dublin restreint donc très fortement la possibilité pour les requérants d’asile de déposer leur demande dans le pays où ils ont le plus de chances de l’obtenir. Or les chances d’être reconnu comme réfugié sont très différentes selon les pays. Un seul exemple : les Tchétchènes qui demandent l’asile en Autriche sont presque certains de l’obtenir. Par contre, ils n’ont pratiquement aucune chance s’ils s’adressent à la Slovénie voisine. Les restrictions imposées par Dublin au choix des requérants d’asile ne représentent donc pas une extension de leurs droits.

Est-ce qu’en adhérant à Dublin la Suisse sera obligée d’améliorer sa pratique du droit d’asile ou de renoncer aux nouvelles restrictions débattues par les Chambres ? Pour défendre ce point de vue, on explique que les directives édictées par l’UE garantiraient des procédures d’asile supérieures à celles en vigueur en Suisse. C’est en principe vrai. Mais attention ! D’une part, ces directives ne sont pas toujours impératives. D’autre part, elles ne sont valables que pour les pays membres de l’UE. Elles ne sont pas intégrées au système du traité de Dublin. Dublin règle uniquement la question de la compétence des pays et d’Eurodac, mais pas la question de la procédure d’asile. Le Conseil fédéral insiste d’ailleurs sur ce point : nous adhérons, dit-il, à Dublin, mais nous n’adhérons pas aux procédures de l’UE et nous gardons toute liberté pour interpréter la convention de Genève sur les réfugiés. Par exemple, la Suisse continue à ne prendre en compte que les persécutions étatiques, alors que l’UE reconnaît également les persécutions non-étatiques.

L’OSAR, l’Œuvre suisse d’aide aux réfugiés, qui développe cet argument, sait très bien cela. Elle poursuit donc ainsi : lorsque la Suisse aura adhéré à Dublin, l’UE ne supportera pas que la Suisse déroge à ses directives. C’est trop d’honneur ! Premièrement, l’UE est traversée par des courants politiques du même type que l’UDC et Blocher.

A Lampedusa, Berlusconi a fait renvoyer des milliers de personnes qui avaient déposé des demandes d’asile, sans se préoccuper d’ouvrir une seule procédure. Plusieurs pays du Nord de l’Europe, l’Allemagne, l’Italie demandent, comme Blocher, qu’il y ait des camps de tri des réfugiés hors du territoire européen, en Ukraine ou dans le Nord de l’Afrique. Deuxièmement, il n’y a pas l’ombre d’une pression européenne sur la Suisse pour qu’elle modifie sa pratique et devienne plus généreuse envers les réfugiés. Cela n’existe pas et il n’y a pas le moindre indice que cela va changer. Troisièmement, même s’il y avait de telles pressions, la Suisse sait résister : on l’a vu avec le secret bancaire. Cela fait beaucoup d’éléments qui montrent que l’argument de l’OSAR est illusoire

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