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Le jour d’après

Jean-François Marquis

Dès le 26 septembre, la majorité de droite au Parlement a adopté les versions les plus dures de la Loi sur l’asile (LAsi) et de la Loi sur les étrangers (LEtr). Donnant ainsi son vrai sens au prétendu “oui d’ouverture” du 25 septembre.

Ladite gauche –  des notables socialistes à ceux ”d’A gauche toute !”  –  en avait fait son argument massue: un Oui le 25 septembre serait un Non à la xénophobie, indispensable pour résister à Blocher et ses affidés.

Blocher, ne surprenant que ceux qui en ont fait un épouvantail pour mieux dissimuler leur connivence néo-corporatiste avec le patronat et l’appareil d’Etat de ce pays, a fait publiquement campagne pour le Oui le 25 septembre. Et, dès le 26 septembre, le Parlement a montré ce qu’il pensait du Oui “anti-xénophobe” de la veille. En trois jours, le Conseil national s’est rallié sur tous les points fondamentaux aux versions de la Loi sur l’asile (LAsi) et de la Loi sur les étrangers (LEtr) adoptées en mars dernier par le Conseil des Etats.

On a aussitôt eu droit, du côté de ladite gauche, à des réactions outrées. L’Union syndicale suisse (USS) a dénoncé le ralliement du “PDC et [du] PRD [à] "une ligne blochérienne” (28.9.2005). Le Courrier, organe officiel de l’essentiel du Oui autrement, n’a pas hésité: “Asile: mardi noir. Ils ont osé.” (28.9.2005) Comme si une trahison subite venait d’être commise.

La réalité est bien plus banale. La majorité de droite du Parlement n’a fait que poursuivre la mise en œuvre de la politique cohérente –  ce qui ne l’empêche pas d’être scandaleuse  – du Conseil fédéral (et pas seulement de Blocher) en matière de migrations. Les révisions de la LAsi et de la LEtr sont, de ce point de vue, le complément logique et nécessaire de ladite extension de la libre circulation des personnes. Le Oui du 25 septembre n’était, dès lors, qu’un encouragement à appliquer cette politique avec encore plus de rigueur. Ce qu’a fait la droite unie.

La Neue Zürcher Zeitung, plus réaliste car ayant moins de balivernes à vendre dans ce domaine à son lectorat, explique cela de manière posée dans son édition du 27 septembre: “La ligne dure [s’impose] aussi en matière de droit des étrangers”. “La révision de la Loi sur les étrangers […] ne concerne que les migrants venant de pays tiers hors de l’Europe”, commence par expliquer la NZZ. L’essentiel est dit. Le quotidien zurichois poursuit: “Le Conseil national et le Conseil des Etats s’étaient déjà mis d’accord [au printemps 2004] sur les règles de base de la révision de la LEtr: fondamentalement, seuls doivent être autorisés [à venir en Suisse] les étrangers pour lesquels existe une demande sur le marché du travail et qui disposent d’une bonne qualification professionnelle –  une politique qui a déjà fait ses preuves ces 10 dernières années.” Pour la NZZ, le Conseil national s’est simplement montré “plus conséquent” qu’il y a une année. Ainsi “il a laissé tomber l’article dit des aides agricoles qui prévoyait la possibilité d’accorder un permis de séjour non seulement aux personnes occupant des positions dirigeantes ou étant des spécialistes, mais également à “la main-d’œuvre nécessaire à l’accomplissement de tâches spécifiques”. C’est surtout l’agriculture qui misait à l’origine sur cet article pour avoir accès à une main-d’œuvre bon marché. Cette disposition n’est désormais plus nécessaire, car grâce à l’extension de la libre-circulation il existe un réservoir suffisant pour une telle main-d’œuvre: c’est ainsi que l’UDC a justifié son abandon de cette disposition.” Faut-il être plus clair ?

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de la “socialiste” Micheline Calmy-Rey expliquait exactement la même chose en août: l’Accord de libre circulation des personnes “entre la Suisse et les 15 anciens Etats membres de l’UE est entré en vigueur le 1er juin 2002. Après deux ans et demi, la Suisse peut tirer un bilan positif. Dans l’ensemble, l’immigration a légèrement diminué ces dernières années en Suisse. On observe simultanément un déplacement sensible dans sa composition: l’immigration en provenance de pays tiers (par exemple des Balkans et de la Turquie) diminue, alors que l’immigration en provenance des Etats de l’UE augmente. Ce déplacement est conforme aux objectifs de la politique migratoire du Conseil fédéral. Les travailleurs originaires de l’UE s’intègrent facilement de manière générale. De même, ils répondent davantage aux exigences des entreprises suisses en ce qui concerne les qualifications linguistiques et techniques notamment. Ils se voient par conséquent privilégiés par l’accord sur la libre circulation des personnes. L’extension de cet accord s’inscrit dans le droit fil de cette même politique migratoire.”

En d’autres termes: le Oui du 25 septembre n’a en rien ébranlé la politique utilitariste et discriminatoire des deux cercles. Il lui a au contraire apporté une pierre de première importance, solidement scellée grâce aux bons soins de ladite gauche et des directions syndicales. La droite n’a dès lors plus qu’à achever l’édifice avec la LEtr et la LAsi, ce à quoi elle s’est attelée dès le 26 septembre.

Des campagnes référendaires sont désormais certaines. Le référendum contre la Loi sur l’asile est annoncé et disposera d’un large appui. Celui contre la LEtr est probable, même si le Parti socialiste et l’Union syndicale suisse traînent les pieds, par “réalisme” –  le même qui faisait que le Oui le 25 septembre était la seule position possible. Nous participerons à ces batailles référendaires nécessaires. Mais en refusant de dissimuler la cohérence de la politique du Conseil fédéral. Car ce n’est qu’ainsi que l’on pourra la combattre.

 

 
         
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