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Contre le durcissement des lois sur les étrangers et l’asile
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Se battre pour l’unité des salariés

Guy Zurkinden

Les référendums contre la Loi sur les étrangers (LEtr) et la révision de la Loi sur l’Asile (LAsi) ont abouti. Le bras droit de Blocher à la tête de l’Office fédéral des Migrations, Eduard Gnesa, a déjà lancé la campagne en faveur des deux textes, en présentant un Rapport sur l’intégration justifiant le durcissement de la politique d’immigration –  qu’il définit comme «généreuse avec ceux qui ont besoin de protection et dure avec ceux qui abusent du système.» [1]

La votation sur les deux lois aura lieu le 24 septembre 2006. Une année après l’acceptation de l’extension de la dite «libre-circulation» des personnes aux dix nouveaux pays membres de l’Union européenne. Ce n’est pas un hasard. Ces trois objets forment un ensemble adapté aux intérêts du patronat suisse : Premièrement, l’extension de la «libre-circulation» sans renforcement des protections des salariés entraînera une pression générale sur les salaires. Deuxièmement, le durcissement de la LEtr-LAsi, rendant quasi-impossible le séjour légal en Suisse pour les extra-européens (sauf pour les très qualifiés… et les grosses fortunes), limitera une immigration moins désirable pour le patronat –  car pouvant «présenter des problèmes accrus d’intégration» [2]  – tout en garantissant à certains secteurs de l’économie la main-d’œuvre sans-papiers (surexploitable) dont ils ont besoin. Troisièmement, cette séparation des êtres humains en «deux classes» est justifiée par un discours officiel sur l’«impossible intégration» –  donc le danger potentiel  – des immigrés extra-européens. Cela renforce les sentiments xénophobes dans la population et les divisions entre salariés –  donc réduit leur capacité à s’unir pour défendre leurs intérêts.

Cette politique migratoire des «deux cercles» –  accompagnée du renforcement des moyens policiers de traque / répression des immigrés illégalisés  – se met en place à l’échelle européenne. Un impératif la guide : baisser le coût de la main-d’œuvre. La précarité et la surexploitation réservées aux salariés extra-européens sont une étape de l’offensive visant à démanteler les droits de toutes et tous les salariés.

Les presque 170’000 signatures récoltées contre la LEtr et la LAsi montrent qu’un sentiment de rejet de cette politique cynique fait son chemin dans une partie de la population. La campagne pour le double non doit s’appuyer sur ce sentiment pour former le front le plus large contre les deux lois. Mais elle ne peut se contenter de revendiquer le statu quo : ce sont les textes de loi actuels qui privent de droits 300’000 sans-papiers vivant en Suisse ; qui coupent l’aide sociale aux requérants d’asile déboutés ; qui condamnent à l’incertitude et à la surexploitation dans les usines, les chantiers ou les restaurants des dizaines de milliers de salariés aux permis précaires. La LEtr et la LAsi marquent un durcissement de la politique migratoire. Mais depuis sa naissance au début du XXe  siècle, celle-ci a toujours eu pour fonction de trier, contrôler et discriminer les immigrés.

Cette politique de tri des immigrés en fonction des besoins des entreprises est acceptée par une large majorité de la dite «gauche» suisse. Pour Ruth Dreyfus, ex-conseillère fédérale socialiste et présidente du comité national pour le double non à la LEtr-LAsi, «dire que notre politique migratoire doit être orientée en fonction des besoins de notre économie n’est pas choquant en soi.» [3] Cet alignement explique la campagne active du Parti socialiste et de l’Union syndicale suisse, l’année dernière, pour le oui à l’extension d’une pseudo-«libre-circulation» au service des entreprises et du dumping salarial. Il explique aussi les problèmes surgis lors du lancement du double référendum, qui a vu le Parti socialiste faire campagne contre une seule des deux lois (la LAsi), alors que les syndicats de l’USS allaient à reculons récolter les signatures contre la LEtr. Le risque est grand que ces organisations mènent une campagne minimale, en défendant le statu quo (au nom d’une «tradition humanitaire» qui n’a jamais existé) contre des lois «qui vont trop loin». Cela ouvrirait un boulevard aux arguments xénophobes de Blocher et de ses acolytes.

La campagne contre ces deux lois doit s’attaquer à leur logique de fond : la politique patronale de précarisation et division des salariés. En faisant le lien entre les attaques contre les droits des immigrés et le démantèlement des droits de toutes et tous les salariés, cette campagne peut permettre de jeter des ponts entre salariés suisses, immigrés, et sans-papiers, autour de revendications communes : rejet de la LEtr-LAsi ; rejet de la précarité et du dumping salarial et social ; droit à la libre-circulation associé au renforcement des droits sociaux pour toutes et tous ; régularisation collective des sans-papiers.

La manifestation du 17 juin à Berne sera une première étape de la campagne. Elle pourrait lancer des mobilisations cantonales en automne autour de ces revendications. La participation à la journée européenne de lutte contre la précarisation et pour les droits des migrants, le 7 octobre 2006, permettrait aux collectifs créés durant la campagne d’inscrire leur mobilisation dans la nécessaire construction d’un mouvement de lutte à l’échelle européenne.

1. Le Matin, 26 mars 2006.
2. Message du Conseil fédéral, p. 3486.
3. Le Courrier, 5 avril 2006.

 
         
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