Brésil

La situation du Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL)

Renato Godoy de Toledo * 

Dans l’hebdomadaire Brasil do Fato en date du 6 avril 2010, Renato Godoy de Toledo rappelle qu’en « 2006 un secteur de la gauche brésilienne présenta une liste électorale [pour l’élection présidentielle] qui paraissait pouvoir être une alternative au bloc hégémonisé par le PT et par le président Lula. Le PSOL (Parti du Socialisme et de la Liberté), le PCB (Parti communiste brésilien) et le PSTU (Parti socialiste des travailleurs unifiés) se réunirent pour soutenir la candidature d’Heloisa Helena. » La reconduction d’un tel front électoral « en 2010 apparaît chaque fois moins probable ».

Aux différences entre les trois formations précitées s’ajoute un débat interne au sein du PSOL entre les divers courants ou fractions publiques qui le composent ; un débat qui traduit des divergences d’options politiques – dans un contexte où la domination politico-électorale de Lula défie les pronostics faits en 2006 – et l’impact des orientations politico-institutionnelles sur une organisation nouvelle (créée en 2004).

A ces divergences d’ordre politique se sont ajoutés des conflits médiatisés portant sur la validité de l’élection des délégués de certains Etats pour la conférence électorale du PSOL qui doit se tenir les 10 et 11 avril. De plus, le choix effectué depuis quelques mois par l’ancienne candidate présidentielle Heloisa Helena de soutenir publiquement un des trois candidats du PSOL, Martiniano Cavalcante, et de donner la priorité à sa propre candidature au Sénat, comme représentante de l’Etat d’Alagoas a certainement dû susciter un malaise dans le PSOL, qui reste une addition de fractions publiques, malgré la volonté déclarée de dépasser cette configuration.

L’auteur de l’article publié ci-dessous, Renato Godoy de Toledo, donne une interprétation des difficultés rencontrées par le PSOL. D’autres sont certainement possibles. Nous tenterons de les porter à la connaissance des lectrices et lecteurs, car les évolutions socio-politiques au Brésil sont de première importance pour l’ensemble du continent. – (Réd.)

*****

Le Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL – fondé en 2004) tiendra sa première convention électorale nationale de ses sept années d’histoire les 10 et 11 avril prochains. Après le désistement de celle dont le nom est naturellement associé au parti, la parlementaire fédérale de Maceió (capitale de l’Etat d’Alagoas), Heloísa Helena – qui se présente pour un poste vacant au Sénat –, trois candidats se présentent pour être candidat aux présidentielles d’octobre 2010 : Plínio Arruda Sampaio (Etat de São Paulo), Martiniano Cavalcante (Etat de Goiás) et Joaõ Batista de Oliveira, dit Babá (Etat de Rio de Janeiro).

La configuration de la bagarre publique est devenue plus dure après l’échec des négociations de certains secteurs du parti avec le Parti Vert [Partido Verde] de Marina Silva [ex-ministre du gouvernement Lula pour l’environnement]. Les courants qui appuient Martiniano Cavalcante – soit le MES et le Mouvement Terre, Travail et Liberté (MTL) – furent les principaux protagonistes de la tentative d’accord avec Marina Silva et ils reçoivent maintenant des critiques de la part des autres tendances du parti.

Les trois candidats insistent sur le fait que le parti se trouve face à un défi immense après des tractations préliminaires: sortir unis de la dispute, cet objectif paraît bien compromis au vu de l’escalade d’échange d’accusations entre les courants. Plus difficile encore sera de pouvoir « rééditer » le Front de Gauche de 2006, que le PSOL avait constitué avec le PSTU [Parti Socialiste Unifié des Travailleurs] et le PCB [Parti Communiste Brésilien] autour de la candidature d’Heloísa Helena.

Il y a une très grande polarisation entre les candidatures de Plínio Arruda Sampaio et de Martiniano Cavalcante – les deux favoris. Parmi les courants du PSOL, le groupe de Babá se situe à la gauche des deux autres courants nommés. Mais le pré-candidat lui-même admet que son courant, le Courant Socialiste des Travailleurs (CST), jouit d’une représentativité limitée à l’intérieur du parti. L’ex-député fédéral attire l’attention sur le fait que le principal objectif de son engagement militant du moment est de faire échec à la candidature de Martiniano. Cependant, Babá affirme que son désistement en faveur de Plínio n’a pas été discuté dans son courant.

Selon les opposants de Martiniano, celui-ci en viendrait à soutenir la candidature de Marina Silva [du Parti Vert], au cas où sa pré-candidature, soutenue par les deux courants MES et MTL, ne sortait pas victorieuse du Congrès électoral du PSOL. La probable candidate verte à la présidence affirme qu’elle soutiendra les prétentions d’Heloísa Helena à occuper une place vacante au Sénat.

Quel programme ?

En termes programmatiques, les divergences sont également présentes. Lors du dernier congrès du PSOL, en 2009, il y avait eu un débat entre deux positions distinctes. Un secteur défendait un programme pour le parti qui mettrait l’accent sur une rupture socialiste. L’autre soutenait la thèse d’un programme démocratique et populaire. Derrière la candidature de Plínio Sampaio, il y a des membres de ces deux secteurs.

Deux bases d’appui importantes de la pré-candidature de Plínio, l’Action Populaire Socialiste (APS) et le courant Enlace [qui se revendique de la IVe Internationale dont se réclame un secteur important du Nouveau Parti Anticapitaliste en France] défendent un programme démocratique et populaire, avec des réformes profondes et un renversement de priorités, ce qui accumulerait des forces dans la société pour la construction du socialisme.

Un autre secteur qui défend le programme démocratique et populaire, le MES/MTL, appuie la candidature de Martiniano. Pour le courant CST, de Babá, ce programme est dépassé et la preuve la plus éclatante en est l’expérience du Parti des Travailleurs (PT), qui, depuis les années 1980, le défendait et l’a « transfiguré » au cours du temps.

Pour Plínio, la candidature du PSOL ne doit pas « cacher » le socialisme, même s’il insiste sur le fait que cette revendication n’est pas encore à l’ordre du jour. « Notre candidature a deux priorités: le combat contre la ségrégation et contre la dépendance [face aux transnationales impérialistes]. La rupture (socialiste) n’est pas immédiate. Pour le socialisme, des conditions objectives et subjectives sont nécessaires. Mais comme la conscience n’est pas développée, nous avons besoin de commencer par des transformations radicales à l’intérieur du capitalisme. Pour pouvoir, à partir des contradictions développées, indiquer la nécessité historique du socialisme ».

Sur cet aspect, il y a des concordances entre Plínio et Martiniano Cavalcante. Celui-ci aussi insiste sur le fait que la construction du socialisme n’est pas en débat actuellemtn et défend la radicalisation de la démocratie – ce qui est vu par ses adversaires comme une dérobade programmatique en vue de « cacher » le socialisme.

Cavalcante ajoute, en faisant référence aux critiques de ses opposants: « Nous insistons sur la nécessité de formuler une alternative de pouvoir. Nous avons besoin d’une démocratie plus profonde, avec une rupture démocratique. Ce processus doit s’appuyer sur la démocratie directe. Nous devons refonder la République à travers une Constituante et défendre d’abord les revendications nationales, démocratiques et populaires. Nous ne voulons pas faire du PSOL un parti avant-gardiste d’extrême gauche, qui ne discute qu’avec le PSTU et le PCB ».

Quant à Babá, il critique l’idée d’un gouvernement démocratique-populaire. « Nous avons des critiques à l’égard de ce modèle depuis la gestion de l’ex-préfet de Belém, Edmilson Rodrigues [qui soutient la candidature de Plínio]. Nous pensons qu’on ne peut pas gouverner pour tous. Le gouvernement doit être en faveur des travailleurs, contre le capital. Il ne peut pas servir les deux en même temps », insiste-t-il.

Même opposé à un tel programme, Babá pense qu’en période d’élections, le parti doit faire de la propagande pour des revendications de la classe ouvrière, comme le non-paiement de la dette publique, qui est, selon le dirigeant, « nécessairement une revendication socialiste ».

Qui est qui dans le PSOL ?

Plínio Arruda Sampaio est ex-député constituant, président de l’Association Brésilienne de Réforme Agraire. Il y quitté le Parti des Travailleurs en 2005. Sa pré-candidature reçoit l’appui de la majorité des parlementaires du PSOL et de courants tels qu’« Action Populaire Socialiste », « Enlace » et « Socialisme et Liberté » [ qui a initié la campagne en faveur de la andidature de Plinio]. Martiniano Cavalcante est appuyé par l’ex-sénatrice Heloísa Helena et par les courants « Mouvement Terre, Travail et Liberté » (MTL) et le « Mouvement Gauche Socialiste » (MES) de la députée fédérale Luciane Genro (Etat de Rio Grande do Sul). Le pré-candidat Martiniano est ingénieur et il a autrefois milité au PCB et au PSTU. Babá fut député fédéral du Pará pour deux mandats. En 2003, il a quitté le PT, après la votation sur la réforme de la prévoyance sociale. Il l’a fait au côté de Luciana Genro et d’Heloísa Helena, il fut l’un des premiers fondateurs du Psol. En 2004, il a effectué un changement de domicile électoral vers Rio de Janeiro. Il est membre du courant trotskyste « Courant Socialiste des Travailleurs » [qui se rattache au courant international issu du courant trotskyste argentin se revendiquant de Nahuel Moreno, la UIT: Union Internationale des Travailleurs]. – (Traduction d’A l’Encontre)

* Renato Godoy de Toledo est membre de la rédaction de Brasil do Fato, hebdomadaire des mouvements sociaux, entre autres du MST, au Brésil.

(10 avril 2010)


A l'encontre, case postale 120, 1000 Lausanne 20 Soutien: ccp 10-25669-5