France

Changement de climat avant le 12 octobre 2010

Charles-André Udry

Dans des petites villes souvent, un peu partout sur le territoire de la France, de Dignes à Cherbourg, des lycéens manifestent. «Pour sauver leur retraite» ? Ou, comme ils le disent à Rodez, pour exprimer «leur ras-le-bol de ce gouvernement» ? Le 12 octobre 2010 apparaît comme une nouvelle échéance.

La jonction entre l’exigence du retrait de la loi Sarkozy-Fillon contre les retraites et la volonté de poser la question du gouvernement, de sa légitimité, de sa continuité semble se préciser. Certes, avec des hésitations, fort compréhensibles dans le climat économico-social présent. Une mise en perspective simple dès lors est utile.

Tout d’abord, du 7 septembre, au 23 septembre, puis au 2 octobre 2010, malgré toutes les manœuvres diverses – des appareils syndicaux, du gouvernement, des médias – il n’y a pas eu de recul du mouvement. Les formules utilisées pour entrer dans l’action sont différentes, mais cela est secondaire; l’important réside dans la mobilisation, l’action concrète décidée par des millions de personnes.

Ensuite, le nombre d’initiatives prises par des fédérations syndicales locales – de la CGT à la FSU – pour exiger le retrait et «pousser à l’action» révèle ce qui se passe dans les tréfonds de la société, et pas seulement dans les structures syndicales. En outre, une sorte initiale de rencontre sociale, dans les manifestations, s’effectue entre des travailleurs et travailleuses de différents secteurs: par exemple, à Marseille, des ouvriers des raffineries prenaient la main d’employées des cantines scolaires. C’est plus qu’un symbole. C’est un révélateur de ce qui bout dans la marmite sociale.

Enfin, la CGT de Thibault doit appeler à des assemblées de militant·e·s et de membres, ce qu’elle s’était refusée à faire jusqu’à maintenant. Et le climat devenant plus tendu, un potentiel explosif pouvant s’exprimer, la direction de FO (Mailly), qui jouait sur le mot d’ordre de «grève générale» pour s’affirmer, lève le pied. Comme elle l’a déjà fait par le passé. Une mélodie connue. Dans les transports publics, la volonté d’en découdre s’affirme.

Les appareils centraux cherchent une voie de sortie; des concessions, fort petites, du gouvernement se dessinent. Mais, le pilote Soubie doit maîtriser beaucoup de facteurs, parmi lesquels la crise politique ouverte du gouvernement, de la présidence et la «pression d’en bas». Donc la marge est plus faible pour le «dialogue social» – même tendus – avec les poids lourds de l’Intersyndicale, en priorité le soldat Thibault.

Il ne s’agit pas de prédire une victoire. On en est loin. Mais simplement de se rendre compte que la situation n’est plus celle d’une succession de manifestations. Cela peut changer vite, dans les deux sens. Le point pourra être fait le 12 octobre 2010.

L’entrée des lycéens, certes encore limitée, dans le mouvement est un autre signe annonciateur de ce qui se prépare et peut se solidifier. Charles-André Udry

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Ci-dessous quelques exemples rapportés par la presse

Millau (Aveyron) Blocus du lycée et manif en ville le jeudi 7 octobre 2010.
Blocus du lycée Jean-Vigo, altercation avec les flics et manifestation en ville. C’était ce matin. On était entre 200 et 300.

Carpentras, Salon et Aix: manifestations surprises de lycéens le 7 octobre 2010.
Dans au moins trois villes de la région (et un peu partout en France), les lycéens se sont brusquement réveillés ce matin. A Carpentras, Salon et Aix, des centaines de jeunes se sont retrouvés dans les rues de leur ville. Ils manifestent contre la réforme des retraites, emboîtant ainsi le pas aux grévistes, de plus en plus nombreux, qui protestent contre le projet de loi du gouvernement, en ce moment en discussion au Sénat.
Si les choses se passent plutôt bien à Salon où 400 élèves de l’établissement Craponne font actuellement un sit-in devant le lycée de L’Empéri, à Aix, dans un premier temps, la situation a dégénéré. Devant le lycée Vauvenargues, des «casseurs» ont brûlé des poubelles et lancé des projectiles en direction des voitures en circulation, sur le périphérique. Ça s’est ensuite calmé, même si les lycéens se dirigent vers le lycée Zola pour appeler leurs «collègues» à suivre le mouvement et si les étudiants de la Fac de lettres commencent à bouger.
A Carpentras, les élèves des lycées Victor-Hugo et Louis-Giraud bloquent ce matin leur établissement respectif. Avec des poubelles et des grilles, ils empêchent l’ouverture des portes de leur lycée. Peu de cours sont assurés.

Istres: Retraites, les lycéens manifestent à la sous-préfecture ce jeudi 7 octobre 2010.

Rodez: Quelque 1.500 lycéens, selon la police, ont parcouru jeudi matin le centre-ville de Rodez, et 250 autres ont bloqué une avenue devant leur établissement à Toulouse, pour protester contre la réforme des retraites, ont constaté des correspondants de l’AFP. Les manifestants voulaient exprimer «leur désaccord avec la réforme des retraites et leur ras-le-bol du gouvernement», ont-ils dit en défilant dans la bonne humeur.

• A Mende des lycéens ont quitté leurs établissements pour s’opposer à la réforme des retraites. Plusieurs centaines ont bloqué le boulevard principal.

• A Toulouse, plus de 200 élèves du lycée d’enseignement professionnel Galliéni ont pour leur part bloqué une partie de la matinée l’avenue menant à leur établissement, avec des palettes et des poubelles.

Au Creusot: Manifestation surprise de 150 lycéens contre la réforme des retraites

Lorient (56): Le 6 octobre 2010: un millier de manifestants, et quelques coups de poings avec un proviseur.

Cherbourg: 500 lycéens manifestent le 7 octobre contre la réforme des retraites. Selon la presse «Cette manifestation s’est faite spontanément. Les jeunes ont parcouru les rues du centre-ville jusqu’à midi».

Verdun (Meuse): Entre 300 et 500 lycéens du Lycée Margueritte de Verdun ont entrepris ce matin une manifestation spontanée contre la réforme des retraites, via Facebook. Les jeunes Meusiens ont arpenté les rues de centre ville en aménageant leur itinéraire pour inviter les élèves des autres établissements scolaires de la ville à les suivre

Besançon (Doubs): des centaines d’élèves bloquent le lycée Pergaud. Le lycée Louis-Pergaud de Besançon, le plus gros de l’académie, a été bloqué ce matin de 7 h 30 à 10 h 30 par plusieurs centaines d’élèves. Un appel aux «classes vides» a circulé et des lycéens annonçaient une tournée des autres établissements de la ville dans l’après-midi.

Grenoble: Le Lycée Argouges rejoint le lycée Mounier. Plusieurs centaines d’élèves ce mercredi 6 octobre 2010 se sont réunis peu avant 8 heures aux portes du Lycée Argouges. Une manifestation pour protester contre la fermeture annoncée par le Rectorat de la filière d’enseignement Sciences et Technologies Industrielles. Ils ont rejoint vers 10h à l’inter-classe les élèves du Lycée Mounier qui se battent pour sauver leur établissement de la démolition prévue pour juin 2011. Ils se sont symboliquement enchaînés aux grilles.
Voilà plus d’une semaine que les «Mounier» se battent pour leur lycée menacé de fermeture en juin 2011. Le conseil régional a décidé de le faire démolir pour raison de sécurité. Décision "arbitraire et autoritaire" pour tous les acteurs de l’établissement qui plaident, au contraire, pour sa réhabilitation.
Après Mounier, après Argouges, la mobilisation risque de prendre de l’ampleur.
Une vingtaine d’élèves, accompagnés de quelques enseignants, s’étaient rendus en délégation le mardi 5 octobre à l’antenne grenobloise du Conseil Régional, porteurs d’un courrier tout particulier et plutôt volumineux. Tous les élèves du lycée Mounier, menacé de démolition, ont arraché la page 25 de leurs carnets de correspondance, rédigée par Jean-Jack Queyranne. Le président du conseil régional Rhône-Alpes y traite du rôle de la Région en matière d’éducation. Les passages concernant la construction et l’entretien des bâtiments ont été soigneusement surlignés.

• Retraites : manifestations surprises des lycéens (article publié dans le quotidien La Provence)
Dans au moins quatre villes de la région (et un peu partout en France), les lycéens se sont brusquement réveillés ce matin. A Carpentras, Salon, Istres et Aix, des centaines de jeunes se sont retrouvés dans les rues de leur ville. Ils manifestent contre la réforme des retraites, emboîtant ainsi le pas aux grévistes, de plus en plus nombreux, qui protestent contre le projet de loi du gouvernement, en ce moment en discussion au Sénat.
Si les choses se passent plutôt bien à Salon où 400 élèves de l'établissement Craponne font actuellement un sit-in devant le lycée de L'Empéri. A Aix, dans un premier temps, la situation a dégénéré. Devant le lycée Vauvenargues, des "casseurs" ont brûlé des poubelles et lancé des projectiles en direction des voitures en circulation, sur le périph. Ça s'est ensuite calmé même si les lycéens se dirigent vers Zola pour appeler leurs "collègues" à suivre le mouvement et si les étudiants de la Fac de lettres commencent à bouger.
A Carpentras, les élèves de Victor-Hugo et Louis-Giraud bloquent ce matin leur établissement respectif. Avec des poubelles et des grilles, ils empêchent l'ouverture des portes de leur lycée. Peu de cours sont assurés.
A Istres, dès 6 h, les lycéens de Rimbaud ont bloqué les portes principales de l'établissement. Fermeture partielle, une entrée a été aménagée à l'arrière de l'établissement pour ceux qui souhaitaient aller en cours. Vers 10 h, un cortège d'élèves soutenu par des représentants de cinq syndicats s'est rendu à la sous-préfecture pour y être reçu. Un nouveau blocus pourrait survenir avec le 12 octobre.»

(8 octobre 2010)


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